Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du 29 octobre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la progression terrifiante et constante des départs de djihadistes vers la Syrie, et le retour de ces terroristes potentiels, font peser sur notre pays des menaces que nous ne pouvons plus sous-estimer.

Mille quatre-vingt-neuf Français répertoriés – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – sont impliqués dans le djihad. Combien d’entre eux envisagent de passer à l’acte ? 10 % ? 5 % ? Ne serait-ce que 1 %, imaginez le désastre, si dix Mohammed Merah venaient à commettre des actes terroristes sur notre sol ! Par ailleurs, combien de Français partis au djihad ne sont pas répertoriés par nos services ?

Le 15 septembre dernier, lors de la première lecture de ce projet de loi, je rappelais que le terrorisme était à nos portes. Depuis, force est de constater qu’il n’a fait que frapper plus haut, plus fort, sans limite dans l’horreur. En effet, quelques jours plus tard, l’un de nos compatriotes, un paisible guide de haute montagne, Hervé Gourdel, a été massacré sauvagement. On a exhibé sa tête, sur une vidéo de près d’un quart d’heure, insoutenable. Je tenais à lui rendre hommage aujourd’hui.

Cet assassinat, mais aussi les attaques de « loups solitaires » à Ottawa, à New-York et à Jérusalem, nous montrent avec effroi que la question, hélas, n’est pas de savoir si un prochain Toulouse aura lieu, mais plutôt quand il aura lieu.

De grâce, arrêtons de nous voiler la face ! Ouvrons les yeux ! Nous sommes dans une situation d’urgence et de crise mondiale face à une vague de violence aveugle et sans pitié, peut-être la plus grave depuis la Seconde guerre mondiale. Nous sommes revenus à des guerres de religion pires qu’au Moyen-Âge – ou plus exactement, nous sommes revenus aux guerres d’une religion.

Dans une telle situation, la France se devait de réagir. Le Gouvernement l’a fait, monsieur le secrétaire d’État, en adaptant l’arsenal juridique de notre pays aux nouvelles réalités du terrorisme, afin qu’aucun outil, aucun moyen de détection, d’identification et de répression ne manque à celles et ceux qui le combattent.

Monsieur le secrétaire d’État, le groupe UDI a déjà, en première lecture, salué certaines mesures de ce projet de loi. Je pense en particulier à la transformation des délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme en délits terroristes. Le groupe UDI avait d’ailleurs proposé cette réforme en 2012, laquelle devrait améliorer la répression de la propagande terroriste.

Notre groupe salue également les dispositions de l’article 9, qui prennent en compte les conséquences d’une utilisation intensive d’internet comme moyen de propagande et de recrutement.

Ce texte a également le mérite de créer un délit d’entreprise individuelle terroriste qui permet de poursuivre les personnes isolées qui commettent ou préparent des actes de nature terroriste.

Enfin, l’une des dispositions essentielles de ce texte est bien la création d’un dispositif d’interdiction de sortie du territoire, indispensable si nous voulons faire face à la recrudescence de départs de jeunes Français vers des zones où l’apprentissage de la lutte armée se double d’un embrigadement idéologique.

Pour autant, le groupe UDI reste bien conscient des limites de ces dispositions.

À titre personnel, je regrette que sur certains points, le texte n’ait pas été plus loin, et qu’aucune des propositions constructives de l’opposition n’ait été adoptée, comme le rappelait à l’instant M. Goujon, ne serait-ce que les plus évidentes. La lutte contre le terrorisme n’est pourtant ni de droite, ni de gauche : c’est une cause nationale.

Je reste convaincu que des mesures plus directes pouvaient être intégrées au texte. J’ai ainsi proposé un amendement pour sanctionner lourdement le fait d’exhiber des drapeaux terroristes, ces drapeaux de la haine, ceux de Daech, du Hezbollah, du djihad islamique, qui ont été brandis pendant des heures, de façon impunie et scandaleuse, en juillet dernier en plein Paris. Je regrette que cet amendement n’ait pas été retenu au motif que l’exhibition de drapeaux accompagnée de messages explicites tombe sous le coup de l’article 4.

En matière de terrorisme, mieux vaut légiférer deux fois qu’une !

Je regrette également que des mesures fortes n’aient pas été adoptées pour priver de prestations sociales les individus engagés aux côtés des djihadistes, ou encore en priver leurs familles, lorsqu’ils sont mineurs.

La création d’une commission sur les abus de versements de prestations aux Français ayant quitté le territoire dans le but de participer au djihad, à laquelle oeuvrent mes collègues Thierry Mariani et Alain Marsaud, permettra, je l’espère, de remédier à certaines insuffisances du texte.

Pour ce qui est des binationaux impliqués directement dans le terrorisme, nous n’aurons pas le choix. Il nous faudra un jour ou l’autre envisager une déchéance de la nationalité. Il nous faudra également envisager l’interdiction du retour avec un autre passeport, et une interpellation immédiate, le cas échéant, dès le premier pas sur le territoire français, cela quitte à devoir apporter quelques modifications à notre Constitution.

L’exercice est difficile. Car, contrairement aux terroristes, nous avons, nous, des considérations de respect de l’autre, des considérations humanistes, qui limitent notre capacité d’action. Et c’est bien normal. Or, la morale est totalement absente de l’idéologie terroriste, et cet ennemi profite du fait que nous en ayons une !

Par ailleurs, le projet de loi, dans sa version finale, ne mentionne plus de mesures spécifiques au milieu carcéral, alors que l’on sait pertinemment que les prisons sont un terreau propice au dévoiement de l’islam, une fourmilière du recrutement djihadiste. Je n’ai absolument pas été convaincu, monsieur le secrétaire d’État, par la réponse de Mme la garde des Sceaux à mon collègue Guillaume Larrivé, lors de la séance des questions au Gouvernement de ce jour. La garde des Sceaux n’a qu’un seul mot à la bouche : « ne pas stigmatiser ». Or, il ne s’agit pas de stigmatisation : il s’agit de réalisme, il s’agit de pragmatisme.

Enfin, le point crucial pour lutter contre le terrorisme en amont reste la dimension géopolitique. Le terrorisme ne naît pas du néant ! Or cette dimension essentielle de notre combat n’est pas abordée dans le texte.

Il est pourtant impératif de lutter de façon plus systématique, sans distinction aucune, contre les États qui soutiennent et abritent les organisations terroristes. On ne peut voter une loi visant à combattre activement le terrorisme, et entretenir en même temps des relations, quelles qu’elles soient, avec de tels États !

Le terrorisme ne peut se développer que parce que des pays lui apportent leur concours logistique, financier, idéologique ou militaire. Or ces pays, nous les connaissons et, hélas, nous les fréquentons.

L’Iran, tout d’abord, État terroriste, qui appuie et finance des organisations djihadistes. L’Iran, dont les dirigeants actuels ont été impliqués directement – huit mandats d’arrêt délivrés par Interpol ! – dans des actions comme les attentats de Buenos Aires, qui ont coûté la vie à une centaine de personnes en 1994. Ce même Iran, qui trompe l’ONU depuis plus d’une décennie et cherche à obtenir la bombe nucléaire à tout prix. On se demande bien pourquoi !

Monsieur le secrétaire d’État, ne soyons pas dupes ! Si l’Iran de Rohani fait mine de s’asseoir à la table des négociations, c’est uniquement pour obtenir la levée des embargos et pour gagner du temps dans la constitution d’un arsenal nucléaire militaire.

Qu’arriverait-il aujourd’hui si des groupes djihadistes, qu’ils soient chiites ou sunnites, ou encore un État comme l’Iran ou comme l’État islamique en Irak et au Levant, avaient entre leurs mains des armes de destruction massive ? Ils s’en serviraient immédiatement, ou à moyen terme, comme en Syrie, sans la moindre hésitation. Ils feraient preuve d’un zèle idéologique sans égal, au moyen de ces armes !

Monsieur le secrétaire d’État, si l’Iran de Rohani se présente aujourd’hui sous un jour plus engageant que celui d’Ahmadinejad, ce n’est qu’une tactique qui ne l’a pas empêché d’exécuter 852 de ses citoyens au cours des quinze derniers mois !

Nous étions hier plusieurs dizaines de parlementaires de tous les bancs de l’Assemblée nationale – communistes, écologistes, socialistes, centristes, UMP – réunis au sein d’une conférence du Comité parlementaire pour un Iran démocratique, en présence d’un ancien Premier ministre de M. Mitterrand – Mme Édith Cresson, pour ne pas la citer. Nous avons visionné des images glaçantes d’agressions à l’acide de femmes jugées insuffisamment couvertes. Il faut agir vite : la France ne peut pas rester silencieuse ! Samedi dernier, Reyhaneh Jabbari, âgée de vingt-six ans, a été pendue publiquement pour s’être légitimement défendue et avoir tué l’homme qui la violait.

Malgré cela, il y a quelques semaines, une grande chaîne de télévision, à Paris, organisait un débat, auquel j’étais invité, en présence de l’ancien ambassadeur de France en Iran, sur le thème : « La communauté internationale doit-elle, oui ou non, s’allier avec l’Iran pour lutter contre les djihadistes ? » Mais dans quel pays vivons-nous ? Un pays où, comme je le disais au ministre de l’intérieur le 8 octobre dernier, la manifestation oecuménique – les trois religions du Livre étaient représentées – tenue au lendemain de la décapitation d’Hervé Gourdel, n’a rassemblé, je vous le rappelle, que cinq cents personnes – je dis bien cinq cents –, alors qu’elle aurait dû en réunir cinq cent mille. À côté de cela, des manifestations l’été dernier en faveur du mouvement terroriste et djihadiste du Hamas, au cours desquelles on a entendu clamer « Mort aux Juifs », ont réuni près de trente mille personnes à Paris. Nous marchons sur la tête !

L’Iran donc, mais aussi la Syrie, qui a abrité pendant des années les antennes terroristes les plus variées et qui est aujourd’hui le théâtre de massacres et de gazages, commis de part et d’autre. Deux cent mille civils massacrés ! Et ce, dans un silence assourdissant. Faut-il rappeler que Bachar el-Assad pavoisait il y a peu encore sur les Champs-Élysées, aux côtés du Président de la République.

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