Je remercie tous les députés pour leur contribution au débat. Je crains ne pouvoir, faute de temps, répondre précisément à toutes les questions, mais je vais m'y efforcer, en regroupant au besoin celles qui portent sur le même sujet.
Ericka Bareigts a évoqué la question du logement, préoccupation essentielle dans les outre-mer. Le plan de relance pour le logement que j'ai annoncé réaffirme le différentiel de onze points entre les taux de défiscalisation en métropole et outre-mer. En ce qui concerne le logement intermédiaire, nous soutenons auprès de la ministre du logement l'idée qu'il faut augmenter le plafond de la défiscalisation et le porter à 18 000 euros, l'alternative étant de prolonger la durée de la défiscalisation. À ce jour, nous n'avons pas encore abouti, mais j'espère bien que nous allons progresser.
Je partage l'idée que le crédit d'impôt pour la transition énergétique doit s'adapter aux réalités spécifiques de l'outre-mer. Si les équipements de protection contre le rayonnement solaire sont désormais éligibles à ce crédit d'impôt, il doit aussi être étendu à d'autres dispositifs – on a parlé des brasseurs d'air et aux toitures végétalisées. Un réel intérêt pour la transition énergétique émerge aujourd'hui dans les territoires ultramarins, et nous avons à coeur, avec la ministre de l'écologie, d'encourager les initiatives locales, qui ne doivent pas être le simple décalque de ce qui se fait en métropole.
Il est prévu d'affecter 600 000 euros aux observatoires des prix et des revenus, qui ont besoin de davantage de moyens humains. Nous travaillons à améliorer la situation avec les préfectures et les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE).
Daniel Gibbes et Patrice Verchère ont évoqué l'aide à la rénovation hôtelière. Il faut certes soutenir la rénovation des établissements de Saint-Martin et de l'ensemble des outre-mer, mais les hôteliers s'appuient davantage sur la défiscalisation que sur cette aide. Par ailleurs, certaines mesures sont plus difficiles à transposer dans les territoires dotés d'autonomie que dans les départements. C'est la rançon de la responsabilisation, qui emporte aussi quelques contraintes.
Maina Sage a raison d'insister sur le fait que l'image paradisiaque de la Polynésie cache d'importantes difficultés sociales. L'État, en 2013, a accordé à la Polynésie une aide de 42 millions d'euros pour soutenir son redressement. Par ailleurs, la collectivité bénéficie pour sa dotation globale d'autonomie d'un régime plus favorable que le droit commun, ce qui lui permet de bénéficier d'une dotation de 84 millions d'euros au lieu de 79. Nous sommes très attentifs aux difficultés de ce territoire, mais également au respect de nos engagements réciproques. Enfin, nous travaillons avec le président Fritch à régler les questions concernant le système de santé.
Je conçois qu'il soit difficile pour les jeunes Polynésiens de partir étudier à trois heures d'avion de chez eux. C'est sans doute l'une des raisons qui explique le fort taux de décrochage scolaire que l'on constate en Polynésie. Compte tenu des distances et du prix des billets d'avion, la solution passe par le développement des internats ou des familles d'accueil. La situation justifie, quoi qu'il en soit, que les lycéens et les étudiants puissent bénéficier d'une dotation supplémentaire.
François-Michel Lambert a relié la problématique de l'écotourisme à celles de la transition énergétique et de l'économie circulaire. Les régions à fort potentiel touristique doivent retraiter convenablement leurs déchets et développer des initiatives originales qui préservent l'environnement et permettent de valoriser les productions locales. Les ultramarins doivent renoncer à importer tout ce qu'ils consomment comme c'était le cas autrefois : c'est une manière tout à la fois de réduire leur empreinte carbone et d'assurer la survie des producteurs locaux. D'où l'importance de diversifier les productions et de proposer aux touristes ces produits locaux plutôt que des denrées importées. Des efforts sont encore à faire en la matière.
Nous avons mis en place, avec la Caisse des dépôts et consignations et la secrétaire d'État à l'économie sociale et solidaire, un plan quadriennal destiné à développer l'économie sociale et solidaire en outre-mer. Ce sont 2,5 millions d'euros qui, dès cette année, seront consacrés à soutenir les crédits et les prêts aux entreprises, tandis que l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), dont je salue ici le travail outre-mer, renforcera son rôle d'accompagnement des petits créateurs d'entreprise.
