Intervention de Emmanuel Delachambre

Réunion du 14 novembre 2012 à 9h30
Commission des affaires économiques

Emmanuel Delachambre, directeur général d'Euro Cargo Rail et membre de la Commission des affaires ferroviaires de l'Union des transports publics et ferroviaires, UTP :

J'interviendrai sur 3 points. Premièrement, en ce qui concerne la qualité des sillons et l'effet du cadencement, à la question « le cadencement a-t-il aidé à dégager des sillons pour le fret ? », je répondrai par la négative.

La performance globale du réseau du fret ferroviaire n'a cessé de se dégrader au cours des 4 dernières années. Trois chiffres l'illustrent. En 2009, Euro Cargo Rail avait 71 % de ses sillons dans le cadre du changement de service. Pour 2013, nous allons avoir 47 % de réponses positives, soit un taux de perte de 24 % sur 2009-2013. RFF et la SNCF sont en effet soumis à une grave crise de fonctionnement, comme l'illustre le fait que chaque vendredi il manque à RFF 32 % des sillons nécessaires au trafic. Comment monter un plan de production hebdomadaire quand on ne sait comment acheminer un tiers des trains ? À l'opposé, en Grande-Bretagne, 85 % des sillons sont obtenus deux mois à l'avance.

Deuxièmement, sur la réforme de la gouvernance du réseau et face à la grave crise du fret ferroviaire en France, il convient de revoir les modalités de fonctionnement du secteur. Un combat semblait s'amorcer la semaine dernière entre RFF et la SNCF pour la conduite du leadership du réseau. La SNCF semble prendre ce leadership, mais quelle est l'ambition pour le réseau associée à cette réforme ? Je ne la vois pas. Deux mots semblent tabous concernant le fonctionnement du fret ferroviaire : la productivité et la qualité. Pour assurer la survie du fret ferroviaire en France, il faut désormais un plan de productivité et de qualité, avec des objectifs chiffrés pour le réseau. Seul l'État, patron de RFF et de la SNCF, peut mener à bien ce plan.

Enfin, l'harmonisation sociale. S'agissant du cadre social harmonisé, l'organisation du travail en France est régie soit par voie conventionnelle pour le transport routier, soit par un accord d'entreprise avec l'État pour la SNCF, qui prévoit des périodes de repos supplémentaires et donc des pertes de productivité imposées. À l'inverse, nos concurrents bulgares et espagnols ont des conditions de travail dictées par le marché. Le fret ferroviaire pâtit en France de conditions de travail imposées.

Nous réfléchissons actuellement dans un contexte français, alors que le débat est européen. Mon concurrent n'est pas l'activité fret de la SNCF mais le chauffeur routier bulgare, roumain ou espagnol, d'autant que la SNCF se voit imposer une organisation du travail qui, par nature, la place hors du marché. Ma préoccupation se situe dans le fait que des milliers de camions traversent la France de part en part plus rapidement, et à un coût moins élevé, que ne peut le faire Euro Cargo Rail. La situation qu'a connue le transport routier, avec une concurrence effrénée des pavillons étrangers, va prochainement toucher le transport ferroviaire. Or, nous prenons le chemin contraire en prévoyant par la loi des contraintes supplémentaires. Encore une fois, la discussion doit se dérouler en ayant à l'esprit le cadre européen. Le vrai sujet, s'agissant du cadre social modernisé, est d'aider la SNCF en allégeant ses contraintes dans l'organisation du travail. Sinon, l'activité de fret ne sera jamais compétitive et nous supporterons des coûts supplémentaires alors que le marché est en dépression. En résumé, nous faisons le contraire de ce qui est logique : il nous faut un choc de compétitivité, au plan social et, je pèse mes mots, un choc de productivité sur le réseau français.

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