Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h00
Commission élargie : action extérieure de l'État

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

Je remercie M. Amirshahi de son appréciation générale et, pour répondre aussi à M. Folliot, je souhaite vous livrer quelques éléments sur l'aide sociale. Il y a 205 comités consulaires, qui ont versé des aides mensuelles à 5 077 bénéficiaires. Ce chiffre est en augmentation constante et il a été décidé de ne plus verser d'allocations non contributives au sein de l'Union européenne, mais de demander aux Français de s'adresser aux systèmes locaux. Nous avons cependant mis en place une prestation adaptée, conforme à la législation européenne. Le montant de la caisse des Français de l'étranger est maintenu à hauteur de 498 000 euros. Au-delà de ces chiffres, qui sont malheureusement un peu « secs », tout le monde s'accorde sur la nécessité de maintenir des crédits d'aide sociale car, si les situations sont d'une grande diversité, certains de nos compatriotes installés à l'étranger vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Il est conforme à la tradition française et aux orientations qui sont les nôtres de maintenir l'aide sociale.

M. Mariani s'est montré assez sévère sur les orientations de notre politique étrangère, mais il a eu l'amabilité d'être assez rapide ! Au reste, j'attribue à son sens de l'humour bien connu ses propos sur le dossier très grave du Mali, lorsqu'il déclare qu'au Mali, la France s'est montrée particulièrement incapable de mobiliser la communauté internationale.

S'agissant des 15 millions « disparus » qu'il a évoqués, je vous ai déjà expliqué le mécanisme. J'y reviens car le sujet est d'importance. Lorsqu'on aura fait la sommation sur trois ans, puisque le budget court sur trois exercices, l'ensemble des fonds anciennement destinés à la PEC sera reversé aux bourses. Rien ne reviendra dans les caisses de l'Etat, la totalité étant redistribuée. Je constate que M. Mariani m'approuve du regard et je l'en remercie.

Comme d'autres orateurs, vous avez souhaité que soit mieux réparti le réseau économique et je partage votre point de vue.

S'agissant d'éventuelles fermetures de postes diplomatiques, ambassades et consulats, il faut distinguer l'uniformité du réseau et son exhaustivité. Nous n'avons pas de projet arrêté, mais un poste qui ne compte plus que trois ou quatre agents ne peut pas fonctionner. Par conséquent, des adaptations sont nécessaires et, pour des raisons technologiques, la fonction des consulats va évoluer dans certains cas. La Moldavie et le Belarus ont été cités mais ils ne sont pas concernés. Cela dit, il peut y avoir ici ou là, et je l'assumerai tout à fait, tel ou tel poste trop petit pour rester ouvert et dont il faudra répartir ailleurs les missions. C'est une exigence de bonne gestion. Le réseau doit être uniforme, mais cela ne passe pas forcément par notre présence dans 193 pays.

J'ai été sensible aux hommages que nombre d'entre vous ont bien voulu rendre aux personnels du ministère, qu'ils travaillent en France ou à l'étranger. Ils en seront touchés et je vous en remercie, car ce sont des gens biens.

M. Folliot a abordé toute une série de sujets. Il a notamment émis l'idée – qui ne s'est pas réalisée pour le moment mais pourquoi pas ? – que l'Union européenne puisse contribuer davantage et il a cité le cas de l'AFD et de la Chine. C'est une remarque que j'ai faite à M. Pascal Canfin, qui suit particulièrement ces questions auprès de moi. Je lui ai demandé – et il comprendra le style diplomatique que j'utilise – de veiller à ce que les prêts pour le développement soient réservés aux pays qui se trouvent réellement en situation de développement plutôt qu'à ceux qui ont déjà émergé. Je ne sache pas que l'on puisse comparer la situation financière de la Chine à celle du Pérou ou de la Bolivie. Les décisions nécessaires seront prises, dans le respect des travaux de l'AFD. Comme vous, j'avais été frappé par certaines situations.

Je constate avec plaisir que vous êtes tous favorables au redéploiement et je souhaite que vous mettiez le même enthousiasme à le soutenir lorsqu'il sera opéré, sur la base des conclusions de M. le directeur Saint-Geours. Au reste, je partage tout à fait le point de vue de M. Folliot sur la nécessité de certains redéploiements au sein de l'Union européenne. Nous vivons en effet sur des schémas anciens et les postes n'ont pas tous la même vocation.

En revanche, il n'est pas exact de dire que la Russie manque de personnel ; la Chine, certainement, l'Inde, peut-être.

Je remercie Mme Attard de son appréciation générale. S'agissant du siège européen unique au Conseil de sécurité des Nations Unies, je ne rouvrirai pas le débat qui a eu lieu au cours de la campagne présidentielle. Nous sommes bien entendu favorables à l'intégration solidaire européenne, mais si – ce qu'à Dieu ne plaise ! – la France perdait son statut de membre permanent au Conseil de sécurité, cela changerait tout de même pas mal de choses. Nous proposons une réforme pour permettre à l'Allemagne de disposer d'un siège permanent, de sorte que les trois principaux pays européens soient représentés. Il conviendrait aussi que le Japon puisse siéger de façon permanente et vous connaissez notre position à ce sujet. En tout état de cause, il est essentiel que la France conserve son influence et il ne pourrait y avoir de siège unique pour l'Union européenne que si celle-ci était capable de conduire une vraie politique extérieure commune. Or on en est loin !

