Intervention de Louis Gallois

Réunion du 7 novembre 2012 à 16h30
Commission des affaires économiques

Louis Gallois, commissaire général à l'investissement :

Monsieur Peiro, ayant participé à la commission Liikanen sur les banques et leur avenir, je crains que le coût des financements bancaires n'augmente sous l'effet des nouveaux ratios de fonds propres. Vous avez stigmatisé les fonds d'investissement particulièrement exigeants en termes de retour sur investissement et vous avez raison car de tels comportements ne permettent pas de développer des stratégies de long terme. C'est pourquoi la BPI doit se fixer des taux de retour moins ambitieux et étalés sur des périodes plus longues, même si elle n'est pas là pour sauver les canards boiteux. Et c'est dans cette perspective que je propose d'allonger la durée de l'épargne. Rémunérer l'épargne est normal. À ce sujet, il faut savoir que l'épargne la mieux rémunérée est celle placée sur le livret A, au détriment des autres circuits, notamment de l'investissement productif.

Par ailleurs, le coût du crédit est historiquement bas et il ne peut que remonter. Si les entreprises paient beaucoup d'intérêts, c'est parce qu'elles sont très endettées. Et si elles sont très endettées, c'est parce que leurs marges étaient insuffisantes. Le coût des prélèvements financiers sur les entreprises est considérable mais il faut y voir la conséquence de leur endettement.

Je n'ai pas le temps de détailler les solutions, madame de La Raudière, mais il n'y a pas de miracle pour faire travailler ensemble les entreprises. Il y va de la responsabilité des grands groupes, mais on peut les y aider, par exemple en prévoyant des sanctions si les dispositions de la loi LME sur le crédit interentreprises ne sont pas respectées. On peut les obliger, quand elles bénéficient d'aides à leurs programmes de recherche, à travailler avec leur chaîne de fournisseurs. Je souhaite que les comités de filière puissent fonctionner, que les industries se prennent en main notamment par le biais du renforcement de leurs syndicats professionnels. Est-il normal que, dans l'industrie automobile, il y ait un syndicat professionnel de constructeurs et un autre pour les équipementiers ? Comment le dialogue peut-il exister ? En Allemagne, tout le monde est dans le même bateau.

Vous avez raison de parler de désamour. L'image de l'industrie qu'ont les Français est celle d'une activité polluante, où les conditions de travail sont moins favorables, et surtout, qui offre des emplois à risque. D'une façon générale, le progrès technique n'est pas valorisé dans notre pays. On ne l'envisage que sous l'angle du risque qu'il présente, jamais sous celui de ses potentialités. Le plus grand risque que nous prenons, c'est celui de ne pas en prendre assez avec, à la clé, le déclin assuré.

Monsieur Bachelay, la BPI devra intervenir sur trois compartiments – aide à l'innovation, crédit, fonds propres. En tant que banque, elle sera soumise aux règles prudentielles et il faut qu'elle se garde d'investir dans des canards boiteux – je vous rappelle le précédent des sociétés de développement régional, les SDR, qui ont presque toutes fait faillite. Bref, la BPI doit soutenir l'innovation et les filières, aider au renforcement des fonds propres des PME, mais sans prendre des risques excessifs.

L'État dispose d'un levier en tant qu'actionnaire direct, ou indirect par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts, de différents organismes d'épargne et d'assurance, de la CADES à la CNP, dont il peut orienter les placements.

Monsieur Sordi, je vous ai dit ce que je pensais des 35 heures. Je pourrais vous rejoindre sur la souplesse, mais il faudra donner des contreparties, en termes de sécurisation de l'emploi, de réduction de l'emploi intérimaire et des CDD, car il n'y a pas de négociation sans concession.

La conditionnalité, monsieur Goldberg, est un sujet délicat compte tenu des multiples objectifs visés. Le Parlement va en débattre et je suivrai la discussion avec intérêt.

Le marché intérieur crée de la concurrence, et il se faut se féliciter que M. Barnier soit un commissaire actif, qui oeuvre au brevet européen et dans le sens de l'industrie européenne. Mais le marché intérieur est aussi le lieu où s'affrontent des économies qui sont inégalement compétitives et il ne doit pas devenir une mécanique au service des plus forts, qui accentue les divergences. Il faut donc y associer des mécanismes de solidarité, par exemple les project bonds.

