En surveillant la consommation de mon congélateur, qui doit refroidir les aliments au moment où je les mets et compenser à chaque fois que j'ouvre la porte, je constate que l'effacement ne change rien à ma consommation. Je vous certifie qu'il n'y a pas d'économies d'énergie en cas d'effacement, pour les besoins du système électrique, des congélateurs, des réfrigérateurs, des chauffe-eau, des systèmes de chauffage. Effectivement, en matière de chauffage, il peut y avoir des transferts d'énergie vers d'autres énergies ou vers d'autres consommateurs. Le même dispositif d'effacement pour mon congélateur me permet aussi de gérer plus intelligemment mon chauffage, ce qui permet de faire des économies d'énergie, mais il n'y a aucune raison de valoriser cela sur les marchés. La pose d'isolant ou de doubles vitrages dans une maison ne donne pas lieu à rémunération sous forme de kWh à revendre sur les marchés ! Par contre, tous les dispositifs qui permettent de faire de l'efficacité énergétique active doivent donner lieu à un contrat de rémunération entre le client et le fournisseur.
Ainsi, cette ambiguïté tue l'effacement depuis le départ. Un acteur actuel de l'effacement perd énormément d'argent ; d'autres, comme nous, ne pouvons le proposer, faute de rémunération suffisante de la capacité apte à valoriser correctement cet effacement. Aussi proposons-nous que les effacements donnent lieu à une prime CSPE garantissant la valeur de la capacité. Car les effacements diffus représentent des investissements très capitalistiques, ce qui rend nécessaire un signal économique stable et fiable. De la même manière que le prix de l'énergie pour les énergies renouvelables est garanti, nous estimons que le développement de cette filière impose de garantir la valeur de la capacité pour l'effacement diffus. C'est cela qui permettra le développement de l'effacement, pour les effaceurs purs comme pour les fournisseurs.
Une capacité ne sert jamais à rien : elle apporte un niveau de sécurité d'approvisionnement – en pratique, le dernier mégawatt garantissant cette sécurité fonctionne une fois tous les dix ans. Si la centrale de Porcheville ne sert quasiment jamais, elle permet néanmoins de garantir un niveau d'approvisionnement de sécurité et devra être rémunérée en permanence, même si elle sert seulement une année sur dix.
Grâce à une rémunération correcte de la capacité, votre rémunération dépendra du niveau de capacité du marché de l'énergie. Si ce marché est en sur-capacités vous n'investissez plus, faute de revenus suffisants, mais s'il est sous-capacitaire, de fortes rémunérations vous amènent à investir. Ainsi, le signal prix fonctionne à condition que la rémunération de la capacité soit relativement stable, ce qui permet de promouvoir les investissements dans les moyens de production et d'effacement. Pour des raisons écologiques, il est bien évidemment préférable de produire de l'effacement de pointe que de la production de pointe.
Dans ses rapports, la CRE évalue le coût comptable de l'ARENH aux alentours de 34 euros par MWh – il est actuellement de 42 euros –, et estime nécessaire de sur rémunérer EDF pour permettre les investissements. Comme nous l'avons indiqué dans le cadre de la commission d'enquête sur les coûts de la filière nucléaire, une sur rémunération d'EDF n'est pas envisageable sur la totalité de la période ARENH, car cela signifierait que l'opérateur historique tirerait les bénéfices d'un outil payé par l'ensemble des consommateurs, y compris des opérateurs alternatifs. Ainsi, le maintien de l'ARENH à 42 euros est concevable, à condition que le bénéfice entre le coût comptable et ce prix de 42 euros soit rétribué aux consommateurs à la fin de la période ARENH.
Concernant le grand carénage, un prix de l'ARENH à 42 euros, pourquoi pas, mais certainement pas plus jusqu'en 2015, d'autant que l'Autorité de la concurrence a demandé la fin du dispositif ARENH pour 2025. À la lecture des rapports de la CRE, le prix de 42 euros nous paraît largement suffisant, à la fois pour couvrir les coûts comptables et financer les investissements.
Madame la rapporteure, nous estimons que le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité doit être totalement transparent et donc basé sur les coûts comptables. Toutes les autres méthodes – proposées par la CRE, retoquées par le Conseil d'État, aujourd'hui en discussion dans le cadre du projet de loi de transition énergétique – nous paraissent susceptibles de créer des sur rémunérations indues, propres à se transformer en dividendes, ce qui est néfaste à la concurrence.
Reste la question de la gouvernance. Une solution radicale réside dans la séparation patrimoniale, choisie par certains pays. À défaut de séparation patrimoniale, nous estimons nécessaire de renforcer les dispositifs de gouvernance du gestionnaire du réseau de distribution, afin d'encadrer les choix d'investissement et, si possible, la remontée des dividendes, ce qui est plus compliqué car il s'agit d'une filiale à 100 % de l'opérateur historique.
Plusieurs raisons expliquent le faible taux de consommateurs optant pour les opérateurs alternatifs. D'abord, notre marché fait malheureusement l'objet d'idées fausses, j'en ai parlé, y compris celle selon laquelle le fait de quitter le tarif réglementé est irréversible ou encore que nous étranglons nos consommateurs en leur proposant des prix intéressants au départ puis très élevés ensuite. Surtout, la totale absence de communication des pouvoirs publics sur l'ouverture du marché a empêché les consommateurs d'en connaître les bénéfices, contrairement par exemple aux grandes campagnes pour le « 12 », les renseignements téléphoniques. Nous jugeons donc indispensable une communication à la hauteur de l'enjeu. D'ailleurs, après avoir conseillé de ne pas quitter les tarifs réglementés à l'ouverture du marché, une association de consommateurs a lancé en 2013 un appel d'offres pour sélectionner des offres tarifaires susceptibles de rivaliser avec les prix réglementés du gaz et, ainsi, encourager les consommateurs à opter pour un opérateur moins cher. Le marché a été organisé pour éviter tous les risques pour les consommateurs, qui peuvent réaliser des économies tout à fait significatives. En matière d'électricité, des offres entre 5 % et 10 % moins cher représentent quelques dizaines d'euros sur des factures de 600 euros par an, mais sur des factures comprises entre 1 000 euros et 2 000 euros de personnes se chauffant à l'électricité, l'économie est loin d'être négligeable.
Seule la pression concurrentielle peut avoir un impact effectif sur les coûts, notamment de l'opérateur historique. Or avec 5 % de perte de parts de marché, l'opérateur historique d'électricité ne subit aucune pression concurrentielle – l'opérateur historique du gaz non plus.
Enfin, les forfaits sont apparus dans des secteurs, comme les télécoms, où les coûts marginaux de production sont quasiment nuls, ce qui n'est pas du tout le cas pour l'électricité. En outre, l'envoi de signaux de modération de consommation aux clients se justifie au regard d'un produit dont l'impact sur l'environnement est réel, si bien que des forfaits permettant de consommer jusqu'à un certain niveau, alors même que des économies pourraient être réalisées, ne nous paraissent pas souhaitables.