Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 25 octobre 2012 à 9h30
Commission élargie : gestion des finances publiques et des ressources humaines

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Je remercie la Commission des finances de son suivi et de son attention. Ses auditions et ses travaux sont toujours très utiles, et ils sont d'ailleurs exploités par nos services.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer devant vous sur les grandes orientations de la politique budgétaire du Gouvernement et sur l'architecture du projet de loi de finances. Le budget de mon ministère est directement concerné par cinq des six programmes de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Je ferai à cet égard trois brèves observations générales.

Le ministère des finances est exemplaire. Il contribue au redressement des finances publiques, avec 2 353 suppressions d'emplois, dont 2 203 pour la mission « Gestion des finances publiques » et une baisse des crédits de la mission de 1,9 % en 2013 à périmètre constant, hors charges de retraites.

J'ai lu que les économies seraient un mythe. Je peux vous assurer que ce n'est pas le cas de manière générale et que ça ne l'est pas plus pour mon ministère, qui, dans le cadre de la RGPP, a déjà été touché par d'importantes restructurations, au point que les agents s'en sont inquiétés. J'ai présidé, la semaine dernière, un comité technique ministériel auquel assistaient Jérôme Cahuzac et les autres ministres de Bercy. Il a permis d'engager, sur les questions budgétaires, un dialogue franc et transparent avec les organisations syndicales. Nous assumons ces économies, mais nous voulons les mettre en oeuvre différemment.

Monsieur le président, la question que vous me posiez s'adressait en fait à Mme la rapporteure spéciale. Je me contenterai de vous renvoyer, les uns et les autres, aux travaux qui ont été remis au Premier ministre par les différentes inspections, dont l'Inspection générale des finances, avec qui je m'en suis entretenu.

Le rapport de l'IGF fait apparaître ce que cette procédure a pu apporter, ce qu'étaient ses considérables lacunes et les importantes modifications qui s'imposent si l'on veut moderniser l'État et la fonction publique dans le respect des agents. J'ai d'ailleurs noté que tous les intervenants, quelle que soit leur sensibilité politique, ont manifesté leur respect pour la fonction publique. Celle-ci en a besoin. En effet, il arrive que l'on entende une autre musique ! Pourtant, la fonction publique a été amenée à faire des efforts très importants, au service du pays, dans la production de services publics, et maintenant aussi dans la réalisation des économies.

D'autre part, ce budget exigeant exclut les coupes aveugles. Nous avons voulu rendre des arbitrages différenciés, intelligents, en fonction des priorités, de la réalité des missions et des gains de productivité possibles. Ainsi, lorsqu'une mission est totalement nouvelle, il en est tenu compte – par exemple, la taxe poids lourds à la Direction générale des douanes, avec 300 emplois dédiés.

Les investissements structurants sont préservés. Je pense au renouvellement du matériel de surveillance de la douane – pour 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement, en hausse par rapport à 2012 – ou à la refonte de la gestion de la paye de l'État. La répartition des suppressions d'emplois entre métiers et entre territoires se fera en fonction de la charge de travail, sur la base d'une analyse très fine. Ainsi, à la DGFIP, le poids des fonctions d'accueil au public sera mieux pris en compte. C'est en effet prioritaire.

Enfin, ce budget exigeant sera soutenable, grâce à un effort résolu de modernisation, qui se fera en concertation, très en amont des réformes, en réfléchissant systématiquement à l'impact des actions de modernisation sur les conditions de travail des agents – je leur en ai parlé la semaine dernière – et en traçant des perspectives pluriannuelles. C'est en ce sens que j'ai demandé à la DGFIP et à la direction générale des douanes de lancer des réflexions stratégiques et à moyen terme, qui aboutiront au premier semestre 2013. Il s'agit de garantir la cohérence des missions et des moyens, et de donner du sens aux réformes.

Pour réussir, il nous faudra faire preuve de pragmatisme – pas de schémas d'organisation uniformes –, chercher la simplification là où elle est pertinente, et tirer encore davantage parti du développement de l'administration électronique. Je suis convaincu, comme je l'ai indiqué dans le cadre du séminaire gouvernemental, qu'il y a là non seulement un gisement d'économies, mais encore un moyen d'alléger et d'enrichir les tâches, et d'améliorer la qualité du service.

J'ai tenu à faire ces observations préalables, afin de situer les réponses dans un cadre global.

