Intervention de Louis Gallois

Réunion du 7 novembre 2012 à 16h30
Commission des affaires économiques

Louis Gallois, commissaire général à l'investissement :

Certes, mais la différenciation est moins subtile, parce que tout le monde doit s'alimenter, par exemple.

Cela étant, il n'existe pas de solution miracle en matière de prélèvements. Seule la baisse de la dépense publique permet de les réduire. Mais celle-ci n'est pas non plus une affaire simple, car il faut éviter de casser les dispositifs qui permettent à la France de rester un pays solidaire. Une grande partie de la dépense publique est en effet orientée vers la cohésion nationale. Il faut donc faire preuve de discernement, même si des économies peuvent être réalisées dans certains domaines. On doit agir sur les trois catégories de dépense : les dépenses de l'État ; celles des collectivités territoriales, qui sont d'un volume équivalent aux premières ; celles de la protection sociale, égales à la somme des deux autres catégories.

En ce qui concerne l'assiette du transfert de charges, monsieur Carrez, j'ai voulu, en choisissant un seuil de 3,5 SMIC, orienter plus précisément la mesure pour favoriser la compétitivité dans l'industrie. De son côté, le Gouvernement a retenu un niveau de salaire moins élevé pour l'application de son crédit d'impôt, parce qu'il recherche plutôt un effet sur l'emploi. C'est un choix que je peux comprendre.

De toute façon, l'industrie n'est pas un isolat. Lorsque les coûts baissent dans l'ensemble de l'économie française, l'industrie en bénéficie. C'est pour cette raison que le faible coût des services outre-Rhin est présenté comme un avantage compétitif pour l'industrie allemande. Mais je n'irai pas jusqu'à en faire un modèle, dans la mesure où une partie de ces faibles coûts s'explique par des niveaux de salaire inacceptables. La pauvreté se développe en Allemagne – 2 millions de salariés ont un salaire inférieur ou égal à 4 euros de l'heure –, de même que le travail à temps partiel, qui atteint 21 %, contre 13 % en France. Le modèle allemand ne saurait donc être appliqué tel quel à notre pays.

J'en viens à la question de l'orientation de l'épargne, en prenant l'assurance-vie pour exemple. Les contrats sont de deux sortes : ceux dits « en euros » concernent les placements en obligations, tandis que ceux dits « en unités de compte » portent majoritairement sur des actions. Or ils font l'objet du même traitement fiscal, ce qui est injuste, dans la mesure où il existe un risque dans un cas, mais pas dans l'autre. Aujourd'hui, les contrats en euros représentent 85 % du total, contre 15 % pour les contrats en unités de compte, c'est-à-dire à risque. Il faudrait introduire une différenciation fiscale, de façon à ramener les premiers à 70 % et à porter les seconds à 30 %. Cela représenterait un apport substantiel de financement pour les entreprises.

Pour favoriser un capital familial stable au sein des ETI, monsieur de Courson, je propose de maintenir le dispositif « Dutreil », un élément décisif en matière de transmission d'entreprise. Je suggère également de permettre à la BPI d'investir dans des actions de préférence, sans droit de vote mais assorties d'un dividende prioritaire, pour ne pas déstabiliser l'actionnariat de certaines entreprises familiales ayant besoin d'un apport de fonds propres pour pouvoir grandir.

Dans douze pays d'Europe, dont l'Allemagne, des représentants de salariés siègent dans les conseils d'administration. Ma proposition, madame Dubie, n'a donc rien de révolutionnaire.

Vous suggérez de poser des conditions à l'octroi des aides, mais une telle politique est extrêmement compliquée à mettre en place et peut avoir des effets contre-productifs. Un débat parlementaire aura lieu sur cette question, et je ne veux pas préjuger de son résultat, mais sachez qu'il est très difficile de définir des critères de conditionnalité qui ne remettent pas en cause l'équilibre de la mesure.

De toute façon, il y a toujours des effets d'aubaine, surtout quand on prend une disposition qui concerne toutes les entreprises. Le problème est de parvenir à l'orienter vers l'investissement. Je propose donc que les bénéfices réinvestis fassent l'objet d'un avantage fiscal, et que les dirigeants s'expliquent devant le comité d'entreprise sur l'usage qu'ils feront du supplément de ressources ainsi apporté. Mais surtout, l'ensemble des propositions forme un tout destiné à créer un écosystème favorable à l'investissement. Les industriels veulent investir, car pour eux, cela représente l'avenir. Il leur faut seulement un environnement favorable.

M. Sansu a évoqué une addiction aux marchés financiers. Mais le pôle public, qui a besoin de financements, devra lui-même y avoir recours. La BPI, par exemple, va émettre des obligations. Le problème de l'Europe est le manque de profondeur de son marché financier. Dans l'Union, les banques assurent 70 % des financements, contre 30 % pour le marché financier. Or, en raison de la diminution de l'offre de crédit, ce dernier va devoir prendre le relais des banques. Aux États-Unis, la proportion est inversée : la part du marché financier, qui est beaucoup plus profond, est de 70 %. Le rôle de la BPI sera donc d'éviter ce que l'on appelle le credit crunch, c'est-à-dire la pénurie de crédit.

En ce qui concerne la conditionnalité, je le répète, le débat est légitime, mais il faut éviter la complexité ou les effets pervers.

Enfin, vous avez raison d'en appeler au développement de l'industrie verte. C'est d'ailleurs une des trois priorités que je suggère de fixer pour le Commissariat général à l'investissement.

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