Même si le lien capitalistique entre les entités demeure, la scission entre EDF, ERDF et RTE a généré des surcoûts puisqu'il a fallu créer de nouvelles interfaces ou systèmes d'information ; mais l'intégration permet aussi, conformément à la loi elle-même et moyennant des règles de bonne conduite quant au respect de l'indépendance de chacun, des bénéfices en termes de coût, dont profite in fine le consommateur. C'est vrai, par exemple, pour la recherche et développement, en tout cas pour ERDF – puisque celle de RTE est indépendante. Les contrats visés, bien entendu, sont connus par la CRE.
Les relations avec les syndicats locaux font partie de notre histoire ; il y a eu des crises, mais des progrès significatifs ont été accomplis sur des sujets qui nous lient, à commencer par la cohérence des investissements, pour laquelle la future loi nous donnera des outils. Nous oeuvrons en ce sens, que ce soit avec les préfectures ou à travers la convention de septembre 2013 signée avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), et aux termes de laquelle nous nous sommes engagés sur des plans de coordination qui devraient être réalisés d'ici à la fin de 2015. C'est l'ensemble de la régulation qui profitera de l'amélioration des niveaux de qualité à travers les investissements.
La remontée des dividendes, au sujet de laquelle on m'interroge souvent, est l'un des éléments constitutifs d'ERDF, société anonyme. RTE a remonté 60 % de dividendes en 2014, contre 55 % pour ERDF. Le chiffre a pu varier au cours des années précédentes, mais nous restons dans la norme. J'ajoute que, si les dividendes sont demandés par EDF, ils constituent, in fine, une ressource pour l'État.
Ce versement détourne-t-il des sommes au détriment des investissements ? Je ne le crois pas, d'autant que ces derniers ont très sensiblement augmenté au cours des dernières années ; et comme je l'indiquais, ils devraient atteindre 40 milliards d'euros sur l'ensemble de la décennie qui s'ouvre, soit 4 milliards par an : ce montant, tout à fait significatif au regard du coût des raccordements et de la modernisation du réseau, nous oblige collectivement, avec les syndicats, à des choix toujours plus efficients, les attentes étant fortes, c'est vrai, dans certains territoires. Dans l'Est, en zone frontalière, on voit émerger des pratiques industrielles différentes : le développement économique nous oblige, avec les autorités concédantes, à répondre aux exigences de qualité. Cela implique des choix, donc des arbitrages, de la part d'ERDF comme des autorités concédantes, au regard notamment des enjeux que pose la transition énergétique.
La gouvernance a suscité des débats dont la commission spéciale s'est fait l'écho, et son évolution reflète le voeu d'un meilleur partage, avec les autorités concédantes, quant aux choix d'entreprise et à l'allocation des ressources. On parle beaucoup d'investissements, mais la présence des autorités organisatrices de l'énergie au conseil de surveillance permettra aussi une meilleure compréhension des dépenses allouées à la qualité comme des choix techniques, financiers et stratégiques. ERDF investit chaque année, via ses dépenses d'exploitation, des sommes très significatives pour la maintenance, la réparation, l'élagage, l'exploitation même et la conduite des réseaux : autant de dépenses, monsieur Baupin, réalisées au niveau local.
ERDF est d'ores et déjà une entreprise numérique : elle conduit le réseau moyenne tension avec des agences de conduite ; près de 80 % des incidents sont corrigés par des systèmes automatiques, qui assurent aussi les rétablissements pour 80 % des clients. Cette évolution se renforcera encore avec les capteurs du système Linky, qui, monsieur le président Brottes, permettront un traitement immédiat des incidents.
Si votre question sur la gouvernance visait aussi les relations avec l'actionnaire, celles-ci, je le répète, sont respectueuses de ses prérogatives en matière d'orientation stratégique et de supervision financière. L'ensemble de nos contrats avec EDF incluent des dispositions exigeantes sur le contrôle – et même l'audit, s'il y a lieu – du régulateur.
