Intervention de Philippe Duong

Réunion du 14 novembre 2012 à 9h30
Commission des affaires économiques

Philippe Duong, directeur du cabinet Samarcande :

Plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d'avoir une vision beaucoup plus globale du transport et de la logistique — au travers d'un master plan, d'un « schéma logistique » ou de tout autre instrument portant une vision nationale.

Je crois qu'il s'agit effectivement là d'une question fondamentale. Mais, à mon sens, avant de parler de « plan » ou de « schéma » — appellations vagues qui ne règlent pas tous les problèmes —, il faut avoir une vision d'ensemble de la place du transport et de la logistique dans l'organisation de l'économie et de la société françaises. Jusqu'à présent, nous avons trop souffert de l'idée selon laquelle transport et logistique étaient d'abord des questions d'infrastructures et, plus secondairement, d'implantation, de plates-formes, de sites, etc.

Je crois, au contraire, qu'il faut réaffirmer que le transport et la logistique n'ont d'autre légitimité que d'être au service de l'économie, des territoires et des populations qui y vivent. La question est donc de savoir comment articuler une vision de l'économie — y compris le développement de nouvelles activités, d'éco-industries, etc. — et une vision des transports et de la logistique. Il s'agit d'avoir une vision nationale, qu'il appartient certes au Gouvernement, au Parlement, aux experts d'élaborer… mais qui relève aussi des entreprises et des filières, puisqu'elles sont au coeur des flux générés. Cette vision doit ensuite se décliner territorialement, en termes d'infrastructures et d'implantations, domaines dans lesquels l'équilibre me semble clairement sous-optimal, les gaspillages gigantesques et les politiques inefficaces.

Il faut, à ce propos, regretter qu'une vision d'ensemble de l'aménagement du territoire fasse cruellement défaut en France depuis plusieurs années : le géographe de formation que je suis déplore, plus généralement, une certaine méconnaissance de la géographie économique de notre pays. Beaucoup en restent ainsi à l'idée que la France n'a guère changé depuis les débuts du XXe siècle, avec l'économie à l'Est et les campagnes à l'Ouest. Qui sait, par exemple, que les deux seules régions créatrices nettes d'emploi industriels jusqu'à la crise étaient la Bretagne et les Pays de la Loire… c'est-à-dire des régions parmi les plus défavorisées, notamment en matière de transport ferroviaire ? Si on posait différemment un certain nombre de problèmes — par exemple, la question de savoir pourquoi il n'y a pas de grand port sur la façade atlantique française, alors qu'elle représente un atout considérable pour notre pays —, on aboutirait à des questions intéressantes sur la manière dont se structure notre vision des relations avec le reste du monde et notre tropisme européen. HAROPA et Marseille ont des atouts exceptionnels, mais il manque bien un maillon sur la façade occidentale, dans une perspective d'aménagement du territoire qui ne soit pas seulement portuaire, qui engagerait une vision du développement économique et de l'intermodalité des transports.

La question des OFP est une question importante. Le concept « d'OFP » a permis d'asseoir une nouvelle vision du fret ferroviaire, c'est-à-dire la nécessité que ce fret irrigue les territoires — d'autant que certains ont été assez largement abandonnés par les grands opérateurs. Au-delà d'une nécessaire sensibilisation, je ne crois pas néanmoins qu'ils constituent la seule réponse possible : un opérateur comme la SNCF demeure, à mon sens, en capacité de capter du « fret diffus » dans les territoires.

Je suis un grand partisan du transport combiné rail-route, sans me faire néanmoins trop d'illusions. Il a des dizaines de milliers d'entreprises en France ; seules quelques milliers sont embranchées « fer » et il n'en ira pas différemment dans les prochaines années. Pour permettre au ferroviaire de capter potentiellement 100 % des flux, il faut en passer par le transport combiné rail-route. Mais le drame est que la France va totalement à contre-courant des évolutions observées chez nos voisins : le transport combiné connaît chez nous une crise encore plus forte que celle du fret conventionnel.

Il y a eu, dans les années soixante, une révolution dans le transport maritime à travers la conteneurisation. Si une révolution doit intervenir dans le transport ferroviaire, elle passera selon moi à travers le transport combiné rail-route. Mais un tel développement n'est pas envisageable sans un soutien des politiques publiques, aux plans national et local.

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