Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 31 octobre 2014 à 9h00
Commission élargie

Geneviève Fioraso, secrétaire d'état chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est stable, en hausse même de 45 millions par rapport à 2014. Depuis 2013, au-delà du simple périmètre de la MIRES, il a augmenté de plus de 600 millions d'euros, dont 458 millions ont été prioritairement consacrés à l'amélioration des conditions de vie des étudiants à travers l'attribution de bourses sur critères sociaux.

François Brottes a appelé l'attention du Gouvernement sur les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et sur la politique spatiale.

Le budget des TGIR est stable : de 277,197 millions d'euros dans la loi de finances pour 2013, il est passé à 276 millions d'euros dans la présente loi de finances, soit une différence d'un million, qui s'explique par le lissage dont ont fait l'objet les crédits alloués à la Source européenne de spallation (ESS). Pour le reste, tous les engagements seront tenus, ce qui est essentiel car la recherche fondamentale, à fort enjeu, est très présente, notamment en physique et en chimie, dans ces infrastructures. Je pense aux travaux sur l'origine du monde menés par l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), mais aussi aux projets où sont associées les sciences humaines et sociales, puisque nous avons la chance d'avoir en France une recherche pluraliste. C'est une grande richesse pour notre service public de la recherche de compter des chercheurs comme Étienne Klein, à la fois physicien et philosophe.

La politique spatiale, vous le savez, m'a beaucoup mobilisée. L'Europe a une de position de leader mondial en ce domaine et, à l'intérieur de l'Europe, la France, qui regroupe la moitié des 40 000 emplois directs du secteur, occupe le premier rang. Si l'Europe a d'emblée excellé, c'est que l'un de mes prédécesseurs, le plus illustre sans doute, Hubert Curien, a su imaginer une Europe de l'espace à travers l'Agence spatiale européenne (ESA). Elle nous assure une force de frappe, même si le manque d'intégration nous oblige à consentir des efforts de compétitivité, notamment dans le domaine des lanceurs.

À mon arrivée au ministère en mai 2012, beaucoup de travail restait à faire : les industriels français ne communiquaient plus avec les agences, les acteurs de l'agence spatiale française ne communiquaient plus avec leurs homologues allemands. Nous avons dû, en quelques mois, rattraper le retard pris sur le projet Ariane 6, car depuis l'annonce de son lancement en 2008 par le Premier ministre François Fillon, aucune préparation n'avait été effectuée ni en France ni au niveau européen. Nous avons mis en place le Comité de concertation État-industrie sur l'espace (COSPACE), réunissant les industriels, les opérateurs, les agences, les clients afin de faire émerger une position française cohérente à même de convaincre nos amis et partenaires allemands. Au terme de deux jours et de deux nuits, dans le cadre de la réunion ministérielle des États membres de l'ESA à Naples, nous avons réussi à obtenir, sur le fil du rasoir, le développement d'Ariane 6, assorti d'un passage par Ariane 5 ME imposé par les Allemands. Je peux vous assurer que cela n'a pas été facile.

Nous avons poursuivi sans relâche ce travail. Nous savons que l'expertise européenne est reconnue, notamment en matière de lanceurs : Ariane est le seul lanceur à avoir connu soixante succès consécutifs. Nous savons aussi que les États-Unis ont fortement réinvesti dans le secteur spatial en usant, comme toujours, d'un prête-nom privé : SpaceX, dirigé par le séduisant Elon Musk, inventeur des voitures électriques Tesla, surcoté en bourse alors même qu'à peine 50 000 véhicules ont été vendus dans le monde. Ce faux modèle de start-up cache un très puissant soutien de la NASA. Nous sommes donc aujourd'hui confrontés à une concurrence qui s'apparente à du dumping, dans la lignée de ce qu'ont fait les Chinois avec les panneaux photovoltaïques : le lanceur est vendu sur le marché domestique américain deux fois son prix de vente à l'export, procédé qui nous est, bien évidemment, interdit par les règles européennes.