À votre question sur la place des femmes dans le réseau diplomatique, je répondrai par deux chiffres : il y a 15 % de femmes parmi les ambassadeurs – une proportion qu'il faut améliorer – ; et, depuis le mois de juin 2012, j'ai obtenu du nouveau Gouvernement, je vous l'apprends sans doute, que 40 % des nouveaux ambassadeurs soient des femmes. Il faut que ce mouvement continue, bien que ce ne soit pas toujours facile. Selon les règles en vigueur au Quai d'Orsay, ne peut être nommée qu'une personne ayant exercé des fonctions d'encadrement. D'ailleurs, depuis mon arrivée, deux nominations décidées antérieurement ont été annulées pour ce motif. Et si la personne vient de l'extérieur, les problèmes sont autres. Cela veut dire qu'il faut augmenter le vivier en amont. Nous nous sommes donc fixé comme objectif – un objectif qui mériterait d'être mieux connu – d'arriver d'ici à 2018 à 40 % des nominations au stade inférieur, pour pouvoir ensuite progresser petit à petit. Pour arriver au résultat, il m'a fallu tordre la réalité et je dois continuer pour nommer davantage de femmes. Encore faut-il que je le puisse.

Madame Attard, vous avez une conception très extrême du développement du tourisme. Vous avez invité nos compatriotes à parler anglais. C'est très bien, même si le défenseur du français que je suis souffre toujours de voir tel ou tel représentant de la France, y compris devant des assemblées francophones, s'exprimer en anglais – mal, en général. Le ridicule atteint alors des sommets. Je souhaite que l'apprentissage des langues se développe, mais les touristes ont besoin de visas. Les deux sont nécessaires.

Je remercie Mme Girardin pour ses propos équilibrés et pour son soutien.

M. Asensi a dressé un bilan contrasté de mon action et je lui ai répondu par avance à propos des ambassades et des consulats. S'agissant de la diplomatie économique et la culture, je suis d'accord avec lui. Il faut mettre l'accent sur l'économie – qui n'est pas forcément synonyme de marché. La France est un tout, c'est à la fois la culture, l'économie, les droits de la personne, le rayonnement de la langue… Je vous invite volontiers au Quai d'Orsay, où vous trouverez au rez-de-chaussée de ce beau bâtiment aux murs recouverts de tapisseries et décorés de tableaux, une réplique de la fusée Ariane dans la première salle, un modèle réduit d'Airbus dans la deuxième salle, et un modèle de la voiture Zoé dans la troisième. Il faut que nos visiteurs sachent que la France et sa diplomatie, c'est aussi bien la culture, les écrivains, les créateurs, que l'industrie, l'économie, l'innovation,… La symbolique que nous utilisons doit se traduire dans le réel.

M. Cordery a tenu, comme toujours, des propos très pertinents. Oui, nous suivrons la question des frais de scolarité qui est très compliquée. Il a bien expliqué les enjeux de la suppression de la PEC. Je le remercie de ses commentaires et me réjouis qu'il ait bien voulu retirer son amendement au bénéfice des explications que j'ai données et aux engagements que j'ai pris.

Monsieur Dhuicq, les crédits correspondant à l'intelligence économique figurent dans le budget de la défense et dans celui de l'intérieur. Je conviens tout à fait qu'il faille se méfier des contrefaçons et du pillage, mais je n'en déduis pas pour autant que nous devrions cesser d'accueillir des étudiants chinois. Nous devons continuer, mais avec discernement. Notre gouvernement voit dans l'afflux d'étudiants étrangers, qu'ils soient chinois ou autres, une richesse. Outre l'ouverture qu'ils nous procurent, ils peuvent devenir d'excellents ambassadeurs.

M. Cherki m'a demandé de suivre particulièrement la question du français au Portugal. Je vais le faire. Ses statistiques sont justes, mais elles doivent s'apprécier en termes dynamiques. Le français est une langue d'avenir. On estime aujourd'hui à 220 millions le nombre de locuteurs francophones mais, grâce à l'Afrique, ils devraient être plus de 700 millions dans une trentaine d'années. Je ne crois pas que, d'ici là, le rattrapage du Brésil soit d'une telle ampleur. Cela étant, vous avez raison, il faut être présent, au Portugal et chez les lusophones. En tout cas, la francophonie a de l'avenir et il faut absolument la défendre.

M. Féron a parlé avec compétence, comme il sait le faire, des bourses de recherche, des moyens culturels, des ressources de l'AEFE, et nous serons très attentifs à ce qu'il nous a dit.

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