Madame Berger, le programme 221 comprend sept objectifs, pour un total de 258 millions de crédits de paiement demandés pour 2013.

Suite au séminaire gouvernemental du 1er octobre, il a été prévu d'intégrer la DGME dans une structure plus large. Il serait cohérent que, à terme, les effectifs et les moyens de celle-ci soient eux aussi gérés par le Premier ministre – mais cette question doit faire l'objet d'une expertise. Mme Lebranchu reviendra sur ce point.

Le système d'information Chorus est désormais totalement opérationnel. Son déploiement en quelques années était une gageure pour les administrations concernées, qui devaient procéder à un changement d'outil et d'organisation. Après une phase d'apprentissage en 2010-2011, le traitement de la dépense et de la dette est aujourd'hui plus fluide ; on note en outre une nette réduction des délais de paiement, avec moins de vingt-cinq jours en 2012, contre plus de trente-cinq en 2011 – le délai réglementaire étant de trente jours : l'État n'est pas un mauvais payeur. Au plan organisationnel, des services facturiers ont été déployés dans l'ensemble des régions pour un premier groupe de ministères – économie et finances, santé, travail, culture –, et placés auprès du réseau comptable ; ils reçoivent et traitent les factures des fournisseurs. Ils contribuent à la meilleure maîtrise des délais de paiement de l'État, ce qui inciterait à une généralisation progressive du dispositif. La comptabilité de l'État a été intégrée dans Chorus cette année. Cela marque l'achèvement du déploiement de l'outil ; les comptes 2012 seront les premiers tenus par Chorus.

Il convient désormais d'optimiser l'utilisation du système, de faciliter l'appropriation des processus par les acteurs de la dépense et, au-delà, de créer des centres de service partagés. Tous les gains escomptés n'ont pas encore été obtenus. Pour y parvenir, je souhaite qu'une réflexion soit engagée sur les actions à mener, en étroite liaison avec le ministère chargé de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Cet outil informatique a fait l'objet de nombreuses critiques, mais force est de reconnaître que son déploiement a été réalisé avec un temps d'avance sur l'organisation financière de l'État. Je ne renonce pas pour autant à améliorer celle-ci : les choses doivent avancer de conserve.

La création en 2007 de l'Opérateur national de paye (ONP) répondait à quatre impératifs : remplacer les applications vieillissantes de la DGFIP, afin d'assurer la continuité de la paye des agents de l'État – soit 2 millions de personnes ; améliorer la qualité du service rendu aux agents – rapidité, exactitude – et aux employeurs publics – application homogène des règles, simulation de la paye ; susciter des gains de productivité sur la gestion administrative de la paye ; enfin, permettre à la direction du budget, à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), aux ministères et aux gestionnaires opérationnels de mieux piloter leur masse salariale et leurs effectifs.

Pour ce faire, une organisation particulière a été retenue : l'ONP est un service à compétence nationale, rattaché à deux ministères. On note aujourd'hui de solides avancées sur les fondamentaux ; les raccordements effectifs des systèmes d'information des ministères auront lieu entre 2013 et 2016. Il s'agit d'un projet structurant qu'il convient de poursuivre, en tenant les nouveaux délais.

Il est vrai que la gouvernance est une difficulté majeure du programme. Le comité d'orientation stratégique interministériel ne suffit pas. Une réflexion est en cours afin de rendre le dispositif plus efficace, en étant peut-être plus contraignant à l'égard des ministères qui doivent adapter leurs systèmes d'information aux exigences du projet. En toute hypothèse, le cabinet du Premier ministre entend jouer son rôle d'arbitrage en cas de besoin.

Je ne crois pas qu'il faille pour autant rattacher l'ONP à Matignon : il s'agit d'une mission opérationnelle, avec des dimensions techniques et financières importantes, qui nécessitent une collaboration quotidienne étroite avec la DGAFP. Un rattachement au Premier ministre risquerait de faire de l'ONP un électron libre, sans régler le problème de sa gouvernance.

Monsieur Dumont, la politique immobilière de l'État a obtenu des résultats incontestables, avec une réduction des surfaces de bureau de 525 000 mètres carrés depuis 2007, une économie de fonctionnement évaluée à 250 millions d'euros à la fin 2011, et des produits de cession, estimés à près de 4 milliards d'euros, qui financent l'investissement immobilier. Elle s'est traduite par l'adoption d'une vision stratégique, qui a permis la mise en place d'une politique immobilière plus rationnelle et plus économe. Sachez que la volonté de l'État est intacte, et que la poursuite d'une politique immobilière dynamique est tout à la fois nécessaire – car respecter la trajectoire de redressement des finances publiques implique d'optimiser l'ensemble des dépenses de fonctionnement – et importante en termes de fonctionnement des services et d'amélioration des conditions de travail des agents ; il ne faut pas aborder l'immobilier sous le seul angle budgétaire. Mon ministère jouera donc son rôle de pilotage de cette politique, via France Domaine.