Cette compétition, les acteurs ne l'avaient pas vu venir. À mon arrivée en 2012, SpaceX m'avait été présentée comme une entreprise vouée à une existence éphémère. La puissance du soutien de la NASA et la forte volonté des Américains de relancer leur politique spatiale étaient passées inaperçues.

Face à ce phénomène, il nous fallait davantage concentrer notre industrie. Une joint-venture est en cours de montage entre Safran et Airbus Defence and Space. Il fallait, par ailleurs, accentuer l'intégration industrielle : la construction spatiale est aujourd'hui trop disséminée à l'échelon européen. Enfin, il fallait aller plus rapidement vers Ariane 6 : pour la première fois dans l'histoire de la politique spatiale, les industriels et les agences ont élaboré une proposition commune, validée par les clients. Présentée en juillet dernier, elle a été soumise à l'ensemble des États membres dans le cadre de deux réunions ministérielles informelles. Tous les États ont donné leur feu vert, sauf un ; nous avons encore des efforts à faire pour convaincre nos amis et partenaires allemands. Si les choses ne sont pas totalement réglées, le processus est plus abouti, et des progrès énormes ont été obtenus par rapport à la situation de 2012, qui était vraiment très dégradée.

Le prochain sommet de l'ESA comporte donc un gros enjeu. Même si nous n'avons pas encore obtenu un accès direct au développement d'Ariane 6, les progrès sont notables : dans la nouvelle configuration sur laquelle tout le monde s'est accordé, les développements effectués pour Ariane 5 ME serviront à l'élaboration d'Ariane 6, puisque la partie supérieure de la fusée est identique. Nous espérons tout de même convaincre nos partenaires allemands de passer directement à Ariane 6 : ce serait un fort signal adressé à nos compétiteurs américains que de montrer que l'industrie européenne est unie. Ce combat n'est pas gagné, mais nous y mettons toutes nos forces.

Que le Centre national d'études spatiales réclame des subventions supplémentaires, rien de plus normal. Il est assez rare, convenez-en, que des responsables d'organismes de recherche demandent à voir leurs subventions diminuer. Les crédits du CNES sont stables, et une grande partie est redirigée vers l'ESA. Nous avons demandé au CNES d'adapter sa configuration aux nouvelles responsabilités qui seront confiées aux industriels, auxquels nous avons demandé, dans la perspective du développement d'Ariane 6, de renforcer leur intégration et de faire des efforts de compétitivité sur les coûts, sans nuire pour autant à la qualité ou à la sûreté. Cela doit avoir pour contrepartie de les impliquer plus tôt dans la chaîne de décision, notamment en les associant à la conception. Précisons que l'organisation nouvelle qui se met en place n'enlève rien aux prérogatives du CNES et de l'ESA. L'État garde toutes ses responsabilités régaliennes en ce domaine.

L'espace est un formidable agent de développement économique : la filière ne comporte pas de sous-traitants mais des co-traitants, elle fait travailler de multiples entreprises, lève de nombreux verrous technologiques et diffuse les innovations dans l'ensemble de l'industrie, du secteur médical aux matériaux en passant par la météorologie. Aujourd'hui, si les satellites cessaient de fonctionner, nous n'aurions plus de lumière, nous ne saurions plus l'heure qu'il est, nous n'aurions plus de régulation des trains, nous ne pourrions plus procéder aux opérations chirurgicales à distance, certains pays non équipés de réseaux terrestres seraient privés de moyens de communication. Les données satellitaires permettent également de mesurer la montée des eaux et les poches de pollution, d'établir les causes de ces phénomènes et donc d'y remédier. L'espace est aussi un lieu de surveillance des activités terroristes. Perdre le leadership en matière spatiale aurait des conséquences très lourdes pour notre industrie mais aussi pour notre souveraineté, car notre dépendance à l'égard d'autres pays augmenterait. Qualité de vie, sécurité, communication, puissance de notre industrie, diffusion des innovations : l'espace a sur notre vie une incidence que nous mesurons mal.

