Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 29 octobre 2014 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon :

Faisant écho aux déclarations de Manuel Valls en juillet, la nouvelle ministre de la culture s'est félicitée, devant notre commission, de pouvoir annoncer la sanctuarisation du budget pour la période 2015-2017. Ce serait le signe tangible de la priorité donnée par le Gouvernement à la politique culturelle. Présentation des choses pour le moins audacieuse qui ne résiste pas hélas ! à l'examen des faits.

Audacieuse car cette promesse de sanctuarisation a un côté déjà-vu, séquence boîte à souvenirs du plus mauvais effet quand on sait que cet engagement de François Hollande pendant la campagne présidentielle s'est traduit depuis deux ans par une saignée des moyens dédiés à l'action culturelle de l'État, sans précédent depuis les débuts de la Ve République. Certes, en 2015, les crédits ne subiront pas les amputations des années passées. Néanmoins, cette stabilisation se fait à un étiage budgétaire très bas. Elle masque aussi de nouvelles baisses dans des secteurs déjà très affectés par les réductions antérieures.

Les travaux de nos deux collègues rapporteures, Annie Genevard et Sophie Dessus, sont tout à fait éclairants.

Concernant les crédits du patrimoine, le rapport de Mme Dessus illustre la chute vertigineuse des crédits depuis 2012. Si 5 millions d'euros supplémentaires seront dévolus au patrimoine en 2015, ce n'est qu'une goutte d'eau face à la baisse de 115 millions d'euros par an subie par le patrimoine entre 2012 et 2014. La situation est particulièrement préoccupante pour la restauration des monuments historiques, dont le budget continuera de décroître en 2015, diminution d'autant plus inquiétante que les collectivités locales se désengagent du financement de ces opérations du fait des baisses de leurs dotations budgétaires.

Dans le même esprit, soulignons que les moyens dédiés aux musées et à l'enrichissement des collections publiques seront étales l'an prochain, à des niveaux historiquement bas, après des baisses respectives de 10 % et 50 % de leur montant depuis 2012. Si l'on se félicite de la décision d'ouvrir sept jours sur sept les grands musées parisiens, on ne peut que s'inquiéter de la prolongation de la baisse des dotations des grands musées, je pense en particulier au musée d'Orsay. De même, la stagnation en 2015 des crédits compensant la gratuité, qui ont fortement baissé en 2014, pose la question de la sincérité du Gouvernement quand il dit vouloir privilégier l'accès des jeunes à la culture.

En matière de création, si la baisse des crédits a été moins marquée, elle est cependant bien réelle : 7 % depuis 2012. L'année 2015 marquera une situation contrastée. Des réductions budgétaires pour quelques opérateurs du spectacle vivant – l'Opéra de Paris et l'Orchestre de Paris, par exemple – permettront un saupoudrage de crédits pour d'autres. Seule la Cité de la Musique verra ses crédits croître sensiblement dans la perspective de l'ouverture de la Philharmonie. Toutefois, je demeure inquiet, comme Annie Genevard, concernant les moyens dont la Philharmonie bénéficiera pour remplir ses missions, du fait de la position de la Ville de Paris qui revient sur son engagement de financer ce nouvel équipement à parité avec l'État.

Sophie Dessus a excellemment souligné l'insuffisante implication des élus dans le projet du Centquatre, qui, doit-on le souligner, se situe à Paris. Ses propos sonnent comme un réquisitoire. Je ne voudrais pas que la Philharmonie pâtisse de ce même phénomène alors même que, du fait de sa situation géographique, elle constitue un accès privilégié à la culture, à la musique sous toutes ses formes, pour les populations de l'Est parisien, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

Le budget 2015 mettra certes un terme à l'hémorragie budgétaire subie par la culture depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir mais il ne traduit à l'évidence aucune dynamique, encore moins une perspective claire et ambitieuse en matière de politique culturelle. Le groupe UMP se prononcera donc contre l'adoption des crédits des programmes « Création » et « Patrimoines ».

Je veux terminer en remerciant Annie Genevard et Sophie Dessus pour la qualité et l'intérêt des études qu'elles ont présentées sur les pratiques culturelles dans les petites villes rurales ou périurbaines et sur la protection et la reconversion du patrimoine industriel.

Les pistes qu'Annie Genevard trace pour l'accès de tous à la culture à travers l'égalité des territoires doivent, au-delà de nos sensibilités, nous réunir, mes chers collègues, tout comme nous devons adhérer à l'objectif de nous doter d'indicateurs pour mesurer l'effort des collectivités en matière culturelle. Notre collègue a eu raison de souligner combien le ministère manque d'outils pour suivre l'activité culturelle des communes de moins de 10 000 habitants, qui forment le maillage de notre pays.

Le rôle assez méconnu des petites communes en matière culturelle est crucial puisque la moitié de la population vit dans ces communes, qui font des efforts considérables pour faciliter l'accès à la culture. Hélas, une étude de l'Association des petites villes de France qui vient de paraître révèle que 95 % des petites villes de 3 000 à 20 000 habitants pensent réduire dès 2015 les moyens dédiés à la culture, compte tenu des réductions des dotations de l'État.

Mettre en exergue le rôle de ces petites villes et proposer une approche des politiques culturelles par territoire pour mieux adapter nos moyens aux besoins, comme le fait notre collègue Annie Genevard, paraît donc pertinent et répond à une vraie nécessité dans le contexte budgétaire actuel.

Enfin, je voudrais dire combien j'ai été sensible aux conclusions du rapport de Sophie Dessus lorsqu'elle insiste sur l'urgence de remettre la beauté et l'innovation au coeur de la création architecturale, en particulier en limitant la multiplication des normes qui poussent à une standardisation de mauvais aloi.

Monsieur le Président, mesdames les rapporteures, je souhaiterais profiter de cette occasion pour savoir si vous avez connaissance, à ce stade, des grandes orientations que Mme la ministre de la culture entend proposer dans le volet architectural qu'elle veut ajouter au projet de loi qui sera présenté au début de l'année 2015. Elle serait bien inspirée de s'appuyer sur les conclusions de la mission d'information sur la création architecturale présidée par notre président, Patrick Bloche.

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