S'agissant des opérations ponctuelles citées, l'État envisage de restructurer l'ensemble immobilier « Ségur-Fontenoy » afin d'y installer un « centre de gouvernement ». L'opération a pour objectif de regrouper une partie des services du Premier ministre et plusieurs autorités administratives indépendantes se consacrant à la défense des droits et des libertés. Le dispositif retenu prévoit de transférer les droits réels immobiliers à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), société anonyme dont l'État détient la totalité du capital, afin que celle-ci assure directement la maîtrise d'ouvrage des travaux de restructuration. La SOVAFIM a été mandatée par le précédent gouvernement pour engager les études préalables à ce projet. Ses conclusions ont été présentées au Conseil de l'immobilier de l'État (CIE), qui leur a donné un avis favorable, tout en recommandant d'améliorer la performance du dispositif.

Il convient de stabiliser l'ensemble des paramètres avant de lancer le projet. À ce jour, aucune décision n'a encore été prise. Je souhaite que des économies significatives et un effort supplémentaire de rationalisation soient réalisés. Le bon équilibre du projet suppose que toutes les administrations et autorités administratives indépendantes jouent le jeu de l'optimisation des espaces et du respect de la politique immobilière de l'État. Le projet sera de nouveau soumis au CIE en cas de modification sensible des arbitrages.

Le projet de regroupement du ministère de l'écologie à La Défense a lui aussi été soumis au CIE. Les services seraient maintenus dans la paroi sud de la Grande Arche, bien domanial, la paroi nord restant une propriété privée. Ce projet vise à permettre des économies importantes de loyer et une rationalisation des implantations. Il entraînerait des travaux importants d'entretien de la Grande Arche, la réouverture de son toit et l'optimisation des espaces – susceptibles de contribuer à l'amélioration architecturale de l'ouvrage. Hors de la Grande Arche, les services seraient concentrés sur un seul site propre. Nous sommes bien évidemment à votre disposition pour débattre de la suite de ce projet.

Pour ce qui est du Pentagone, il a été décidé, après discussion, de maintenir le projet ; il s'agit d'un chantier ambitieux, très lourd, et sa remise en cause conduirait en effet à des coûts de dédit et à des frais financiers massifs. Les difficultés rencontrées avec la mairie de Paris sont en voie d'être levées. Toutefois, l'opération fera l'objet d'un suivi attentif par les ministères des finances et de la défense, pour ce qui est de la construction comme des cessions associées.

Monsieur de Rocca Serra, je vous rassure : nous lançons l'exercice stratégique, avec un rendez-vous au printemps 2013, sous l'égide du nouveau directeur général des finances publiques. Une démarche similaire aura lieu à la direction générale des douanes et des droits indirects.

Nous sommes favorables à une évolution pragmatique et concertée du réseau de la DGFIP, notamment pour les trésoreries. Il convient de faire évoluer les différents maillages administratifs et territoriaux en fonction du développement de l'intercommunalité, des flux de population et des attentes des usagers. Il faut aussi assurer de bonnes conditions de travail et un niveau élevé de sécurité aux personnes et aux valeurs ; à cet égard, nous sommes très attentifs aux incivilités et aux violences dont les agents des finances publiques sont victimes sur l'ensemble du territoire national.

Enfin, il faudra tenir compte de l'évolution de la carte hospitalière, la DGFIP étant fortement sollicitée sur les dossiers de restructuration affectant le monde hospitalier. Il n'existe bien évidemment aucun objectif quantitatif annuel pour ce qui concerne les fermetures : si l'on doit pouvoir fermer des trésoreries lorsqu'elles ne répondent plus aux attentes des publics, il convient de privilégier une approche intelligente.

