Intervention de Louis Gallois

Réunion du 7 novembre 2012 à 16h30
Commission des affaires économiques

Louis Gallois, commissaire général à l'investissement :

Je n'ai pas d'objection à des conseils régionaux de l'industrie. Il y a bien le Conseil économique, social et environnemental, et les CESER mais il ne faut pas multiplier les instances. Peut-être serait-il possible de donner une dimension plus industrielle aux CESER, qui ne sont pas partout d'un extrême dynamisme, mais je n'ai pas d'avis tranché sur le sujet.

Monsieur Lamour, je ne suis ministre ni du budget, ni de l'économie, ni même ministre tout court ! Je ne peux donc pas avoir réponse à tout. La lutte contre les déficits budgétaires doit être menée dans un cadre extrêmement contraignant, tant à cause de la situation économique que de la vigilance des marchés. La marge de manoeuvre est très étroite et tout gouvernement aurait les mêmes contraintes. Il devrait arbitrer entre l'emploi, problème numéro un des Français ; le déficit budgétaire, qu'il faut réduire ; et la compétitivité ; sans qu'il y ait une parfaite cohérence entre ces trois objectifs. Il y a des choix très difficiles à faire, surtout quand la croissance est nulle et que l'euro reste très fort. Je ne veux pas m'élever au-dessus de ma condition en avançant une réponse qui est, de toute façon, très difficile à trouver. J'ai tendance à penser que le Gouvernement ne s'en est pas trop mal tiré avec le crédit d'impôt, qui reportera la charge sur 2014, 2015 et partiellement sur 2016, en évitant 2013, l'année la plus difficile, celle où le saut budgétaire sera le plus important. J'aurais préféré une mise en oeuvre plus rapide mais je n'ignore pas les contraintes du Gouvernement.

Monsieur Kemel, nous n'avons pas de fonds de pension français puisque nous avons opté pour un système par répartition. Cela étant, certaines institutions liées à la Caisse des dépôts ressemblent à des fonds de pension et peut-être pourraient-elles agir de manière plus volontariste sur le tissu productif, sous l'impulsion de l'État. J'en parle d'ailleurs dans mon rapport. Sur les 1 400 milliards d'euros de l'assurance-vie, la moitié part à l'étranger, et le reste va très peu vers les investissements à risque. Il y a fort à faire dans ce domaine. J'ai proposé quelques pistes mais je n'ai pas la solution à tous les problèmes.

Parmi les LBO, il y en a qui sont parfaitement destructeurs, mais tous ne le sont pas. J'en connais qui ont sauvé des entreprises. À cet égard, ma position est moins affirmée qu'il y a quelques années. À la SNCF, nous avons organisé le LBO de Keolis, qui a marché, et celui d'Ermewa, qui a également été un succès, parce que nous avons travaillé avec des gens sérieux, des investisseurs qui sont restés dans l'entreprise. Ils ont certes fait une plus-value mais ils sont sortis de manière ordonnée, sans déstabiliser l'entreprise. Il y a donc moyen de négocier avec d'autres personnes que les prédateurs ou les spéculateurs de court terme.

Oui, il y a un risque de repli sur soi en période de crise, madame Genevard, alors qu'il faudrait, au contraire, être le plus solidaire possible. Mais l'État ne peut pas tout et c'est aux industriels de se serrer les coudes sachant que les plus grandes entreprises ont, dans ce domaine, plus de responsabilités que les petites.

Madame Le Loch, votre description de l'agroalimentaire français est juste, car il est pris en étau entre la hausse des matières premières et la grande distribution. Et il souffre, alors qu'il s'agit de la première filière industrielle française. Elle ne se modernise pas assez vite et, à des quelques brillantes exceptions près, elle n'innove pas assez. J'ai choisi de ne pas évoquer de secteur particulier dans mon rapport. Sinon, il aurait fait au moins 250 pages. Cela dit, l'agroalimentaire mérite un examen spécifique car il emploie 500 000 personnes.