J'ai consacré un long développement au domaine spatial, mais vous comprendrez que les enjeux qui s'y attachent le justifient.

François Brottes évoquait la réunion des présidents des commissions parlementaires compétentes en matière d'agriculture, de développement industriel et de PME qui vient de se tenir à Rome. Nous sommes tous d'accord pour dire que l'énergie et l'innovation sont des éléments clefs pour la compétitivité de nos pays. Dans un contexte où l'État procède à des limitations budgétaires, non pas tant pour se conformer aux règles européennes que pour éviter d'obérer l'avenir des jeunes générations par une charge trop lourde de la dette, la stabilité des crédits dédiés à la recherche et à l'enseignement supérieur montre que ces domaines constituent une priorité pour le Gouvernement.

J'en viens aux chercheurs, dont certains ont récemment manifesté – 1 200 pour être précise. Les chiffres sont globalement bons. Dans le secteur privé, le nombre de chercheurs augmente de plus de 5 % chaque année, tendance dans laquelle on peut déceler l'impact du crédit d'impôt recherche. Le nombre de docteurs continue d'augmenter tandis que le stock diminue. Le raccourcissement de la durée des thèses, passée en moyenne de six ans à trois ans, est plutôt une bonne nouvelle. Il faut se réjouir que les étudiants qui mènent leurs doctorats dans le cadre de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) trouvent rapidement un emploi à 98 %, et à 75 % dans le secteur privé.

Ce chiffre a son importance, car pour les débouchés du secteur public, nous sommes confrontés à deux problèmes principaux. D'une part, les sorties sont moindres. Du fait du relèvement de l'âge de la retraite et du ralentissement des départs, après ceux des baby-boomers, dans certains grands organismes comme le CNRS, les départs à la retraite ont été divisés par deux. Cette tendance est appelée à durer quatre ans et, à budget constant, cela a pour conséquence de limiter mécaniquement les entrées. D'autre part, les impacts sur la recherche de la loi Sauvadet ont mal été évalués : à budget constant, les titularisations effectuées à partir de CDD affectent, elles aussi, le nombre des entrées.

En collaboration avec les organismes de recherche, nous entendons concentrer tous nos efforts sur les jeunes et non sur les fins de carrière, comme cela a été souvent le cas dans la gestion des ressources humaines. Cela nous permettra, pour la première fois, de compenser intégralement les départs à la retraite des chercheurs, mais également des ingénieurs, techniciens, personnels administratifs remplacés seulement à 60 % au cours de ces dix dernières années.

À cet égard, je déplore que certains directeurs de recherche prétendent vouloir se consacrer uniquement à la recherche, car j'estime que lorsque l'on accepte un poste à responsabilité, on s'engage aussi à accomplir des tâches qui ne font pas partie de son coeur de métier. Ces responsables doivent aussi de se préoccuper d'être davantage présents dans les projets européens. Certes, nous avons le meilleur taux de succès pour les appels à propositions, mais nous nous situons à cinq points en dessous de notre taux de contribution. Si cette tendance se poursuivait, cela aurait pour conséquence une perte de 700 millions par an au titre du programme européen Horizon 2020, soit plus que le budget annuel de l'ANR.

La recherche française aurait tout à gagner à répondre davantage aux projets européens, d'autant que nous avons réussi à faire passer le préciput à 25 % grâce aux négociations que nous avons menées avec la précédente commissaire européenne à la recherche, Máire Geoghegan-Quinn, à la suite des difficultés rencontrées par le CNRS. En outre, nous avons mis en place toute une ingénierie d'accompagnement des équipes de recherche afin de les aider dans la recherche de contrats européens. Mieux répondre est bénéfique, non seulement pour nos finances, mais aussi pour la renommée de notre recherche : une recherche qui ne passe pas par les partenariats européens ne se voit pas reconnue internationalement.

Nous avons, par ailleurs, fait passer le préciput de l'ANR de 11 % à 15 %, et obtenu que celui des investissements d'avenir passe de 4 % à 8 %. Le niveau est encore insuffisant, je le reconnais, mais ce doublement a été difficile à obtenir, car le Commissariat général à l'investissement (CGI) craint de se voir détourner de ses missions d'investissement au profit du financement du fonctionnement. Nous avons des discussions très constructives avec son actuel président, Louis Schweitzer, après en avoir eu avec son prédécesseur. Je ne désespère pas d'aller plus loin. Cette instance accueillera peut-être des personnes issues du milieu de la recherche et de l'enseignement supérieur qui pourront sensibiliser ses membres à ces enjeux.

S'agissant du glissement vieillesse-technicité, monsieur Claeys, je soulignerai qu'il s'agit de l'un des grands ratés de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU : les salaires ont été transférés sans prendre en compte leur dynamique, ce qui paraissait pourtant élémentaire. Si les organismes de recherche avaient depuis longtemps intégré le GVT dans leur budget, ce n'était pas le cas pour les universités, qui ont été, de ce fait, mises en difficulté. Cela explique qu'à mon arrivée, dix-huit d'entre elles étaient en déficit, et même dix en double déficit. Elles ne sont aujourd'hui plus que huit à être dans le premier cas, et cinq dans l'autre, grâce à un travail soigneux d'accompagnement et de formation. Désormais, le GVT est pris en compte à hauteur des deux tiers dans le socle budgétaire et non plus dans les frais de gestion, ce qui était source d'incertitudes.

Nous avons également pris en charge la compensation de l'exonération boursière, par quart sur quatre ans, afin de ne pas pénaliser les universités qui accueillent davantage de boursiers que d'autres. C'est le cas des universités que l'on appelait de manière méprisante « universités de proximité », qui ont permis à des jeunes, qui ne se seraient jamais déplacés vers une grande métropole pour suivre des études, d'engager un premier cycle d'études universitaires.

Pour ce qui est de l'ANR, son budget a été stabilisé à un juste niveau. Il faut rappeler que lors du quinquennat précédent, il y a eu un passage trop brutal du tout-crédits récurrents à une frénésie d'appels à projets, qui explique en partie la désaffection pour les projets européens, car les chercheurs étaient trop occupés à répondre aux appels nationaux. Jamais l'ANR ne réussissait à dépenser le budget annuel qui lui était alloué. À mon arrivée, j'ai donc procédé à un toilettage budgétaire pour mettre fin à l'empilement de projets non réalisés. Nous avons voulu redonner à l'Agence la capacité de réaliser ses projets : elle est dotée d'un budget supérieur à 580 millions par an. Par ailleurs, nous avons modifié sa gouvernance afin qu'elle se coordonne davantage avec le ministère et le CGI. Dans une période où les crédits doivent être optimisés, nous avons le devoir d'encourager une meilleure intégration : les organismes ne sont plus en concurrence les uns avec les autres, comme c'était le cas à mon arrivée ; ils travaillent de manière coordonnée, dans l'intérêt général. Tout cela permettra aussi de mieux flécher les priorités, dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche que nous sommes en train de finaliser, en concertation avec l'ensemble des alliances de recherche.

Je mentirais si je vous disais que j'étais satisfaite de la proposition – non officielle – sur les CPER, laquelle prévoyait 950 millions, soit 50 % du réalisé précédent, et s'étendait sur cinq ans, au lieu de sept. J'ai demandé à ce qu'elle soit réévaluée. Il est urgent d'adresser un signal à la recherche et à l'enseignement supérieur, à l'heure où l'on remodèle les régions. Nous avons mis toute notre conviction dans la balance et les présidents de région se sont fortement mobilisés.

