À la suite de plusieurs de mes collègues, je souhaite m'inquiéter des réductions de crédit assez conséquentes auxquelles nous sommes contraints au détriment des instituts français et des établissements de coopération culturelle. Cela concerne 7 500 artistes et 2 500 projets dans 134 pays. Si vous avez déclaré à juste titre, monsieur le ministre, que leurs capacités d'autofinancement pouvaient justifier que leur soit demandé un effort plus important qu'à d'autres départements de votre ministère, j'appelle cependant l'attention sur le fait que la crise économique majeure qui frappe l'Europe entraîne une diminution sensible des cofinancements privés. Ce qui était vrai hier ne le sera pas forcément demain et je souhaite que cette politique soit évaluée de manière objective, à partir des informations transmises par les ambassades.
J'en profite pour rappeler la force de notre réseau culturel : plus de 1 000 centres culturels à l'étranger, dont 226 instituts français et 400 alliances françaises, dont l'une des fonctions principales est de promouvoir la diffusion de la langue française. Il s'agit bien entendu d'un enjeu essentiel et je voudrais prendre l'exemple très concret du Portugal.
Sur une population de 10 millions d'habitants, 220 000 portugais parlent le français, qui est la deuxième langue parlée dans le pays. Malgré l'inclusion dans la péninsule ibérique, seulement 75 000 personnes étudient l'espagnol et l'allemand n'est appris que par 6 000 personnes. Compte tenu de la crise actuelle, le taux d'engagement du Portugal dans son budget éducatif ne dépasse pas 3,8 % du PIB, ce qui constitue l'un des plus bas niveaux de l'Union européenne. Il y a donc une politique de regroupement des classes de langues vivantes qui porte un risque de perte d'influence du français et le gouvernement portugais a beau jeu de nous faire observer que la France elle-même a réduit son effort. Nous héritons d'une situation défavorable, puisque, en cinq ans, nous sommes passés de cinq attachés de coopération culturelle présents au Portugal à un et les crédits ont diminué de plus de 40 %. Le résultat de cette politique ne s'est pas fait attendre puisque le nombre de personnes apprenant le français au Portugal a cruellement chuté.
Parallèlement, en France, aucun poste au CAPES ou à l'agrégation de portugais n'est ouvert depuis deux ans et je n'ai pas connaissance qu'il soit prévu que cela change en 2013. Or, après l'anglais et l'espagnol et devant le français, le portugais est devenu la troisième langue européenne parlée dans le monde, avec 234 millions de locuteurs. L'enjeu est encore renforcé par l'émergence du Brésil et par l'accord de coopération orthographique signé par tous les pays lusophones.
Dans ces conditions, si la France ne reprend pas rapidement la main, nous risquons de perdre un acquis qui pourrait devenir déterminant. D'où ma proposition que le Gouvernement suscite une rencontre de haut niveau sur cette question ou, à défaut, qu'un accord de coopération linguistique entre la France et le Portugal – auquel je sais que travaillent déjà vos services – puisse aboutir. Il en va des intérêts bien compris de nos deux pays.