Le zonage, madame la rapporteure, renvoie désormais à la maille départementale, à l'échelle de laquelle sont donc appréciés les temps de coupure et les interventions nécessitées dans tel ou tel secteur. Il s'agit, par le fait, d'orienter nos investissements en fonction des besoins des entreprises. Au-delà des coupures se pose d'ailleurs la question des raccordements, pour lesquels ERDF, entreprise dont il ne faut jamais oublier qu'elle est jeune, a consenti beaucoup d'efforts ; la fin du système intégré a exigé, en 2008, l'édification de ce que d'aucuns ont appelé une « muraille de Chine » qui l'a, pour ainsi dire, coupée de ses clients ; depuis, ceux-ci sont revenus vers elle compte tenu, notamment, des progrès réalisés en matière de raccordement : les délais, dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR), ont été ramenés à presque dix-sept mois. Toutes les régions disposent dorénavant de systèmes d'information et d'équipes dédiées permettant de suivre et même d'anticiper les demandes des producteurs. L'évolution est donc en cours ; la satisfaction des clients l'atteste.
Je remercie François Brottes de sa sensibilité aux contraintes parfois contradictoires qui nous sont soumises, lesquelles justifient, dans le cadre de notre mission de service public, la mobilisation de nos 37 000 agents. La mutualisation par un gestionnaire national a des avantages en termes de moyens ou de rapidité d'intervention. Les coupures peuvent être dues à des incidents mais aussi, on l'oublie trop souvent, à des travaux ; or, si les coupures pour travaux ont été très significativement réduites, c'est d'abord parce que la dimension nationale de l'entreprise permet de poursuivre le développement de nouvelles techniques. La gestion de plateformes électrogènes, par exemple, a un coût qui peut être mutualisé à l'échelle de territoires élargis. La mutualisation se traduit aussi par la capacité à mobiliser des ressources partout sur le territoire – pendant la période de Noël dernier, six cents agents d'ERDF ont ainsi été mobilisés en Bretagne –, en fonction des alertes de Météo France, qui nous permettent d'anticiper.
Au regard de la transition énergétique, la mutualisation permet aussi des investissements équilibrés entre les territoires et les réseaux : en évitant les effets de congestion, elle présente un intérêt économique réel, même si les équilibres deviendront de plus en plus locaux. Le modèle national de gestion des données, condition du succès de la transition énergétique et de la maîtrise des réseaux intelligents, doit cependant s'adapter aux demandes territoriales, y compris dans l'anticipation.
L'enfouissement implique en effet une moindre maintenance, mais son coût reste prohibitif ; des techniques anciennes et connues, telles que le réseau torsadé, apportent des bénéfices comparables en termes de sécurité et d'efficacité. M. Brottes s'était d'ailleurs interrogé, lors des débats de la commission spéciale, sur le bon usage des techniques. Est-il vraiment utile, par exemple, d'enfouir des réseaux torsadés ? L'enfouissement se justifie sans doute pour le réseau neuf, voire renouvelé, mais, pour le reste, il me semble plus judicieux d'orienter les investissements vers d'autres techniques.
Je me suis attaché à la fluidité des relations avec RTE, même si chaque entreprise défend bien entendu ses intérêts. Des facteurs de surcoût demeurent, par exemple dans la gestion de l'effacement, dont le distributeur est exclu : sans remettre en cause les dispositions législatives existantes, nous pourrions contribuer, auprès de RTE, à une meilleure maîtrise du système. Sur de tels sujets, ERDF et RTE sont en effet complémentaires, ou pourraient le devenir au niveau régional. C'est tout particulièrement vrai pour la gestion des données : en ce domaine, des progrès restent possibles car, si le distributeur a toute légitimité pour la captation desdites données, RTE ne peut être exclu du système dans son ensemble. Quoi qu'il en soit, nous entretenons avec cette entreprise un dialogue ouvert.
L'échéance de 2021 peut paraître lointaine, monsieur Brottes, mais elle renvoie à des limites qui tiennent aux capacités de mobilisation sécurisée des ressources : comment imaginer ne pas respecter les exigences des clients ou provoquer des surcoûts en raison d'un déficit de qualité ? Le déploiement annuel de 8 millions de compteurs représente un effort industriel considérable à l'échelle de l'Hexagone ; qui plus est, nous l'assumerons de manière socialement responsable vis-à-vis des petites entreprises sur l'ensemble du territoire : nul n'admettrait, à commencer par nous-mêmes, une interruption brutale des contrats passés avec elles ; d'où la nécessité d'un lissage. Tout ce qui peut contribuer à l'accélération du déploiement, ne serait-ce que de quelques mois, est bien entendu bénéfique, mais il ne faut pas perdre de vue les enjeux industriels qu'il pose, en termes de logistique, de maîtrise des processus, d'installation et de qualification des compteurs.