Le programme Copernic a été lancé au début de l'année 2001, avant même la création de la DGFIP. Il a pour objectif d'aboutir à un système d'information fiscal unique, décloisonné et partagé. La première étape de ce programme s'est concrétisée, pour les usagers, par la mise à disposition d'un portail fiscal et d'un bouquet de services sur internet, et, pour les agents, par un portail métier et par de nouvelles applications. Une seconde étape a été engagée, qui a donné lieu à la réalisation de référentiels nationaux, à la refonte de l'application de gestion foncière, à la départementalisation des bases et à la refonte de l'application de gestion de la population des professionnels des régimes fiscaux. Cette étape est en voie d'achèvement ; le plan opérationnel 2013-2014 prévoit de nouveaux services à destination des usagers, comme l'accès à l'avis d'imposition électronique ou l'ouverture d'un service d'évaluation des biens immobiliers sur internet ; nous voulons également simplifier les outils à destination des agents.

Le programme Copernic était initialement doté d'un budget pluriannuel de 911,5 millions d'euros. Cette réserve donne lieu depuis plusieurs années à des reports de crédits, ce qui est une technique budgétaire assez fragile. Il faut que les projets en cours soient menés à leur terme, à l'aide d'une gestion souple et intelligente.

L'accueil du public sera l'une des priorités du nouveau directeur général des finances publiques. La dématérialisation ne peut certes pas tout résoudre, mais on peut progresser encore sur ce plan. Toutefois, le contact humain restera toujours nécessaire.

Nous privilégions une approche pragmatique pour faire évoluer le réseau, mais les priorités restent le service à l'usager et les conditions de travail. L'accueil est un métier, qui doit être au coeur de la mission de service public.

Le calendrier relatif à la mise en oeuvre de l'écotaxe sur les poids lourds est globalement respecté. Son entrée en vigueur est prévue pour avril 2013 sur le réseau routier alsacien, et pour juillet 2013 sur le réseau national non concédé. Il s'agit d'un dispositif coûteux, qu'il n'est plus possible de remettre en cause. Le rôle de la DGDDI dans le dispositif est bien cadré, et la douane met en place les moyens nécessaires. Les effectifs nécessaires à la gestion et au suivi de la nouvelle taxe sont prévus par le projet de loi de finances pour 2013 et le site de Metz a été retenu pour accueillir le futur service. Le budget total pour la DGDDI sera d'environ 22 millions d'euros en 2013.

Le contrôle fiscal est une priorité pour nous : il s'agit d'une question d'équité et d'efficacité. La fraude évoluant très vite, il faut se moderniser et mieux articuler contrôle sur pièces et contrôle sur place. L'utilisation des techniques modernes de détection de la fraude est nécessaire, mais, rassurez-vous, tout ne sera pas fait par des algorithmes : le flair de l'inspecteur des finances publiques est irremplaçable ! Nous travaillons aussi sur de nouveaux outils juridiques collectifs ; un paquet « fraude » sera notamment présenté dans le prochain collectif.

Monsieur Censi, la réforme de la chaîne des pensions, décidée en 2007, vise à mettre en place un système de liquidation des pensions plus efficace et moins coûteux tout en améliorant le service aux agents. Il s'agit d'une réforme utile, dont la Cour des comptes a dressé un premier bilan en 2012. La Cour donne acte à la DGFIP des actions menées, notamment la création du Service des retraites de l'État (SRE) et les travaux conduits sous l'impulsion du comité de coordination stratégique. Elle note toutefois que les suppressions d'emploi sont inférieures à ce qui avait été annoncé. Surtout, elle observe la réticence de certains ministères à transférer l'expertise retraite au SRE, ce qui risque de vider la réforme de sa substance. Il importe de mener à bien cette réforme structurante qui, par certains aspects, se rapproche de la réforme de la paye. C'est un exemple de mesure qui sera poursuivie, même si le gain en emplois est plus faible que prévu.

S'agissant du compte d'affectation spéciale « Pensions », le projet de loi de finances pour 2013 dote le programme 741 de recettes excédant les dépenses de 689 millions d'euros, ce qui permet de porter le niveau du solde cumulé fin 2013 à environ 1,3 milliard d'euros. Sachant que la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire relative à l'exercice 2011, évaluait le niveau de stabilité à 1 milliard d'euros, l'équilibre du compte devrait être rétabli.

Pour ce qui concerne le recouvrement des cotisations et les pénalités, les projets de décret m'ont été communiqués le 19 septembre ; ils paraîtront probablement d'ici à la fin de l'année.

Pour finir, je remercie les rapporteurs pour la pertinence de leurs remarques et l'attachement qu'ils montrent à la fonction publique et au service de l'usager.

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