Je soutiendrai l'amendement de M. André visant à réduire la participation des universités au FIPHFP. Celles-ci ont consenti des efforts importants, notamment dans le cadre du plan Campus, initiative intéressante que le tout-partenariat public-privé avait quelque peu gelée. Nous avons réduit ce dispositif juridique, qui ne concerne plus que 38 % des projets, les plus complexes. Nous avons aussi fluidifié les procédures. Dans les réhabilitations comme dans les constructions neuves, l'accessibilité aux étudiants et aux personnels en situation de handicap est désormais acquise.

Sur le statut du doctorant, j'ai engagé un travail de fond avec les grands corps. Il y a quinze jours, le Conseil d'État, que j'avais sollicité pendant plusieurs mois, a accepté de faciliter l'accès des docteurs à la haute administration publique. La mesure permettra d'offrir des postes aux docteurs – en petit nombre, il est vrai – et apportera une diversité culturelle au plus haut niveau de la fonction publique. Il n'était pas normal que chaque grand corps reste propriétaire d'un secteur donné, dans un monde où il faut être créatif et trouver des solutions nouvelles à ces nouveaux enjeux que sont la mutation climatique, l'accès aux ressources et la lutte contre les pandémies. L'introduction de docteurs en sciences dures comme en sciences humaines et sociales dans la haute administration favorisera la diversité des cultures et la créativité.

Par ailleurs, une discussion est en cours avec le MEDEF et la CGPME. J'ai mobilisé les grandes entreprises, comme Schneider Electric ou Capgemini, avec lesquelles j'ai signé plusieurs conventions prévoyant l'accueil de docteurs, soit en convention CIFRE, soit en formation universitaire. Dans ce domaine, la France connaît un important décalage avec le reste de l'Europe. Chez nous, le secteur privé, qui finance 63 % de la recherche, accueille 60 % des chercheurs mais seulement 25 % des docteurs, signe que la dualité entre les écoles d'ingénieurs ou les grandes écoles et l'université a une incidence directe sur l'embauche. Dès la première année, les doctorants doivent être conscients que la thèse ne conduit pas uniquement à la recherche publique. Les docteurs sont aptes à formaliser la réflexion. Ils sont autonomes. Ils savent se remettre en cause et apporter des idées nouvelles et créatives. Autant de qualités aussi nécessaires à l'administration nationale ou territoriale qu'à l'industrie. Je me réjouis que notre démarche inédite suscite une large adhésion. Je compte que vous la soutiendrez auprès des syndicats et des organisations.

Madame Doucet, nous avons engagé l'orientation prioritaire des titulaires d'un baccalauréat professionnel ou technologique vers les filières préparant au BTS ou au DUT. La situation étant trop hétérogène, d'un territoire à l'autre ou d'un domaine à l'autre, pour que nous fixions des quotas, nous avons chargé les recteurs de négocier avec les proviseurs, les présidents d'université ou les directeurs d'IUT. Les résultats ne se sont pas fait attendre. En deux ans, le nombre de titulaires d'un bac professionnel accueillis dans les sections de technicien supérieur (STS) a augmenté de 11 % et celui des lauréats d'un bac technologique accueillis dans les IUT, de 5 %.

Ces résultats ne sont cependant pas suffisants. Alors que le nombre de titulaires du bac général est stable, celui des titulaires du bac technologique diminue et celui des titulaires du bac professionnel augmente. Or ceux-ci ne sont pas tous aptes à suivre un enseignement conceptuel. Aider ces bacheliers à poursuivre leurs études après le bac est un nouvel enjeu, dans un monde où l'industrie cherche du personnel de plus en plus qualifié et recrute couramment des techniciens à bac plus trois.

Nous avons engagé un travail avec la conférence des présidents d'université. Le premier obstacle à lever était celui de l'orientation. Nous sommes fiers d'avoir été les premiers à agir dans ce domaine. Il faut aussi construire une filière professionnelle, du lycée au doctorat, qui donne une visibilité aux métiers de l'industrie ou du service à l'industrie, qui représentent la moitié des emplois industriels. À défaut, le pacte productif, qui vise à reconstruire l'industrie ou à créer de nouvelles filières dans les secteurs porteurs, restera purement incantatoire.

