Tout à fait. Nous avons même traité cette hypothèse au niveau micro-économique, partant du principe que l'arrêt de la centrale de Fessenheim posait deux questions : d'une part, comment assurer l'équilibre entre l'offre et la demande à la suite d'une réduction de 1 800 mégawatts de l'appareil de production, d'autre part, cette réduction va-t-elle avoir une incidence particulière sur l'Alsace. Il ressort de notre étude que l'équilibre entre l'offre et la demande ne serait pas affecté de façon majeure, mais que des investissements seraient nécessaires pour assurer une continuité de l'alimentation de l'Alsace – nous avons communiqué nos conclusions à M. Hervé Mariton afin qu'il puisse en tenir compte pour son rapport. Ces investissements ne sont pas démesurés – nous les estimons à environ 150 millions d'euros – et devront en tout état de cause être effectués lorsque sera prise la décision d'arrêter effectivement la centrale : il ne s'agit donc pas vraiment d'un coût supplémentaire, mais d'un coût anticipé. La question la plus préoccupante est celle de la faisabilité : si certains investissements peuvent être effectués à l'horizon 2017, d'autres – je pense notamment à la construction d'une nouvelle ligne de transport – sont impossibles à réaliser sur un délai si court.
Mme Dubié m'a interrogé au sujet des réseaux intelligents, ce qui concerne aussi nos collègues d'ERDF ainsi que le volet industriel. Même s'il faut se garder de tout triomphalisme, la France n'a pas à rougir de ce qui a été accompli en ce domaine par les chercheurs universitaires, les industriels fournisseurs et les donneurs d'ordre – dont fait partie RTE. Le chiffre d'affaires de cette activité est déjà orienté à 50 % vers l'exportation, ce qui veut dire que la France a pris des positions intéressantes – de ce point de vue, il est particulièrement révélateur de constater que les missions étrangères chargées de se renseigner sur ce qui se fait dans le monde en matière de réseaux électriques intelligents – je pense notamment à celles qui viennent d'Asie – ne manquent jamais de venir en France. C'est un peu paradoxal, mais la compétence française dans le domaine du smart grid est plus reconnue à l'étranger que dans notre propre pays.
Les réseaux électriques intelligents ne se limitent pas aux compteurs intelligents, mais englobent toutes les technologies permettant de fournir beaucoup plus d'informations au consommateur, qui en est demandeur afin de pouvoir tenir une part plus active dans ce domaine – c'est le fameux « consommacteur ». À titre d'exemple, je citerai éCO2mix, une application gratuite sur smartphone mise à disposition par RTE et permettant de connaître de manière instantanée les niveaux de production et de consommation d'électricité en France ; ces informations ne sont peut-être pas de nature à modifier le comportement de Monsieur Tout le Monde, mais force est de constater qu'elles sont très consultées. Une autre application, EcoWatt, disponible en Bretagne et en PACA, donne des informations et des recommandations à J + 1 en matière de consommation électrique, sur la base d'un code très simple attribuant une couleur – vert, orange, rouge – à chaque journée. Nous avons l'ambition de faire passer le nombre d'emplois induits par cette filière de 15 000 à 25 000, et de chercher à passer du stade de la démonstration de projets – nous avons actuellement quelque 120 démonstrateurs – à celui du déploiement industriel, ce qui implique que nous commencions par identifier un territoire disposant du potentiel industriel et universitaire nécessaire, et pouvant constituer à la fois un incubateur de start-up et une vitrine pour le déploiement de technologies telles que le compteur intelligent Linky ou d'autres systèmes relatifs à l'insertion des énergies renouvelables, notamment le projet Postes Électriques Intelligents.
Mme Dubié voulait savoir si tout cela était financé : pour moi, le développement des technologies de réseaux électriques intelligents va devoir se faire à partir de la performance intrinsèque de ces technologies. Les smartphones ne se sont pas développés à coup de subventions, mais parce qu'ils apportaient des services aux consommateurs, et il doit en être de même des smart grids : une fois que l'on aura aidé au lancement des produits issus de ces technologies, ils devront se montrer suffisamment attractifs pour que les décideurs, les collectivités locales et les opérateurs que nous sommes décident de les utiliser en raison des services supplémentaires qu'ils rendent. La clé du développement des smart grids réside dans leur compétitivité intrinsèque, et ce développement ne devrait donc pas nécessiter un financement spécifique, en tout cas pas dans le cadre du TURPE : d'après nos études, l'évaluation du plan d'action du programme de réseaux électriques intelligents devrait créer des besoins en financement limités à 10 millions d'euros, ce qui est très faible. Nous avons fait le pari, en accord avec les industriels et les collectivités concernées, que ces programmes ne se développeraient efficacement que si la technologie et les usages pouvant en être faits créaient la demande.
Pour conclure, je dirai à Madame la rapporteure que dans notre dialogue avec le régulateur, nous débordons assez largement de la question du coût comptable, même si, pour la détermination des tarifs, on en revient essentiellement à des aspects comptables – la CRE voulant savoir, par exemple, quelle est l'incidence des tarifs qu'il propose sur nos réseaux, ce qui relève de la comptabilité analytique. En revanche, la justification des projets passe par des calculs économiques relatifs aux investissements et à leur rentabilité.