Gabriel Serville a évoqué les difficultés que connaît la Guyane, qu'il s'agisse des difficultés de scolarisation, du chômage ou du coût de la vie. Malgré ses atouts – un vaste territoire et d'importantes richesses naturelles – la Guyane est en effet confrontée à une démographie dont le dynamisme implique des investissements considérables dans les équipements et les infrastructures, notamment à destination des plus modestes. Je rappelle que je me suis battue, dans mes fonctions antérieures, pour que les élèves des écoles bénéficient d'une collation, la restauration scolaire en Guyane laissant encore beaucoup à désirer.
Quant à la filière d'immigration clandestine en provenance de Guinée, je rassure M. Serville sur le fait qu'il s'agit d'une filière qui remonte de Guinée-Bissau, et non de la Guinée-Conakry, ce qui limite les risques d'infestation par le virus Ebola.
En matière de logement enfin, les crédits ont augmenté de manière significative. Nous faisons en sorte qu'ils soient utilisés au mieux, dans l'intérêt des Guyanais. J'admets néanmoins qu'ils restent insuffisants compte tenu de la croissance démographique et du fait que 80 % de la population guyanaise est éligible au logement social.
Philippe Gomes m'a interrogée sur les lycées calédoniens ; l'État tiendra ses engagements. La construction du lycée polyvalent du Mont-Dore a toutefois été retardée par une succession de problèmes qui ont considérablement allongé les délais : le terrain retenu est plus ou moins de la mangrove, et de surcroît comblé par des matériaux contenant de l'amiante. Bref, c'est une histoire à rebondissements… Mais la volonté de l'État de construire ce lycée est sans faille, quand bien même il y aura forcément des retards de livraison. Pour ce qui est du lycée de Pouembout, les crédits ont bien été dégagés mais, là encore, le projet d'extension a été retardé par des difficultés rencontrées dans la phase préliminaire des travaux.
La construction du centre pénitentiaire de Koné est actée, la collectivité locale a cédé l'emprise et les crédits sont inscrits. Il est important en effet que cet établissement voie le jour en province Nord pour rapprocher les détenus de leurs familles. J'insiste néanmoins sur le fait que la construction de ce centre ne doit pas nous dispenser d'une réflexion sur la manière d'améliorer la protection de la jeunesse, mais également sur l'aménagement des peines et le développement de peines alternatives.
En ce qui concerne la continuité territoriale, le nombre de bénéficiaires de l'aide a baissé car nous avons souhaité recentrer le dispositif sur les personnes les plus modestes, même si le reste à charge reste important. Reste qu'en 2012, trois mille cinq cents bons ont été émis.
Stéphane Claireaux a évoqué les inconvénients de l'autonomie, qui empêche certaines dispositions de s'appliquer de plano, compte tenu des compétences propres dévolues à la collectivité. Nous devons réfléchir à des solutions permettant de surmonter ces difficultés, notamment en ce qui concerne l'engagement de la BPI à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Président de la République a prévu de se rendre dans l'archipel le 23 décembre prochain : ce sera sans doute l'occasion d'évoquer ces questions avec lui.
Pour ce qui concerne en revanche les mesures de défiscalisation en faveur du logement, leur application à Saint-Pierre-et-Miquelon ne pose guère de problème.
La mise en place d'un CICE à 9 % pour l'outre-mer répond aux demandes relayées par Jean-Claude Fruteau. Néanmoins, s'appuyant sur le rapport de la délégation aux outre-mer qu'il a rédigé avec Daniel Gibbes, le Président de la République s'est prononcé, lors de son voyage à La Réunion, en faveur d'un effort supplémentaire, qui porterait le CICE à 12 %. Il nous appartient désormais de traduire cette annonce dans les faits, ce qui implique de vaincre les réticences des services du ministère du budget qui avaient accueilli cette proposition avec une certaine froideur. De même, il importe que se concrétisent les orientations annoncées par le Président de la République en matière de crédits agricoles et de quotas sucriers.
Je confirme à Gabrielle Louis-Carabin que le protocole que nous avons signé avec la Caisse des dépôts et consignations et le secrétariat d'État en charge de l'économie sociale et solidaire devrait nous permettre de soutenir les très petites entreprises en outre-mer. J'ai eu l'occasion au cours de mes déplacements de voir à quel point ces petites structures avaient un effet particulièrement roboratif : on voit que nombre de gens outre-mer ne se contentent pas de se plaindre et d'attendre, mais sont déterminés à prendre le taureau par les cornes. C'est très encourageant.