Monsieur Alauzet, ne disposant pas des modèles de Bercy, je ne peux pas être très précis sur le chiffrage. M. Moscovici a évoqué 300 000 à 400 000 emplois. En tout cas, il est évident qu'une baisse de 6 % du coût du travail se ressentira sur l'emploi.

La France a tout de même la chance d'être un des pays d'Europe où les écarts de revenus se sont le moins élargis. Nous sommes encore dans une honnête moyenne, mais je suis d'accord que, dans un pays hanté par l'idée d'équité, si nous ne sommes pas capables de démontrer que les politiques qui sont menées bénéficient à tous et aboutissent à une répartition juste, nous courons à l'échec. Il faut que les gens sachent que l'effort sera partagé et que les bénéfices le seront aussi. C'est tout à fait essentiel.

Les leviers écologiques, je crois avoir suggéré d'en actionner quelques-uns, mais, dans certains domaines, je ne peux pas aller aussi loin que vous.

Monsieur Straumann, j'aurais préféré deux ans, mais à partir du moment où la décision est prise, l'important, c'est de s'y tenir pour la durée du quinquennat. Le drame, c'est de changer sans arrêt.

Je regrette d'avoir ouvert un débat national, madame Massat, parce que ce n'est pas le moment, compte tenu de la situation de l'industrie automobile française. Il n'en reste pas moins qu'il faudra revoir la fiscalité du diesel en France.

S'agissant des normes et brevets, la France est insuffisamment présente dans les instances de délibération. Il faut que notre présence soit plus forte et mieux coordonnée.

Je ne sais pas répondre à votre question, monsieur Benoit, bien qu'elle soit essentielle. Vous avez évoqué les statuts de droit public et de droit privé, moi les CDI, les CDD ainsi que le cas des intérimaires. Nous avons un « marché du travail » – je n'aime pas beaucoup cette expression – qui est très éclaté, avec des compartiments très cloisonnés. Il faut le réorganiser car ce sont toujours les mêmes qui sont du mauvais côté.

Madame Allain, je n'ai pas utilisé l'expression « coût du travail ». Je l'ai dit, je le répète, tous les coûts doivent être examinés, y compris celui de l'énergie. Ce qui compte, au fond, c'est la marge de l'entreprise, sans laquelle il n'y a ni investissement ni développement. Les Français, toutes sensibilités politiques confondues, doivent s'habituer à ce que les entreprises fassent de la marge.

Vous considérez les gaz de schiste comme une fausse solution et parlez de « choc de toxicité ». Vous y allez fort ! Je dis seulement : pourquoi ne pas rechercher des techniques propres d'exploitation des gaz de schiste ? La question est de savoir si nous préférons acheter le gaz de schiste à M. Bouteflika ou à M. Poutine, ou le produire chez nous si nous en avons sous nos pieds. J'ignore quelles sont nos ressources mais, si nous trouvons des techniques d'extraction plus propres que celles utilisées par les Américains – au moins au début, car ils ont fait beaucoup de progrès –, je ne vois pas pourquoi il faudrait par principe y renoncer. Dans tout schéma de transition énergétique, le gaz occupe une place significative. On ne sait pas faire autrement.

Monsieur Woerth, le crédit d'impôt n'est pas un instrument si compliqué, et je m'adresse avec humilité à un ancien ministre du budget. L'impact sur le coût du travail n'est pas direct, mais je lisais ce matin le compte rendu du programme du Gouvernement dans le Financial Times qui n'a pas la réputation de soutenir les dirigeants français, et il y était plutôt favorable.

Quant au calendrier, j'aurais préféré que les choses aillent plus vite, mais je reconnais l'extraordinaire difficulté que créent la contrainte budgétaire et la contrainte économique. Quand M. Schroeder a pris les mesures Hartz, la croissance en Europe était comprise entre 2,5 % et 3 %, et l'euro valait entre 0,9 et 1 dollar. Autrement dit, le contexte économique était extraordinairement porteur. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus compliqué.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion