Intervention de Dominique Maillard

Réunion du 23 octobre 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Dominique Maillard, président du directoire de Réseau de transport d'électricité, RTE :

Vous m'avez demandé, madame la rapporteure, si le schéma adopté en France a un coût par rapport à un modèle intégré. La séparation a effectivement un coût, puisqu'elle aboutit intrinsèquement à une duplication. Ainsi les directives européennes, transcrites dans le code de l'énergie, nous interdisent-elles de recourir aux services de recherche et développement d'EDF. De même, nous ne pouvons pas faire de cash pooling (gestion centralisée de la trésorerie) avec EDF, et sommes dotés d'une direction des ressources humaines autonome. C'est le prix à payer pour le choix qui a été fait de la séparation juridique, un prix connu dès le départ, et qui devait être compensé par certains facteurs tels qu'une émulation accrue, donc une meilleure performance des opérateurs mis en concurrence dans le secteur de la production d'énergie – le réseau de transport constituant, lui, un monopole naturel reconnu par les directives.

Pour ce qui est des dividendes, par dérogation au droit commun des sociétés, leur montant n'est pas déterminé par l'assemblée générale – où seule EDF serait représentée –, mais par le conseil d'administration tripartite – un tiers de salariés, un tiers de représentants de l'État et un tiers de représentants d'EDF, notre actionnaire unique. Depuis que nous existons, le montant de ces dividendes est fixé à 60 % du résultat net.

Vous m'avez également interrogé au sujet de notre mission de service public. Le régime de RTE est celui d'une concession d'État : nous sommes propriétaires de notre réseau et avons un cahier des charges et des obligations de service public. Cela dit, nous souhaitons également avoir des relations très étroites avec les territoires traversés par nos 100 000 kilomètres de réseau – ce qui représente en moyenne 1 000 kilomètres par département, et me laisse penser que nous sommes présents dans chacune de vos circonscriptions, même si nos lignes sont parfois enterrées.

J'ai effectivement évoqué un temps de coupure moyen, et vous avez raison de souligner que pour le consommateur final, c'est le temps de coupure réellement subi – constitué de la somme des temps de coupure imputables au distributeur et au transporteur – qui importe. Sans vouloir être mauvais camarade, je me dois de préciser que si notre temps de coupure moyen est de 2,4 minutes, celui de nos collègues distributeurs avoisine les 25 minutes, ce qui n'a rien d'étonnant dans la mesure où leur réseau est beaucoup plus chevelu : il compte 1,4 million de kilomètres de lignes, avec la forte probabilité que cela comporte de voir des incidents survenir sur ces lignes. Nous procédons à une analyse différenciée par région du temps de coupure, et il est vrai qu'historiquement, certaines régions, notamment les zones de montagne, sont plus difficiles à alimenter que d'autres ; c'est pourquoi, si l'objectif que nous assigne la CRE est national, les indicateurs sont suivis en fonction de chaque région.

Pour ce qui est de l'état du réseau en France et Europe, le système de financement des investissements adopté dès la création de RTE nous a évité de connaître les stop-and-go qui ont été le lot de nos collègues de la distribution : nous avons eu la chance de pouvoir mener, avec le soutien du régulateur, une politique stable constituant également un avantage pour nos fournisseurs, qui disposent ainsi d'une bonne visibilité sur nos programmes d'investissement. Je n'irai pas jusqu'à affirmer que l'état du réseau français est excellent, mais il est très bon. Le réseau européen est généralement en bon état, même si certaines zones, notamment celle des Balkans, posent des problèmes particuliers pour les raisons que l'on connaît. Par ailleurs, le réseau est fragile dans certaines régions dont l'alimentation relevait historiquement d'un autre système : ainsi la volonté des pays baltes, aujourd'hui très fortement interconnectés avec la Russie – la langue de travail de dispatching de Vilnius est le russe – de s'arrimer également à l'Europe se heurte-t-elle à des difficultés d'ordre technique, résultant, par exemple, de l'obligation de traverser la région des lacs Mazures en Pologne et le golfe de Finlande. Globalement, le réseau européen est tout de même en très bon état en comparaison avec les réseaux d'autres régions du monde.

Il existe des pistes d'ordre technologique pour remédier au problème des pertes. La perte zéro, qui constitue le rêve du transporteur, est d'ores et déjà possible en laboratoire grâce à la supraconductivité, qui suppose de transporter l'électricité à une température proche du zéro absolu – ou à la température de l'azote liquide –, et des expérimentations sont en cours sur ce point, notamment avec nos collègues belges. Cela dit, quand on parle de perte nulle, c'est de perte électrique qu'il s'agit, mais il ne faut pas perdre de vue que le fait de maintenir une très basse température pour bénéficier du phénomène de supraconductivité nécessite de consommer beaucoup d'énergie. Nous continuons tout de même à chercher des solutions, et ce qui n'est aujourd'hui qu'un rêve deviendra peut-être réalité si nous parvenons à mettre au point des matériaux supraconducteurs à température ordinaire.

Par ailleurs, nonobstant l'état du réseau, il nous appartient de chercher à l'optimiser – c'est même notre métier de base – en réduisant les pertes : si les lois de la physique sont incontournables, nous pouvons cependant faire varier le circuit emprunté par le courant afin d'emprunter des lignes moins congestionnées que d'autres, ou encore tenter d'obtenir un déplacement des lieux de production – ce qui n'est pas facile, car les entreprises concernées ne manquent pas de faire valoir le coût que cela représente. Pour rejoindre ce qu'a dit M. Brottes, nous avons bien le souci d'ajuster les moyens de production à l'état de la demande, mais il faut tenir compte du fait que le producteur et le transporteur sont deux entités distinctes. Le producteur dispose d'un parc de centrales – nucléaires, au charbon, à gaz, hydrauliques – qu'il s'efforce d'optimiser en fonction des coûts qu'il a à supporter : c'est le principe du merit order, ou ordre de préséance économique, décrit par les économistes. Cela le conduit en toute logique à faire tourner en priorité les centrales qui lui coûtent le moins cher, et à ne contrevenir à ce principe qu'à la condition de pouvoir en répercuter le coût – nous concluons parfois un accord sur ce point, quand nous considérons qu'il permet d'atteindre un optimum global.

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