J'ai entendu la requête de Patrice Martin-Lalande sur un renforcement du CICE dans le secteur du tourisme. Nous y travaillons, car je pense comme lui qu'il s'agit d'un secteur névralgique pour l'outre-mer mais qui doit faire face à une redoutable concurrence régionale – je m'en suis rendue compte en passant à Saint-Domingue. En marge des dispositifs fiscaux, il est donc essentiel de mettre en oeuvre des mesures permettant de renforcer la professionnalisation du secteur, en mettant par exemple à profit les périodes de basse saison pour engager des actions de formation des personnels, notamment dans le domaine des langues étrangères.
Nestor Azerot m'a interrogée sur les contrats aidés. Nous avons constaté que, malgré un fort taux de chômage des jeunes, ces contrats n'étaient pas tous utilisés dans les outre-mer. À titre expérimental, nous avons donc décidé de porter, pour l'île de La Réunion, le taux de prise en charge de l'État à 90 %, y compris pour les contrats en cours. Reste – et c'est regrettable – que les élus persistent à consacrer davantage d'énergie à défendre le maintien des dispositifs d'aide à la continuité territoriale qu'à faire usage de ces contrats aidés. Nous travaillons néanmoins à mieux adapter les emplois d'avenir au secteur marchand, tout en veillant à ne pas peser, par la création d'effets d'aubaine, sur l'emploi normal. Avec le concours des fonds européens, nous faisons par ailleurs, depuis plusieurs années, des efforts pour accroître les moyens en matière de formation des jeunes. Il faut désormais faire porter nos efforts sur l'accès des jeunes qualifiés à l'emploi, notamment en renforçant les missions d'encadrement et d'accompagnement de LADOM, en liaison avec les préfets et les directions du travail.
Ibrahim Aboubacar a souligné que Mayotte entre aujourd'hui dans une nouvelle phase de son évolution institutionnelle et qu'elle s'apprête à négocier le futur contrat de projets État-région avec des moyens incomparablement supérieurs à ceux qu'elle a connus jusqu'alors, puisque les fonds européens qui lui seront alloués devraient s'élever à 200 millions d'euros. J'insiste sur le fait que, pour garantir une gestion efficace de ces sommes, il est essentiel que les élus soient correctement accompagnés pour éviter qu'ils ne se retrouvent écrasés par une telle responsabilité.
J'ai été interpellée sur le délai de transmission des documents de politique transversale. Préparés par Bercy, ceux-ci sont traditionnellement communiqués fin octobre, et ont davantage une valeur rétrospective que prospective.
Jean-Jacques Vlody est revenu sur la sous-utilisation des contrats aidés à La Réunion. Je redis que des efforts doivent être faits, en lien avec les branches professionnelles, pour les développer dans le secteur marchand et les groupements agricoles. La jeunesse est une richesse, mais nos jeunes doivent être accompagnés pour trouver leur place dans la société. Il faut s'y atteler avec résolution et je regrette que tous les élus de La Réunion ne fassent pas preuve de la même détermination.
En matière de continuité territoriale, il fallait revenir aux fondamentaux et rendre au dispositif sa vocation première, qui n'est pas de subventionner les agences de voyage mais de constituer une aide sociale au transport. Les voyages en métropole ont certes du bon, mais les ultramarins doivent comprendre qu'ils ne sont pas obligés de s'y rendre chaque année – au demeurant, les gens modestes ne le peuvent pas, car ils n'ont pas les moyens de payer le reste du billet. Ce recadrage devrait en outre soulager les services de LADOM et lui permettre de se recentrer sur ses missions de formation. J'ajoute par ailleurs que le dispositif n'a aucun effet bénéfique sur le tourisme à La Réunion, dans la mesure où il fonctionne à sens unique : la continuité territoriale devrait pourtant fonctionner dans les deux sens et permettre aux Réunionnais modestes qui vivent en métropole de rentrer chez eux. C'est une piste à creuser lors de la remise à plat du dispositif. Quant aux vertus du dispositif corse, dont on parle beaucoup à La Réunion, elles méritent d'être relativisées : il ne se porte pas très bien, puisque la SNCM est en cours de liquidation… Je ne souhaite pas que la même chose arrive pour la continuité territoriale à La Réunion !
