En tout état de cause, la pose de lignes enterrées coûte toujours plus cher que celle de lignes aériennes, et chacun doit garder à l'esprit que la différence de coût est susceptible de jouer sur la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages – or, je ne suis pas sûr que cette question entre en ligne de compte lors du choix qui est fait.
Pour ce qui est de la durée des procédures, j'ai été frappé de constater que, si beaucoup demandent à ce que l'on diminue les contraintes relatives à l'implantation d'énergies renouvelables – j'y suis favorable et j'y ai même pris ma part en ce qui concerne l'énergie éolienne, ce qui m'a parfois été reproché –, les mêmes ne voient pas l'intérêt de simplifier les procédures relatives aux travaux portant sur le réseau. Or l'énergie, renouvelable ou non, ne sert pas à grand-chose tant qu'elle n'est pas raccordée, et l'analyse des coûts de raccordement de certaines installations de production d'énergie hydraulique ou éolienne offshore fait apparaître que ces coûts font partie des éléments les plus importants pour déterminer si un projet est faisable ou non.
J'ai déjà eu l'occasion de vous demander, dans un autre contexte, s'il ne serait pas opportun de stocker l'électricité plutôt que de surinvestir dans les réseaux – vous avez parlé de plusieurs centaines de millions d'euros par an – afin de gérer l'intermittence des énergies renouvelables : ce mode d'investissement ne serait-il pas plus intelligent et plus vertueux ? Les producteurs d'énergie renouvelable ne font pas leur problème de l'intermittence et des solutions pour y remédier, ce qui ne saurait durer éternellement : on peut comprendre qu'il ait fallu amorcer la pompe mais à un moment donné, il faut tout de même que chacun prenne conscience des responsabilités qui lui incombent dès lors qu'il agit sur le réseau. Quand je vois toutes ces centrales à gaz fermer parce qu'elles ne sont plus suffisamment rentables, n'étant plus sollicitées, je me demande également si nous ne devrions pas réfléchir à une évolution du modèle de financement du marché de capacité : ne faudrait-il pas prévoir un forfait permettant de garder ces centrales en état de marche, afin de pouvoir les réactiver en cas de besoin ? Je m'inquiète de la disparition massive de ce qui constitue, à mes yeux, le meilleur moyen de rééquilibrer et sécuriser le réseau au cas où un problème devrait survenir.
En ce qui concerne les pertes, je rappelle la formule employée par M. Bernard Bigot, administrateur général du CEA, qui a un jour déclaré que la France faisait tourner en permanence deux centrales nucléaires uniquement pour chauffer les pattes des oiseaux – ceci en raison de l'incontournable effet Joule. Or, plus le lieu de production est éloigné du lieu de consommation, plus le chemin est long et plus l'effet Joule est élevé – et plus cela coûte cher. Ne pourrait-on pas réfléchir à une solution incitant au rapprochement du lieu de production et du lieu de consommation, afin de réduire la perte en ligne ? Certains ne veulent pas d'unités de production sur leur territoire, ce qui oblige à allonger les réseaux pour leur apporter l'électricité dont ils ont besoin : or, en ne jouant pas le jeu, en n'assumant pas leur responsabilité sur ce point, ils obligent les autres à payer pour eux ! Si la péréquation est un principe unanimement admis pour ce qui est du transport de l'électricité, il me semble qu'il ne serait pas superflu de mener une réflexion sur son application à la problématique de la perte en ligne, et j'aimerais connaître votre avis sur ce point.
Au sujet de l'ouverture du capital, la loi prévoit et interdit un certain nombre de choses. Conformément à ce que vous souhaitiez, le Parlement a voté une disposition visant à ce que vous puissiez passer des accords avec la Suisse – ce qui fait que, demain, des participations croisées faciliteront peut-être les interconnexions qui vous sont chères. Que pouvez-vous nous dire sur la façon dont le capital peut aider à améliorer le dispositif d'interconnexion ? Faites-vous, comme votre prédécesseur, le rêve de voir un jour l'Europe se doter d'un réseau de transport à haute tension sous monopole européen – un projet qui pourrait même emporter l'adhésion des libéraux, qui n'ont jamais demandé à ce que les réseaux de haute tension se trouvent morcelés ? En 2006, une panne générale a touché une bonne partie de l'Europe en raison d'une erreur commise en Allemagne par un gestionnaire de réseau de transport d'électricité, qui n'avait pas su arbitrer entre sa fonction de producteur et sa fonction de transporteur – et en ne prenant aucune sanction à son égard, tout le monde s'est plus ou moins rendu complice de ce qu'il avait fait. Ce blackout nous a montré de façon évidente que plus nous sommes liés, plus nous sommes fragiles et avons besoin de cohérence, sous la forme d'une gouvernance mieux partagée, si nous ne voulons pas aller au-devant de grands risques. Là encore, je souhaite connaître votre avis sur cette question.