Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 25 octobre 2012 à 9h30
Commission élargie : gestion des finances publiques et des ressources humaines

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'état, de la décentralisation et de la fonction publique :

Madame Berger, votre question sur la direction générale de la modernisation de l'État trouve en partie sa réponse dans le rapport des inspections sur le bilan de la RGPP. Un petit rappel historique est nécessaire pour bien comprendre les choses.

Lorsqu'il a été décidé de mettre en place la DGME – avec une part importante de consultants en son sein –, l'objectif annoncé était d'analyser « objectivement » les services, la façon dont on les rendait et de faire des propositions fondées sur des audits. En réalité, il s'agissait de réunir sous l'autorité du directeur du budget la DGME et la DGFIP ; le rassemblement de ces trois directions devait permettre de faire progresser la réforme de l'État. En conséquence, la DGFIP, descendue de quelques marches, s'est probablement moins impliquée qu'elle n'aurait pu le faire.

Nous avons décidé d'assurer une certaine continuité et de ne pas supprimer complètement la DGME. Suite à plusieurs réunions interministérielles, il a été décidé de nommer un secrétaire général de la modernisation de l'État, qui sera rattaché au Premier ministre. Au sein de la DGME, il y aura une direction de la modernisation de l'État et une direction des services d'information et de communication, pour l'heure rattachés au secrétariat général du Gouvernement. J'espère que ce dispositif fonctionnera de façon rationnelle, organisée et efficace.

Une meilleure coordination des travaux interministériels sur le fonctionnement des services déconcentrés est nécessaire. Souvent, quand on commente la RGPP, on oublie que celle-ci est concomitante de la réforme de l'administration territoriale de l'État (REATE) et qu'il y a reconcentration à l'échelon régional de l'encadrement de la fonction publique ; en conséquence, on rencontre dans les départements de plus en plus de difficultés à coordonner les équipes et à leur donner leur feuille de route.

L'impression de désordre des services déconcentrés de l'État est donc en partie une réalité. Notre objectif est de procéder à une analyse, de demander aux ministres de proposer des évolutions du droit et des politiques publiques et, surtout, d'être responsables de nos administrations en veillant à ce que, dans cette période de réduction des effectifs, les services déconcentrés ne soient pas une « variable d'ajustement ».

La présence physique des agents est importante ; et si l'on veut un État stratège, garant et protecteur, il faut aussi que cet État soit présent. La nouvelle organisation doit être un centre de ressources pour tous les ministères afin que, tout en ayant des missions différentes, ils visent les mêmes objectifs avec les mêmes moyens. Il s'agit donc bien d'une réécriture.

Vous avez raison, madame Berger : le problème de la RGPP, c'est qu'elle s'est traduite par l'application aveugle de la règle arithmétique du non-remplacement de un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Pour répondre aux syndicats qui dénonçaient cet aspect, on a ajouté plusieurs centaines de mesures visant à améliorer le fonctionnement des administrations, dont l'administration électronique. La plupart n'ont pas dépassé le stade de l'exposé des motifs ! Il nous faut donc les remettre sur le métier.

Les élus locaux ont beau nous demander de leur rendre leur DDEA, leur DDASS ou leur DDE, il est hors de question pour nous de revenir sur la REATE et sur cette nouvelle organisation. En revanche, il convient de renforcer l'efficacité de l'action publique, depuis l'administration centrale jusqu'à son exercice déconcentré. Nous partageons donc votre analyse, et peut-être serait-il utile que nous nous rencontrions plus longuement afin d'examiner les mesures évoquées.

Il faut donc tenir compte de l'histoire et en tirer des leçons. Le bilan est nécessairement complexe. L'ONP est une belle avancée, mais, jusqu'à la fin juillet, la question des jours de carence n'était pas réglée, car il fallait examiner tous les arrêts de maladie, qui, jusque-là, n'étaient pas pris en compte ; la dépense occasionnée fut importante et la recette n'a pas été à la hauteur des attentes. Ces sujets sont très présents dans l'agenda social.