Huguette Bello nous a fait part de ses critiques concernant l'obligation d'inclure au minimum 5 % de subventions LBU dans les opérations immobilières éligibles à la défiscalisation. Certes le dispositif n'est pas entièrement satisfaisant, mais cette obligation est le fruit du compromis qui a permis de préserver les bénéfices de la défiscalisation pour l'outre-mer. Je crois préférable de ne pas y toucher pour l'instant afin de ne pas donner de mauvaises idées à Bercy… Il serait souhaitable en revanche de se pencher sur la question des opérations financées par exemple par le prêt social location-accession, qui, au motif qu'elles ne sont pas subventionnables, ne sont pas éligibles à la défiscalisation. Quoi qu'il en soit, dans le cadre du plan logement outre-mer, nous avons engagé des concertations pour revoir l'ensemble des dispositifs concernant l'habitat. Une première rencontre a eu lieu le 14 octobre dernier ; une deuxième réunion devrait avoir lieu le 7 novembre au ministère : je vous invite à vous associer à notre démarche.
Je partage avec Monique Orphé l'idée qu'il faut améliorer le fonctionnement des contrats aidés à La Réunion pour favoriser l'insertion des jeunes sur le marché du travail grâce à un meilleur accompagnement. Nous sommes plutôt satisfaits du taux d'insertion des jeunes passés par le SMA, et mes services vous communiqueront au plus vite les chiffres concernant les stagiaires ayant obtenu un contrat de travail ou une attestation d'entrée à un stage qualifiant.
Pour améliorer le suivi des jeunes en formation, nous disposons sur le terrain de l'aide des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP). Ils doivent nous permettre de mieux adapter les formations aux besoins du marché, et notamment à la commande publique. Dans ce domaine, chaque projet devrait, en amont de son démarrage, faire l'objet d'une analyse approfondie des compétences qu'il requiert. Cela doit notamment être le cas pour la construction du futur pas de tir de Kourou, en Guyane, et il convient d'anticiper dès à présent les modules de formation à mettre en place pour permettre à la main-d'oeuvre locale de bénéficier d'investissements considérables.
La question des registres du commerce évoquée par Alain Fauré ne dépend pas directement de ma compétence. Je ne lui promettrai pas par ailleurs la mobilisation de fonctionnaires supplémentaires, car nous n'en avons pas les moyens, Consciente néanmoins des difficultés propres à l'outre-mer en ce domaine et de l'entrave que constitue pour les entreprises le fait de ne pouvoir obtenir de Kbis dans des délais raisonnables, je lui suggère de se tourner vers Emmanuel Macron, dont le futur projet de loi sur la croissance aborde ces questions.
La fin des quotas sucriers est pour nous un sujet de préoccupation. Après les annonces du Président de la République, il est essentiel que nous nous assurions auprès du ministre de l'agriculture que les crédits destinés en particulier à la filière canne-sucre soient préservés. Serge Letchimy a eu raison de rappeler l'importance de la diversification qui doit permettre de faire émerger de nouvelles filières économiquement et écologiquement nécessaires.
Jean-Philippe Nilor est revenu sur la question du logement social et souligné avec raison les enjeux liés à l'amiante et les surcoûts qui en découlaient. Une réflexion est en cours sur l'implantation de filières de traitement de l'amiante dans les territoires ultramarins. Pour l'heure, nous ne disposons pas des compétences nécessaires au niveau local, mais nous entendons bien y travailler.
Quant à l'emploi des jeunes, il demeure pour moi une priorité. Il n'y a rien de mal à chercher à trouver sa place dans notre pays ; encore faut-il avoir un minimum de choix. De jeunes Martiniquais réussissent brillamment en Chine, au Québec, en métropole ou ailleurs : je m'en félicite, tout en regrettant que certains se croient obligés de quitter leur île pour trouver un emploi.
Un mot enfin sur les crédits du sport. La différence constatée en défaveur de la Martinique est, d'après ce que j'ai cru comprendre, pour une large part imputable à l'existence du CREPS Antilles-Guyane.
Je crois avoir répondu à toutes les questions. Au demeurant, nous aurons l'occasion de nous revoir lors de l'examen de mon budget en séance publique ; je me réjouis en tout cas de votre soutien et de vos apports.