Intervention de Emmanuel Delachambre

Réunion du 14 novembre 2012 à 9h30
Commission des affaires économiques

Emmanuel Delachambre, directeur général d'Euro Cargo Rail et membre de la Commission des affaires ferroviaires de l'Union des transports publics et ferroviaires, UTP :

De nombreuses questions ont été posées sur la nécessité d'une initiative, d'un « master plan », d'un schéma directeur pour le secteur du transport de marchandises.

Je pense que nous avons effectivement besoin d'un tel plan pour faire rebondir le secteur. Mais il ne m'apparaît pas que les conditions pour décider de ce plan soient aujourd'hui réunies. Du point de vue de l'État, le secteur apparaît en effet essentiellement consommateur de crédits publics : la dette de RFF dérive et l'entité n'a pas démontré sa capacité à répondre aux attentes des entreprises de fret ferroviaire ; quant à l'activité de fret au sein de l'EPIC SNCF, elle perd massivement de l'argent. On brûle donc de l'argent chaque année et, tant que ces deux sujets ne seront pas traités par des décisions de l'État — en application de règles simples de bonne gestion pour rééquilibrer les comptes, du côté de RFF, et en permettant à la SNCF de revenir sur certains taquets d'ordre réglementaire — il est vain d'espérer pouvoir se doter d'une véritable planification stratégique.

Un plan nécessite de pouvoir mobiliser des moyens d'investissement et le secteur ne fait aujourd'hui aucunement la démonstration de sa capacité à l'appliquer et ainsi lui conférer une certaine profitabilité.

Un tel investissement est pourtant absolument nécessaire, dans plusieurs domaines. Il faudrait ainsi réussir à mieux connecter les ports au réseau et satisfaire le besoin manifeste de terminaux intermodaux performants, en mesure de traiter efficacement les containers maritimes — puisque c'est ainsi désormais qu'on transporte les marchandises de par le monde. Parier sur la conteneurisation et le transport intermodal sont des orientations de bon sens : c'est à la fois favorable au transport routier — la marchandise arrive presque toujours chez le client et en repart par la route — au transport ferroviaire – celui-ci couvre l'essentiel des distances à parcourir – et à la collectivité – le bilan-carbone est largement positif, les nuisances sont maitrisées, etc. Il n'y a donc aucun doute quant au point de savoir s'il s'agit de la bonne réponse : c'est une certitude.

C'est pourtant une évolution inverse qu'on observe : un certain nombre de terminaux intermodaux ferment – ou vont fermer dans les prochains mois – et leur liste est déjà connue. L'offre tend à se réduire et l'investissement n'est plus suffisant pour assurer leur remplacement ou leur modernisation.

Une autre bonne idée qui a été évoquée est celle de la logistique urbaine et du « dernier kilomètre ». L'exemple de Samada et du « train Monoprix » est pleinement probant : c'est exactement ce qu'il faut faire. Cette réussite a reposé sur une opportunité extraordinaire : la présence, dans le patrimoine de la SNCF, d'un entrepôt situé à proximité immédiate de la gare de Lyon. Il me semble donc urgent de réserver, autant que faire se peut, des surfaces foncières dans le coeur des villes. D'ici quinze ou vingt ans, lorsque les sujets du coût du carburant ou du coût du carbone auront pris une acuité particulière, pourront y être construits des entrepôts à partir desquels seront livrées les zones urbaines très denses. Le « grand Paris » est, dans cette perspective, un vrai sujet de préoccupation — comme Lyon ou Marseille, d'ailleurs. Mais il faut qu'entretemps les collectivités territoriales fassent preuve de suffisamment de responsabilité et de retenue pour ne pas céder ces espaces à la pression de la demande foncière.

Tant que n'auront pas été traitées un certain nombre de questions fondamentales comme la productivité du réseau et le retour à l'équilibre de RFF et de la SNCF, l'État n'a donc aucun intérêt objectif à investir avec un argent qu'au demeurant il n'a pas. Mais d'un autre côté, si nous n'agissons pas maintenant, nous et nos enfants le regretteront dans vingt ans.

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