Je m'exprimerai à la fois en tant que rapporteur pour avis et en tant qu'orateur au nom du groupe RRDP.
Les crédits du programme 148, « Fonction publique », de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s'élèvent à 213 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 217 millions d'euros en crédits de paiement, soit, par rapport à l'an dernier, une diminution de 4 % qui reflète la maîtrise des dépenses de fonctionnement et l'effort de stabilisation de l'emploi public.
Je tiens à remercier les services du ministère de la fonction publique – qui nous ont parfaitement répondu, et en temps voulu – et les services de la Commission des lois.
Je me suis demandé en quoi la fonction publique se devait d'être exemplaire : après tout, si elle a un statut, c'est pour être exemplaire. Après avoir entendu plus de quarante personnalités, nous avons décidé de travailler sur un sujet essentiel : les discriminations dans la fonction publique.
Il est très difficile de contrôler les discriminations dans la fonction publique. On n'y reconnaît même pas l'existence du harcèlement moral, phénomène qui aboutit pourtant à la destruction du lien social et dont la gravité est reconnue dans le secteur privé, et l'on ne trouve donc aucune analyse, aucune étude chiffrée le concernant dans les trois fonctions publiques. Il est pourtant indispensable que la représentation nationale dispose de renseignements à cet égard. Je propose donc de créer un Observatoire des discriminations dans la fonction publique – qu'elles soient liées au sexe, au handicap, à des inégalités de rémunération –, qui pourrait travailler au côté de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
J'ai été très surpris qu'une importante différence de rémunérations entre les hommes et les femmes persiste dans les trois fonctions publiques : on constate, en fin de carrière, une différence de plus de 16 % entre la rémunération d'un homme et celle d'une femme qui ont pourtant commencé au même niveau et ont pareillement travaillé. Comment expliquer cela ?
En tant que spécialiste de droit social, je peux prédire que des centaines de milliers de femmes introduiront un jour un recours collectif contre l'administration et contre l'État, en réparation du préjudice financier qu'elles subissent. Ce sont ainsi des milliards d'euros qui seront réclamés à l'État dans les années à venir. Je propose donc que l'on crée dans la fonction publique un comité des rémunérations, comme il en existe dans certaines grandes entreprises : il serait compétent pour engager, le cas échéant, une procédure pour résorber les écarts salariaux injustifiés. Je rappelle que, lorsque ces écarts sont constatés, la charge de la preuve est inversée : il appartient à l'employeur de justifier, salarié par salarié, le niveau de la rémunération servie. La situation est insupportable et il est important d'y remédier.
Puisqu'il faut renseigner l'ensemble des chefs de service et l'ensemble des fonctionnaires sur leurs droits et sur les obligations qui incombent à chaque responsable en cas de discrimination, je suggère de consacrer 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l'apprentissage de la gestion des situations de discrimination – ce qui se fait actuellement dans les grandes entreprises qui ont, de ce fait, obtenu des résultats notables.
Je propose par ailleurs que l'on transmette chaque année à l'Assemblée nationale et au Sénat le bilan détaillé de la mise en oeuvre des dispositifs de nomination. Depuis la loi du 12 mars 2012, il est indispensable de rattraper le très grave préjudice subi par les femmes, qui ont du mal à accéder aux emplois supérieurs et aux emplois à discrétion.
En 1997, lorsque j'ai été élu député, j'avais remarqué que l'équipe gouvernementale traduisait une certaine recherche de la parité. Malheureusement, sur les quarante ministres, un seul avait une femme comme directeur de cabinet. Aujourd'hui, les progrès sont notables. Dans le gouvernement de M. Ayrault, six ministres ont choisi une femme comme directeur de cabinet. Je signale toutefois que ce n'est le cas que de deux des dix-neuf ministres femmes.
Il y a beaucoup de progrès à faire. Au ministère de la culture, les directeurs des théâtres subventionnés sont des hommes, à 91 %. Les pourcentages sont comparables dans les collectivités territoriales, s'agissant des directeurs de service dans les régions ou, dans la fonction publique hospitalière, s'agissant des directeurs des grands hôpitaux.
Vous avez voté, dans la précédente législature, avec la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 et la loi du 12 mars 2012, l'obligation de revenir sur ces pourcentages à partir de 2013. Le problème, c'est que, en cas de manquement, les sanctions seront d'ordre financier. Or il ne sert à rien d'infliger une sanction financière à une administration, qui pourra récupérer ce qu'elle a perdu dans un collectif plus ou moins lointain.
Pour autant, peut-on obtenir l'annulation de toutes les nominations qui ne respecteraient pas les principes de recherche de parité ? En tant que juriste, nous nous heurtons à un obstacle : il n'y a pas de nullité sans texte. Mais, selon le vice-président du Conseil d'État que j'ai consulté à ce propos, une expertise juridique permettrait de savoir si la chose est possible. Dans la négative ou dans le doute, il faudrait changer la loi et instaurer cette possibilité d'annulation.
Une telle procédure existe dans le droit du travail pour les délégués syndicaux, pour les femmes enceintes, pour les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible dans ce cas, alors même qu'un principe fondamental, constitutionnel, serait bafoué.
Par ailleurs, j'ai demandé que l'on garantisse aux personnes en situation de handicap un droit effectif de saisine directe du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. La loi existe, mais les décrets n'ont pas encore été pris. Il faut qu'ils le soient rapidement.
J'ai proposé d'approfondir le rapprochement entre l'École nationale d'administration (ENA) et l'Institut national des études territoriales (INET), nos deux grandes écoles de fonctionnaires. Je sais, madame la ministre, que vous y êtes favorable. Cela me semble indispensable, alors que nous allons nous engager dans une nouvelle étape de la décentralisation, qui se traduira par le recrutement de cadres de haut niveau dans les collectivités territoriales.
J'ai aussi demandé l'inclusion dans le statut général de la fonction publique d'un nouveau critère de discrimination – les syndicats ont beaucoup insisté là-dessus – qui pourrait être « la situation de famille ».
Je voudrais enfin attirer votre attention sur deux propositions qui, je le sais, ne sont pas fédératrices.
Premièrement, ne faut-il pas détacher la haute fonction publique du statut de la fonction publique ? Nous ne pouvons pas éluder la question. Il me semble important que les 2 000 personnes qui constituent le vivier de la haute fonction publique soient recrutées sur des contrats sui generis – portant sur leurs possibilités de travailler avec le Gouvernement, leur choix, leur révocation, leurs rémunérations, etc. Aujourd'hui, nous assistons au départ des hauts fonctionnaires vers le privé, ce que je trouve insupportable. Le privé doit être attiré vers le public, et non l'inverse. Faute de quoi, se crée cette « zone grise », dénoncée par le Service central de prévention de la corruption.
Deuxièmement, je propose que tout fonctionnaire, élu député ou sénateur, qui a déjà exercé un mandat législatif, doive choisir, une fois réélu, entre son deuxième mandat législatif et son appartenance à la fonction publique. M. Bruno Le Maire m'a certes coupé l'herbe sous le pied avec sa proposition de loi. Il n'en reste pas moins qu'un tel dispositif permettrait de rétablir une certaine égalité entre tous les parlementaires.