L'innovation pédagogique est un autre chantier. Le numérique peut aider des jeunes possédant un bac professionnel ou technique à réussir à l'université. Dans le système pédagogique français, basé sur l'apprentissage conceptuel, on ne tire pas de leçons de ses erreurs et l'on n'apprend pas par itération. Pour aider les titulaires du bac professionnel, souvent issus de milieu peu favorisés, à réussir, il faut adapter nos méthodes à leur profil, par exemple en proposant une licence en quatre ans ou une remise à niveau, comme le font certains pôles universitaires. La question, essentielle sur le plan social et économique, a été soumise aux communautés d'universités et d'établissements (COMUE).

L'université, qui dispense les meilleures formations – au sens où elles sont irriguées par la recherche –, ne reçoit que 3 % des 32 milliards consacrés à la formation professionnelle. C'est assurément une anomalie française. Les universités doivent développer une offre adaptée, plus courte, pas nécessairement diplômante et plus professionnalisante, et les régions doivent davantage se tourner vers elles. La formation tout au long de la vie concernera un nombre croissant de salariés, car les métiers auxquels nous formons les étudiants auront changé dans dix ans, sous l'effet des mutations technologiques ou sociologiques.

J'ai simplifié l'offre des masters, réduisant le nombre d'intitulés de 5 800 à moins de 400, ce qui rend l'offre universitaire plus lisible et facilite le recrutement des jeunes diplômés ou des docteurs par les entreprises. Le nombre de licences générales est tombé de 1 800 à 150 et nous diminuons en ce moment le nombre de licences professionnelles, ce qui contribue à l'efficacité et à la lisibilité de notre système de formation.

Je l'ai dit, il est essentiel de participer aux projets européens, moins pour des raisons financières – encore qu'une dotation annuelle de 700 millions ne soit pas à négliger – que pour nouer des partenariats avec les autres États, ce qui permet de poursuivre des politiques spatiales plus intégrées et de rendre les politiques européennes plus fluides.

Le secrétariat d'État de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas réduit ses subventions aux recherches sur le développement durable. Les diminutions que vous évoquez ont été décidées par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Celui-ci a baissé le montant de ses subventions à l'ADEME parce qu'elle dispose d'autres ressources, qui lui permettent de conserver un budget constant.

La subvention au CEA n'a pas augmenté, mais il a fallu financer les investissements non budgétés, qui découlent des mesures post-Fukushima préconisées par l'Autorité de sûreté nucléaire. Un changement d'assiette est intervenu par ailleurs. Ces facteurs étant pris en compte, le budget du CEA est stabilisé. Il est conforme sinon au COM, du moins au plan de développement à moyen et long terme (PMLT), sur lequel nous avons travaillé pendant dix-huit mois avec les responsables de l'instance. Le prochain administrateur général, dont le mandat commencera en janvier, négociera avec chacune de ses administrations de tutelle la part du COM qui en dépend. Il est vrai que le COM précédent n'était pas cohérent avec le PMLT, et que cela pose un problème de visibilité.

La recherche, qui bénéficie de moyens constants, doit s'organiser plus efficacement, ce à quoi visent les regroupements que nous avons mis en place. Certaines unités mixtes de recherche dépendent de trois tutelles différentes en matière de ressources humaines et de logistique. D'autres ont quatre systèmes informatiques différents. Est-ce le meilleur moyen d'optimiser leur gestion ? Il faut gagner en cohérence et, sans brutalité, homogénéiser les moyens généraux.

Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) relève de l'autorité de Mme Royal. J'observe que la volonté de rénovation thermique est très forte. Des industriels français développent des logiciels intelligents permettant, pour un coût réduit, d'éteindre l'électricité à distance ou de ne mettre le chauffage en route que lorsqu'on en a besoin, ce qui permet des économies spectaculaires. Des expérimentations ont été menées ; il est temps d'aller plus loin.

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