C'est un sujet éternel, qui mériterait de longs débats. L'actionnaire, public ou privé, est toujours encombrant, à l'instar de l'électeur ! De la même manière que certains rêvent d'une démocratie idéale sans électeurs, d'autres rêvent d'une entreprise idéale sans actionnaires, où le management gérerait l'entreprise au mieux, en fonction de sa vision du monde environnant… Mais il y a des actionnaires, ils ont des exigences, et c'est naturel. Dès lors que ces exigences s'appliquent à l'efficacité économique, à la performance et au retour sur investissement – c'est-à-dire aux dividendes –, elles sont parfaitement légitimes, quand bien même elles seraient pesantes. D'autre part, même si son capital était public à 100 %, l'entreprise resterait soumise aux contraintes du monde qui l'entoure, notamment à celles qui sont imposées par les agences de notation, lesquelles sont au moins aussi pesantes que celles des actionnaires.
Or nous vivons dans un monde où la dette est nécessaire, car aucune entreprise ne peut autofinancer sa croissance et ses investissements. Nous allons investir demain dans le développement du nucléaire britannique environ 50 milliards de livres sterling en trois tranches – la première tranche de 20 milliards a été acceptée à l'issue d'une longue négociation à la fois avec le Gouvernement britannique et avec la Commission européenne. Cela va d'ailleurs donner un ballon d'oxygène à l'industrie française, au-delà même du secteur nucléaire. Pour financer ce gigantesque investissement – le plus important réalisé au Royaume-Uni depuis la Deuxième Guerre mondiale –, nous allons bien évidemment solliciter le marché des capitaux et le marché de la dette. Il faut donc que notre « hygiène de vie » s'adapte à ces exigences. Du point de vue financier, l'État n'est ni plus ni moins exigeant que les marchés financiers. Et c'est naturel, je ne peux guère m'en plaindre. Quant à la gouvernance, c'est un autre sujet.
En outre, les États sont régulateurs et ils pratiquent des politiques, dont l'impact sur les coûts et sur les prix est loin d'être négligeable. Il appartient à l'État d'exercer sa responsabilité, même si, en apparence, c'est l'opérateur qui la porte et qui doit donc l'assumer. Notre rôle consiste à appeler l'attention de l'État et des parties prenantes sur les éléments importants de leurs décisions qui auront un impact sur le contenu et sur le coût du service. J'y insiste : dans aucun pays, il n'est possible d'ignorer les contraintes qui pèsent sur le coût du service au travers des choix de politique énergétique et de gestion tarifaire. Il revient à l'opérateur de rappeler sa vision des options d'optimisation possibles, des choix industriels et techniques qui s'offrent, des schémas contractuels – je les ai évoqués à propos du compteur Linky –, des orientations auxquelles il convient d'être le plus attentif – j'ai signalé en particulier l'intégration du système électrique. Il est de notre responsabilité d'alerter, d'indiquer, de prouver, d'illustrer, d'apporter les éléments d'information nécessaires. Et, une fois les arbitrages rendus par les autorités politiques, d'être au rendez-vous avec la compétence, l'efficacité et la rigueur économique qui siéent à une entreprise telle qu'EDF. Si vous n'avez pas en face de vous un tel opérateur, il faut en changer. Encore une fois, tout est transparent, et il faut qu'il en soit ainsi.
Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs, je vous remercie de m'avoir accordé tout ce temps. Je me suis exprimé avec la passion qui m'anime. J'ai servi EDF et le service public avec cette même passion. Je rends hommage à toutes les équipes de la maison, qui ont fait un travail admirable pendant ces cinq années. Je pars avec pudeur et fierté, mais aussi avec le sentiment du devoir accompli. L'État, que vous représentez, est l'actionnaire principal de la plus belle entreprise que je connaisse. Vous pouvez être fiers d'elle et de ses équipes.