J'ai fait des propositions pour assurer la stabilité, madame Dalloz, car elle est nécessaire et, vous avez raison, il y a les grandes régions, et les autres. À cet égard, je me réjouis que, pour le pôle de compétitivité de l'aéronautique, l'Aquitaine et Midi-Pyrénées se soient mises ensemble. Je ne vois pas pourquoi la Franche-Comté ne s'entendrait pas avec la Lorraine ou l'Alsace. Les grandes régions comme Rhône-Alpes ont des atouts, mais aussi des problèmes. En ce qui concerne les graphiques, je suis désolé de ne pas avoir retenu la même origine, mais n'y voyez pas de malignité de ma part.

Madame Battistel, il n'y a pas d'aide sans effet d'aubaine. Mes propositions concernent tout le tissu industriel français. Le champ est peut-être trop large, mais au moins n'y aura-t-il pas de discrimination et l'artisanat en bénéficiera-t-il comme les autres.

Madame Grosskost, le paramètre important, c'est surtout le taux d'emploi : il faudrait que les Français entrent plus tôt sur le marché du travail, et le quittent plus tard, au-delà de 58 ou 59 ans en moyenne. S'ils partaient à 62 ans, on gagnerait deux ans et demi sans toucher à l'âge légal de la retraite, et ce serait déjà un avantage non négligeable. Sur les coûts de la trésorerie, j'ai répondu.

L'enseignement technique agricole est en effet un exemple remarquable, monsieur Potier. On méconnaît souvent que les établissements d'enseignement agricole servent à la fois à la formation initiale et à la formation continue, ce qui est un point extrêmement positif. L'enseignement agricole a des leçons à nous donner, tout comme le bâtiment. Il s'agit d'auditer non l'enseignement mais la formation continue, qui absorbe 31 milliards d'euros.

Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas traité les filières une par une, mais je crois avoir mentionné l'économie circulaire où il y a beaucoup à faire. Je suis très intéressé par des entreprises comme Paprec qui sont capables de se développer.

Madame Vautrin, s'agissant des délais de paiement, oui, la LME doit être respectée. Pour qu'elle le soit, il faut contrôler. Et qui est mieux à même de le faire, sinon le commissaire aux comptes ? Une PME ne traînera jamais son donneur d'ordre devant un tribunal. Seule une personne indépendante peut s'en charger. Quant à la fiscalisation des heures supplémentaires, c'est au Parlement d'en décider.

Madame Erhel, le numérique est évidemment essentiel et le programme du réseau à très haut débit a été doté de 900 millions d'euros au titre des investissements d'avenir. Nous sommes en discussion avec des départements, voire des régions sur ce point, sachant qu'une partie du réseau pourra être installée par France Télécom et SFR essentiellement, parce que l'investissement est rentable. L'introduction du numérique dans les PME est décisive et la filière numérique en tant que filière industrielle est fondamentale car il faut que nous conservions et valorisions nos grandes capacités logicielles. Sur la réciprocité, je suis évidemment d'accord.

Madame Grommerch, la fiscalité du capital est diverse. La nôtre avantage plutôt la rente que le risque, à tort à mon avis, mais c'est une question pour la représentation nationale.

Étant président de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale – la FNARS –, il me serait difficile d'être contre l'économie sociale et solidaire… Les sommes en cause se chiffrent seulement en dizaines de millions, mais la solidarité du corps social doit s'exprimer vis-à-vis des plus démunis. Si nous ne sommes pas capables, en période de crise, de manifester notre solidarité, c'est tout le corps social qui risque de se disloquer.

Monsieur Hammadi, ayant été écarté des appels d'offre de Galileo, je ne parlerai pas de ce projet. Le prochain programme européen de recherche et de développement technologique, qui verra ses crédits passer de 56 à 84 milliards d'euros, marque un progrès significatif, et la France doit pouvoir en bénéficier. Nous contribuons pour 17 % et ne recevons que 11 % des fonds. Le taux de retour n'est pas très bon, contrairement à l'Espagne et à l'Italie dont les entreprises, à cause de l'arrêt des programmes nationaux, se sont précipitées à Bruxelles pour aller chercher le complément. En France, il reste encore des capacités, mais nous devons aider nos entreprises à obtenir des crédits de Bruxelles. Elles doivent se regrouper, les chambres de commerce se mobiliser ainsi que tous les acteurs qui peuvent aider à préparer des dossiers extrêmement complexes.