De même, il convient de remédier à l'absence d'organisation des services prospectifs de l'État, pour que celui-ci soit un centre de ressources pour les collectivités territoriales aussi. Sur ce sujet, comme sur celui des opérateurs, il nous faut analyser, proposer, décider. De nombreuses missions ont été confiées à des agences ; s'il est hors de question de revenir sur toutes, peut-être devrions-nous nous demander s'il ne serait pas préférable de réinternaliser certaines fonctions.

Vous avez raison, monsieur Gagnaire : notre travail essentiel dans la période qui s'ouvre, avec le nouveau projet de décentralisation, sera de redéfinir les missions de l'État autour des quatre impératifs d'un État stratège, garant, protecteur et présent. Nous envisageons d'ailleurs de présenter, en même temps que le projet de loi de décentralisation, un document sur la réforme de l'État et les missions de service public.

Les départements et les régions, autrefois collectivités de mission, sont devenus des collectivités de gestion. Les transferts de personnels de l'État qui en ont résulté ont soulevé des problèmes complexes, en raison de leur nombre et de la disparité des régimes indemnitaires. L'organisation des transferts et la concertation sociale se sont néanmoins déroulées dans de bonnes conditions. Très peu de fonctionnaires ont souhaité revenir dans la fonction publique d'État. Toutefois, cette opération lourde n'a pas permis les économies budgétaires attendues pour l'ensemble de la dépense publique. Mais son bilan n'est pas encore définitif : les conseils régionaux examinent actuellement l'évolution des dépenses compte tenu notamment de la création de nouveaux services.

Personne ne conteste les observations de la Cour des comptes sur la maîtrise du processus. Des propositions ont été formulées pour chaque mission.

Le système des heures supplémentaires a représenté une très forte dépense, de 200 euros par agent au ministère de l'éducation nationale, à 500 euros dans certains services du ministère du budget. En raison de l'évolution du droit, certains se sont sentis défavorisés à la lecture de leur feuille de paye, et des négociations avec les syndicats se sont ouvertes sur leur avenir.

Nous avons donc totalement revu l'agenda social des trois piliers de la fonction publique. Disposés à discuter des grilles, des échelles indiciaires et des régimes indemnitaires, nous remettons tout sur la table afin que l'État employeur se montre plus efficace et que l'on rapproche les différents systèmes de rémunération. On ne saurait, sans cela, parler de parcours professionnel, de mobilité ou d'amélioration de la situation de certaines catégories. La fonction publique comporte aujourd'hui 1 800 régimes indemnitaires différents, ce qui aboutit à des réévaluations incontrôlées au gré des demandes catégorielles des ministères. Il a donc été demandé à l'ensemble des ministres de recourir le moins possible, dans les mois qui viennent, aux mesures catégorielles afin de faciliter la mise en place de mesures générales.

Nous réfléchissons également à la fusion des corps de fonctionnaires et à la création d'un corps interministériel. Ces réformes d'importance permettraient de parvenir à des taux de promotion harmonisés entre les ministères et de mieux contrôler les évolutions de carrière. Les négociations sont en cours.

La stabilisation de la masse salariale de la fonction publique dépend, pour 2013, de notre vigilance à l'égard des mesures catégorielles, car cet engagement doit être tenu dans tous les ministères.

Je souhaite un rapprochement entre l'ENA et l'INET. Le taux d'encadrement, dans la première école, est particulièrement important. Sa directrice, nouvellement nommée, nous a demandé un délai de deux mois avant de discuter de ses objectifs et de ses moyens.

Faut-il modifier le classement de sortie de l'ENA ? Sortir « dans la botte » n'apporte aucune assurance de confort dans la vie professionnelle ultérieure. Nombre d'anciens élèves font valoir qu'exercer très jeune certaines responsabilités, par exemple de juger ou de contrôler des fonctionnaires aguerris, peut s'avérer problématique. C'est pourquoi nous réfléchissons à une nouvelle organisation des deux premières années de vie professionnelle, ainsi qu'à un éventuel retour sur expérience, après une dizaine d'années, afin de vérifier que l'orientation d'origine fut bien la bonne et d'étudier la nécessité d'une formation complémentaire ou continue. De surcroît, les stages initiaux ne se situent peut-être pas tous à la hauteur des attentes et des besoins. Nous nourrissons donc l'ambition de disposer d'une grande école de l'administration française.

