C'est cela. Afin qu'une telle situation ne se reproduise pas, plusieurs acteurs européens – y compris les Allemands, réticents jusqu'alors – ont décidé de coopérer.
Personnellement, je ne crois pas à un opérateur unique, mais à des regroupements régionaux – à l'échelle de l'Europe –, qui me paraissent avoir plus de sens. L'expérience montre que l'on a plutôt tendance à empiler les niveaux de supervision qu'à supprimer les niveaux de base : la France est divisée en sept bassins électriques, il existe ensuite un dispatching national et le centre de supervision Coreso à Bruxelles, l'existence de chacun de ces niveaux étant, à mon sens, parfaitement justifiée. Si une évolution doit se produire, j'estime qu'elle consistera certainement en la constitution d'un niveau de supervision au niveau des différentes régions de l'Europe – on pourrait envisager un partage en trois zones : Ouest, Sud, Europe centrale – et voir plus grand ne serait sans doute pas réaliste à l'heure actuelle. Notre centre national d'exploitation du système électrique, situé à Saint-Denis, traite actuellement 40 000 informations à la seconde, et nous utilisons largement les smart grids – il me semble d'ailleurs qu'il vaudrait mieux dire « smarter grids », ou réseaux plus intelligents, car les réseaux actuels le sont déjà. Cela dit, en dépit de l'amélioration constante des systèmes d'information, il y a toujours des limites physiques, ne serait-ce qu'en raison de la nécessité de faire intervenir des opérateurs humains, c'est pourquoi la zone supervisée peut difficilement dépasser, à mon sens, une superficie représentant trois à quatre fois celle de la France, et ce n'est pas avant une vingtaine d'années que l'on pourra éventuellement envisager l'existence d'un centre unique de supervision pour toute l'Europe.
Pour répondre à M. Gorges, nous élaborons effectivement des modèles correspondant aux différents scénarios auxquels les lignes directrices définies par la loi pourraient conduire. Nous avons l'obligation légale d'établir, en l'actualisant tous les deux ans, un document appelé bilan prévisionnel, dont la loi sur la transition énergétique a d'ailleurs précisé le contenu et l'articulation avec les travaux réalisés au sujet d'autres énergies – je pourrai vous communiquer ce document si vous le souhaitez. Cela nous permet de disposer d'une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), alors que nous n'avions auparavant qu'une programmation pluriannuelle des investissements (PPI) ne concernant que l'électricité. Sans mettre en comparaison des scénarios aussi contrastés que ceux que vous évoquez, nous avons étudié, en termes de consommation, des scénarios de régression et d'autres de croissance soutenue ; et en termes de production, des scénarios dans lesquelles la part du nucléaire n'était pas forcément maintenue à 50 %. Cela dit, toutes ces analyses, réalisées par des ingénieurs, ne portent que sur la faisabilité technique, sans tenir compte de la dimension économique – qui est effectivement nécessaire au moment de choisir entre les différents scénarios – et pour ce qui est des coûts, nous ne chiffrons donc que la partie « réseau ».