Lorsque les bourses au mérite ont été mises en place par Claude Allègre, les mentions Très bien au baccalauréat se comptaient sur les doigts de la main et ne dépassaient pas 3 %. Deux ans plus tard, le taux est passé à plus de 12 % sans aucun effet levier pour les jeunes issus des milieux les plus modestes qui n’ont pas progressé en la matière.
L’honneur de la République est aussi de savoir évaluer les politiques publiques et les infléchir quand les résultats ne sont pas au rendez-vous, ce qui était le cas en l’espèce. Tous ceux qui ont enseigné savent bien que le déterminisme social s’inscrit au moment de l’acquisition des savoirs fondamentaux, dès le cours préparatoire. Certains ont eu la chance de crever le plafond de verre alors qu’ils étaient issus d’un milieu modeste, mais pas pour autant précarisé car, à y regarder de plus près, on remarque que ces boursiers au mérite sont, pour leur très grande majorité, issus des catégories « 0 », « 0 bis » et « 1 ». Il n’empêche qu’ils ont réussi, par leur mérite et leur travail, à échapper au déterminisme social et qu’ils sont à présent tirés d’affaire.
Si la République veut être juste et réguler les discriminations sociales – non seulement la reproduction mais aussi l’aggravation des déterminismes sociaux –, elle doit s’attaquer aux causes. Le fait d’avoir libéré 55 000 postes en direction de l’enseignement dès le primaire, là où s’acquièrent les savoirs fondamentaux, là où le déterminisme social joue et les destins se créent, était une excellente initiative.
De même, l’on sait que la réussite scolaire est liée à la qualité de l’enseignement et à l’expérience des enseignants, surtout en zones difficiles, en zones urbaines sensibles ou dans les territoires dépourvus de ressources ou très éloignés des métropoles. Or, alors que vous aviez supprimé le volet professionnalisation de la formation des enseignants et les stages in situ pour économiser 15 000 postes, le Gouvernement a consenti un effort particulier pour affecter les nouveaux postes dans ces territoires, là où la réussite sociale est en panne et où la progression scolaire d’un certain nombre de jeunes issus de milieux modestes entravée, dès le début de leur scolarité.
Mme Pécresse elle-même l’avait d’ailleurs compris, puisqu’elle avait commencé de réduire le nombre de boursiers au mérite en le ramenant de 20 % à 2,5 % lors du passage de la licence au mastère. Elle avait en effet compris les limites de l’exercice. Et pour cause : en licence, les modes de notation diffèrent grandement selon les universités et selon les disciplines et ne sont pas toujours justes. Il en est résulté un certain nombre de recours auquel le ministère, que vous connaissiez bien à l’époque, n’était pas en mesure de répondre.
C’est la raison pour laquelle Mme Pécresse avait déjà infléchi sa politique de bourses au mérite. Quant à nous, nous l’avons intégrée dans une politique d’aides plus juste et fondée sur des critères sociaux. Nous pourrons ainsi lutter contre ce déterminisme social absolument insupportable : c’est cela la méritocratie républicaine !
Le 06/11/2014 à 11:59, laïc a dit :
"Et pour cause : en licence, les modes de notation diffèrent grandement selon les universités et selon les disciplines et ne sont pas toujours justes."
Mme Fioraso reprend ce que je viens de dire : elle reconnaît la non justesse des notations, mais ce n'est pas pour y remédier... C'est bien dommage, le premier devoir d'un secrétaire d'Etat, s'il connaît des injustices, c'est de les réprimer, d'y mettre un terme définitif, et non pas de les mettre en avant pour aller au devant d'une proposition d'amendement...
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