À force de répéter que la fonction publique n'est pas la plus efficace pour conduire les actions collectives, à force de la désigner comme une charge plutôt que comme une chance pour le pays, nous risquons de provoquer un certain désintérêt à son endroit. Or je souhaite que, dans quelques années, l'ancien rêve redevienne réalité, qu'on s'aperçoive de la très grande qualité de l'action publique menée par nos fonctionnaires et que, de ce fait, renaisse l'envie d'y entrer. Cela implique de recruter davantage de personnes autres que celles ayant réussi des concours à la fin de leurs études. Certes, l'expérience a montré, par exemple lorsque l'administration a fait appel à des consultants, que l'on a parfois tort de croire à leur efficacité combinée, mais il n'en est pas moins important de confronter des cultures différentes. En tout cas, je ne suis pas favorable à la sortie du statut de la fonction publique des cadres de catégories A et A+.

Nous avons souvent tendance à recruter les plus performants et, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, à les orienter vers l'application plutôt que vers la recherche, y compris celle relative à la gestion de nos systèmes publics. Essayons donc de rééquilibrer les choses, pour l'ENA, l'INET et d'autres grandes écoles, en les faisant travailler avec les laboratoires de recherche universitaires. Nous en reparlerons bientôt, sur la base de diagnostics communs.

La prime de fonctions et de résultats (PFR) n'est pas une bonne idée. Elle est, en tout cas, mal appliquée. J'ai donc demandé à l'ensemble des directions des ressources humaines des ministères, ou de leurs secrétariats généraux, d'éviter d'utiliser les crédits correspondants pour traiter des cas difficiles, sans rapport avec les performances professionnelles mais découlant de l'absence de points d'indice ou de la faiblesse des salaires. La PFR n'a pas été créée pour cela, et nous la jugeons d'autant moins efficace que ses enveloppes ont été détournées de leur but initial. Nous préférons recentrer, sans tabou, le débat sur les grilles de salaires et sur les régimes indemnitaires.

M. Alain Tourret a dressé un réquisitoire contre le harcèlement moral. On a beaucoup parlé, souvent à tort et à travers, de « burn out », d'épuisement au travail. Il est vrai que nous devons améliorer la médecine préventive, afin de l'inscrire dans la prévention générale de tous les types de risques professionnels. Leur volet psychosocial constituera d'ailleurs l'un des objets de la négociation qui va s'ouvrir.

L'État et les autres collectivités publiques ne sont pas exemplaires pour l'emploi de personnes handicapées. Il s'agit certes, pour tous les acteurs, d'une priorité de la concertation avec les syndicats de fonctionnaires. Un certain enthousiasme a d'abord prévalu, mais les réalisations n'ont pas suivi les ambitions : seuls 4,22 % des personnels des trois fonctions publiques sont des handicapés. Il subsiste des freins, par exemple lors des concours, y compris les plus élevés, pour les personnes qui ne peuvent écrire et doivent dicter leur devoir.

Les conditions de travail se sont améliorées, par exemple avec l'aménagement des postes de travail. Le fonds ad hoc devrait permettre des progrès supplémentaires, mais il est encore mal utilisé. Nous devons donc, en liaison avec les collectivités locales, nous montrer plus efficaces. Les décrets d'application de la loi du 28 juillet 2011 portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, dite « loi Blanc », sont en cours de rédaction. Ils devraient apporter des avancées significatives.

Ce que vous avez dit, monsieur Tourret, sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes ravirait Mme Najat Belkacem, qui a pris l'initiative d'établir un diagnostic de la question dans tous les ministères afin de sensibiliser l'administration. C'est dans les fonctions de deuxième rang que les femmes sont les plus rares. Dans la fonction publique, ce sont les femmes qui font 99 % des demandes de temps partiel et cela ne manque pas d'avoir une incidence sur leur carrière. La lutte contre les inégalités entre hommes et femmes ne s'impose pas moins comme un impératif : c'est l'un des premiers sujets que nous avons abordés au sein du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et nous en débattons dans le cadre des comités techniques paritaires et dans celui du dialogue social de proximité.

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