Je laisse la fusion de la CSG et de l'IRPP pour un prochain numéro… Premièrement, je ne suis pas un spécialiste de la fiscalité. Deuxièmement, sur ce vaste sujet, d'aucuns ont des opinions plus tranchées que la mienne, notamment M. Piketty.

Monsieur Gagnaire, même en l'absence de fonds de pension, l'épargne des ménages doit bénéficier à l'industrie et il faut encourager l'actionnariat des salariés, mais sans excès pour ne pas les exposer au double risque de perdre leur emploi et leur épargne.

Je ne me prononcerai pas sur l'industrie automobile tant le sujet est complexe et les enjeux graves. La montée en gamme que Citroën est en train d'organiser avec la DS, par exemple, va dans le bon sens. Tout ce qui permet de se différencier par rapport aux voitures à bas coûts est une nécessité. La France est bonne sur ce créneau spécifique, mais les véhicules ne sont pas fabriqués sur notre territoire. Nous n'avons pas d'autre choix que de monter en gamme et de nous différencier : voiture électrique, hybride, modèles très économes en énergie.

La conditionnalité, je n'y reviens pas. De toute façon, les PME, PMI et ETI bénéficieront du système, d'autant que leur échelle de rémunérations est plus réduite que celle des grandes entreprises, ce qui constitue un petit avantage. Il faudra que le Gouvernement fasse le point tous les six mois. Le crédit d'impôt présente l'avantage d'être ajustable, même si j'aurais préféré le voir stabilisé pour cinq ans.

En matière de politique monétaire extérieure, monsieur Richard, je n'ai pas de recette miracle, d'autant que je ne suis pas sûr qu'il y ait consensus au sein du conseil de l'Eurogroupe. La France doit plaider pour qu'il s'exprime sur le taux de change, comme cela se fait pour la monnaie américaine ou la monnaie chinoise. Les marchés écoutent les politiques.

Je pense qu'il ne sera pas possible de prévoir des règles spécifiques pour la BPI parce que, en tant que banque, elle sera soumise à une supervision européenne. De plus, elle devra toujours agir en investisseur avisé, même si sa doctrine doit privilégier le long terme.

Monsieur Fauré, bien sûr, les grands groupes ne se comportent pas toujours bien, mais il leur arrive aussi de développer les entreprises qu'ils rachètent. J'ai quelques exemples personnels à citer. Cela dit, la chasse aux grands groupes n'est pas saine, car on a besoin d'eux. Ils figurent parmi les atouts de la France d'autant que leur effort de recherche dans notre pays est très important, même si leurs activités de production sont réparties dans le monde entier, tel Michelin par exemple.

Sans aller jusqu'à créer une banque des hommes, contribuer à élever le niveau de formation et de qualification des chefs d'entreprise est une tâche essentielle. Il est très important que les chefs d'entreprise puissent trouver des appuis en matière de formation, de coaching – même s'ils détestent le mot. En tout cas, il faut les soutenir. Ils ont parfois peur de faire grandir leur entreprise, par peur de ne pas être capables de la gérer.

Monsieur le président, je ne sais pas jusqu'à quel point la BPI peut être la banque de l'artisanat, qui a déjà à sa disposition des instruments spécifiques comme le Crédit coopératif. Il ne faut pas mélanger les genres dans la mesure où l'expertise n'est pas la même.

S'agissant de la gouvernance, les régions peuvent aider à définir la ligne de la BPI, mais la décision doit obéir à une discipline interne, sans influence extérieure sur des dossiers précis. Sinon, on aboutira à une politisation de l'aide, ce qui me paraît dangereux à en juger d'après l'exemple des SDR ou des Cajas en Espagne.

La BPI est là pour faire levier. À cet égard, l'expérience d'Oséo a été positive. Très souvent, les banques l'ont suivi et une telle démarche n'est pas forcément négative, au contraire. Toutefois, les banques auront de plus en plus de difficulté à participer au financement de l'industrie car les règles prudentielles ne vont pas les y aider.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion