Notre commission se réjouit que M. le ministre ait désormais sous sa coupe le tourisme et le commerce extérieur, car cela rendra possible une action beaucoup plus puissante que par le passé. Nous ne traiterons que du tourisme, car le commerce extérieur figure toujours, budgétairement, dans la mission « Économie » ; le regroupement est encore partiel à ce stade.
M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, depuis votre arrivée à la tête du ministère des affaires étrangères, vous avez enchaîné les réformes : opportune substitution d'un système de bourses réformé à la trop coûteuse prise en charge des frais de scolarité, réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger, dont les nouveaux membres viennent d'être élus, transfert à votre ministère des moyens du tourisme et du commerce extérieur : cette dernière réforme permettra à une même autorité de disposer de l'ensemble des réseaux d'influence internationaux.
À côté de ces réformes, vous avez engagé un travail de fond consistant à rééquilibrer les moyens d'un certain nombre d'ambassades, surdotées pour des raisons historiques, vers des postes situés dans des pays émergents. Cette démarche nécessaire est encore loin d'être achevée et doit être poursuivie.
Vous avez, enfin, réussi à engager ce rééquilibrage tout en conservant la quasi-universalité du réseau diplomatique de la France et en menant les travaux de sécurisation nécessaires des postes les plus exposés.
Toutes ces réformes et actions ont été menées avec des moyens financiers et humains en diminution, toutefois modérée – moins 0,6 %. La hausse apparente de 10 millions d'euros est due au transfert des nouvelles actions du commerce extérieur et du tourisme. Les effectifs de la mission diminueront de 220 postes de fonctionnaires, auxquels s'ajoutent les vingt-cinq agents affectés à la délivrance des visas. Le budget de l'action extérieure de l'État participe donc bien à l'effort de maîtrise de la dépense publique.
La réduction des moyens financiers devrait être facilitée par la diminution des contributions internationales, et notamment de la participation française au budget de l'ONU. Toutefois, avec un coût de 794 millions d'euros, ce poste continuera d'absorber en 2015 environ 30 % des ressources du ministère.
Avec 163 ambassades, la France continue de disposer du troisième réseau diplomatique au monde, derrière les États-Unis et la Chine, respectivement forts de 168 et 164 ambassades. Toutefois, l'universalité du réseau ne signifie pas une quelconque uniformité. Dans le but d'adapter notre réseau à l'évolution de la situation géostratégique, mais aussi de dégager des économies, la représentation de la France dans quelques pays sera recentrée autour d'un nombre limité de missions prioritaires. Ainsi, treize ambassades commencent cette année à voir leur format allégé, leurs effectifs étant limités à un ambassadeur, un agent de catégorie C et un ou deux agents de droit local, avec un dispositif immobilier adapté en conséquence. Les postes de présence diplomatique, qui devraient concerner vingt-six pays au total d'ici à la fin 2015, permettront de dégager des emplois.
Ma première question concerne la soutenabilité du budget 2015, bâti sur l'hypothèse d'un euro valant 1,36 dollar. L'euro vaut en ce moment dix centimes de moins. Selon vos services, un tel écart se traduit par un surcoût de 43 millions d'euros, pour le paiement des contributions internationales, des salaires des agents de droit local, de certaines bourses et certains frais de fonctionnement. Comment envisagez-vous de faire face à ce surcoût, si la valeur de l'euro reste durablement inférieure aux prévisions ?
Ma deuxième question concerne les visas. Vos services doivent faire face à une demande en énorme croissance : 7 à 8 % de plus par an depuis les années 2008-2009. Quelle est votre politique en la matière ? Comment faire face à un tel afflux ? Vous avez annoncé l'an dernier la délivrance de visas en moins de quarante-huit heures pour la Chine : y parvenez-vous tout en maintenant un niveau élevé de vigilance ? Envisagez-vous d'étendre cette mesure à d'autres pays, tels que la Russie ?
Enfin, pouvez-vous nous présenter votre politique en matière de francophonie et nous apporter des précisions sur les moyens affectés à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), au moment où se prépare le sommet de la francophonie de Dakar et où le président Abdou Diouf arrive au terme de son mandat ?
M. Éric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur les crédits du tourisme. Le tourisme est un élément de développement majeur et, avec presque 85 millions de touristes en 2013, la France est la première destination touristique mondiale. Les perspectives de croissance sont très importantes : le nombre de touristes dans le monde devrait passer d'un milliard à 1,8 milliard en 2030. Vous avez, monsieur le ministre, fixé des objectifs ambitieux que nous ne pouvons que partager : 100 millions de touristes accueillis sur notre territoire en 2020, c'est ce que vous avez indiqué dans votre discours de clôture de la conférence des ambassadeurs, à la fin du mois d'août. J'espère que les résultats seront aussi spectaculaires que les objectifs.
Ma première question porte sur les moyens que votre ministère va déployer pour atteindre ces résultats et les missions précises que vous allez confier aux ambassadeurs en matière de tourisme. Autant l'enjeu du tourisme est important au plan économique, autant il reste modeste au plan budgétaire : ce sont 30,4 millions de subventions qui financent Atout France, dont 3,6 millions consacrés à la promotion du tourisme. Comment comptez-vous utiliser cette agence, disposant d'un budget assez faible, pour concurrencer dans de bonnes conditions des pays qui consacrent beaucoup plus de moyens au développement du tourisme ?
Comment conforter les missions de promotion à l'étranger d'Atout France tout en préservant son activité essentielle en direction des professionnels du tourisme ? Atout France ne fait pas que de la promotion à l'extérieur ; elle gère les normes touristiques, les catégories d'hôtels, ainsi que les statistiques, qui relèvent toujours de la mission « Économie ». Elle consacre 4,9 millions d'euros aux enquêtes et études statistiques, ainsi qu'aux actions de promotion à l'intérieur du pays. Considérez-vous que les moyens statistiques sont à la hauteur des enjeux ?
Vous avez pris à bras-le-corps le sujet de la taxe de séjour, en conduisant d'amples concertations, ce qui est une méthode satisfaisante. Nous avons travaillé sur la fiscalité des hébergements touristiques dans le cadre d'une mission d'évaluation et de contrôle. En dehors de la grille tarifaire, je souhaiterais savoir quelles autres propositions vous formulerez – notamment sur le recouvrement de cette taxe – et à quel moment. J'imagine que ce sera par un amendement du Gouvernement. Je m'interroge sur l'application systématique aux hébergements non classés d'un tarif unique situé en bas de grille. Certains hébergements non classés sont de grande qualité : peut-être ne faudrait-il pas se contenter d'une classification standard, mais établir la taxe en fonction du prix de la nuitée.
Enfin, beaucoup de transactions sont aujourd'hui réalisées sur des plateformes internet, très diverses. Pour éviter des distorsions de concurrence entre les hôtels officiels et les habitations mises en location par le biais de ces plateformes, il faut évidemment collecter la taxe aussi sur ces modes d'hébergement. Vos contacts avec le ministère du budget vous permettent-ils de croire que vous pourrez répondre à cette attente ?
M. Philippe Baumel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » et sur le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ». Le projet de loi de finances pour 2015 présente une légère augmentation des moyens de la mission « Action extérieure de l'État », ce qui rend compte de deux faits politiques très importants : d'une part, l'extension des compétences du ministère des affaires étrangères au tourisme et au commerce extérieur et, d'autre part, l'organisation de la conférence Paris Climat 2015. Cependant, le quai d'Orsay prendra sa part de l'effort nécessaire de maîtrise des finances publiques : à périmètre constant, ses moyens baissent de 2 % par rapport à la loi de finances pour 2014.
Les économies porteront notamment sur les frais de représentation, ce qui est bien, et sur la coopération de sécurité et de défense, ce que je regrette, même si le nombre de stagiaires étrangers pourrait être maintenu. La réduction de la dotation au financement des opérations de maintien de la paix de l'ONU, justifiée par le report anticipé de certains paiements, pourrait aussi être discutée, mais je concède que l'anticipation de cette dépense est de toute façon très difficile compte tenu du fonctionnement de l'ONU et des fluctuations du taux de change.
Le financement des priorités est assuré. Les moyens de fonctionnement de nos ambassades seront préservés, notamment ceux liés à leur sécurisation, ce qui est nécessaire dans un monde où le terrorisme se développe. L'universalité de notre réseau diplomatique, le troisième au monde, sera également préservée, au prix d'un allégement très fort de notre présence dans plus d'une vingtaine de pays. La fermeture d'ambassades sera évitée.
Je comprends que les redéploiements de personnels sont toujours difficiles, mais je m'interroge sur le rythme d'adaptation du réseau. En trois ans, 300 emplois seulement ont été redéployés, soit moins de 3 % des effectifs du ministère à l'étranger. Et quand on regarde l'affectation des effectifs en Afrique subsaharienne, on est surpris par la permanence du poids de l'histoire. Nous conservons plus d'agents à Madagascar ou au Cameroun qu'au Mali, en Côte-d'Ivoire ou en Centrafrique, où les enjeux politico-militaires sont pourtant majeurs, et bien plus aussi que dans les pays anglophones comme le Nigeria ou l'Afrique du Sud. La rapidité avec laquelle notre monde change n'implique-t-elle pas que notre réseau se redimensionne plus activement ?
Les cessions immobilières ont représenté 60 millions d'euros en 2013, 150 millions en 2014, et ce sont 230 millions d'euros qui sont programmés en 2015. Certaines de ces cessions suscitent parfois des polémiques, comme l'an dernier pour l'Institut français de Berlin ou cette année encore pour son homologue à Vienne, avec la vente du palais Clam Gallas. Est-il possible d'établir une méthodologie claire sur ce qui peut être vendu et ce qui ne doit pas l'être, de façon que les décisions soient mieux acceptées ? Ne pourrait-on classifier notre patrimoine à l'étranger, en reconnaissant son importance, liée à l'histoire de notre pays ?
S'agissant de l'action en direction des Français de l'étranger, je me félicite que les engagements pris sur le montant des crédits alloués aux bourses scolaires soient respectés.
De même, vous avez su réformer notre politique des visas pour en faire un des outils essentiels de l'attractivité de la France, et les résultats sont là : plus 71 % de visas de circulation en trois ans, et plus 50 % de visas touristiques en un an en Chine, au premier semestre 2014, grâce au pari réussi de la délivrance en quarante-huit heures. Vous avez annoncé en juin l'extension prochaine de cette dernière procédure à d'autres pays : quand sera-t-elle effective ?
Il faut également saluer les progrès en matière d'accueil d'étudiants étrangers : leur nombre a augmenté de 2 % à la rentrée 2015 et nous avons retrouvé notre troisième rang de pays d'accueil. La future loi relative aux droits des étrangers en France apportera également des améliorations. Toutefois, les refus de visas pour études restent malheureusement très fréquents. Dans certains pays, les taux de refus approchent les 60 %, alors même que la procédure instaurée par Campus France devrait, en principe, mieux filtrer les dossiers. De nombreux jeunes ayant obtenu une préinscription dans une université française se voient finalement refuser leur visa ; même si cela peut être justifié, ils ont évidemment beaucoup de mal à l'accepter. On entend parfois des récits absurdes, de jeunes talentueux ayant décroché des bourses confortables et à qui l'on refuse un visa pour manque de ressources. Les résultats sont très hétérogènes selon les pays. Cela me conduit à m'interroger sur la cohérence des pratiques entre postes : ne serait-il pas justifié de procéder à une analyse détaillée de ces pratiques, de façon que nous puissions les réformer ou, à tout le moins, les recadrer ?
M. François Loncle, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Diplomatie culturelle et d'influence ». Les actions regroupées dans le programme 185 subissent depuis vingt ans, de manière quasi ininterrompue, une diminution de leurs pourtant modestes moyens. Le ministère et ses personnels ont, en conséquence, sous l'effet de cette contrainte, connu la réforme permanente, et il faut louer leur faculté d'adaptation.
Les crédits du programme ne soutiennent pas uniquement la politique culturelle extérieure, au sens strict, mais des actions de nature variée confortant et promouvant l'influence française dans le monde. Ce programme est le catalyseur de l'orientation d'une diplomatie globale intégrant diplomatie économique et diplomatie culturelle. Le programme le reflète plus encore cette année avec l'intégration des crédits du GIE Atout France. Je suis soulagé de constater qu'un effort particulier a été consenti pour préserver au maximum en 2015 les crédits du programme, même si c'est à un étiage excessivement bas.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger sur plusieurs volets appelés à se réformer sous la contrainte. En ce qui concerne le réseau d'enseignement du français, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a besoin d'instructions claires. Une réunion interministérielle sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger est prévue le 20 novembre : que peut-on en attendre en termes d'orientation et de cartographie ? Le réseau est précieux mais ne doit pas se substituer à un système d'enseignement national. Le soutien à l'enseignement en français dans le système éducatif marocain, avec le déploiement de filières francophones, est très intéressant pour les deux pays, tout en représentant un coût limité. Avec quels autres pays pourrions-nous rénover ainsi notre coopération éducative ? Pourrions-nous connaître, à cet égard, les missions qui seront confiées à la fondation pour l'Afrique ? Des coopérations tripartites entre la France, le Maroc et d'autres pays d'Afrique pourraient-elles être développées dans l'enseignement supérieur ?
En ce qui concerne l'Institut français, M. Darcos et son équipe ont réussi le pari de la création de cet établissement, qui apporte incontestablement une plus-value. Un nouveau contrat d'objectifs et de moyens sera élaboré début 2015. Les grandes lignes en sont assez consensuelles. Un sujet épineux reste à traiter : celui des priorités géographiques. Alors que soixante-douze pays sont prioritaires aujourd'hui, l'Institut français a des moyens limités. Assumera-t-on de réduire le nombre de pays prioritaires ? Je comprends la priorité accordée aux pays émergents et aux élites, mais j'insiste sur la place que doivent conserver l'Afrique et le Maghreb.
S'agissant des vingt-sept instituts français de recherche à l'étranger (IFRE), je m'interroge sur les choix de restructuration de notre réseau, après des années de baisse des dotations. Le coût d'une fermeture, c'est d'abord la perte pour la France de la capacité de produire une expertise sur un pays, car rien ne remplace la connaissance de terrain. Or nous manquons déjà de chercheurs formés sur le terrain dans certains pays clés.
Enfin, les baisses de crédits ont été en grande partie absorbées grâce à l'autonomie financière des établissements à autonomie financière (EAF) et à leur fusion avec les services de coopération et d'action culturelle (SCAC). Cette réforme majeure s'est achevée en 2013, et personne ne peut souhaiter la remise en cause de cet acquis. Je suis donc très inquiet de la possibilité de recourir à une procédure d'attributions de produits et de fonds de concours pour mettre les EAF en conformité avec la LOLF. C'est la procédure en vigueur pour les fonds issus du mécénat, unanimement décriée pour sa lourdeur : il faut plusieurs mois pour disposer des sommes. L'étendre aux recettes de cours reviendrait à tuer la réactivité du réseau et son dynamisme, compte tenu du faible montant des dotations budgétaires. La décision doit être prise avant la fin de l'année : un maintien du statut actuel, dans l'attente d'une modification de la LOLF, l'emportera-t-il ? Si je n'avais eu le droit qu'à une seule question, c'est celle-là que j'aurais posée.
M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles sur le programme « Diplomatie culturelle et d'influence ». Vous avez, monsieur le ministre, établi des priorités sur le programme 185. Vous ne touchez quasiment pas au réseau de coopération et d'action culturelle, vous ne touchez pas du tout aux outils dits d'attractivité, bourses et crédits liés aux échanges scientifiques, et vous faites donc porter l'effort sur les agences, l'AEFE, Campus France, l'Institut français. Pourquoi ce choix ?
Quel régime comptable entendez-vous donner à l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI), qui sera créée le 1er janvier prochain ? L'AFETI fusionnera différentes agences, dont France Expertise Internationale (FEI), qui est aujourd'hui autofinancée à 100 % et a réussi à multiplier par trois son chiffre d'affaires, notamment en concourant sur des fonds multilatéraux. Allez-vous « lolfiser » la nouvelle agence ou continuera-t-elle de fonctionner comme son prédécesseur ?
En matière de mécénat, l'application de la LOLF complique parfois énormément la vie de nos opérateurs à l'étranger. Quand un mécène brésilien verse plusieurs centaines de milliers d'euros pour des programmes culturels sur place, l'argent est obligé de monter à Paris avant de retourner au Brésil. Il y aurait là un petit « choc de simplification » à administrer.
Enfin, vos services nous ont indiqué qu'il était indispensable de stabiliser les réformes. Cela fait cinq ou six ans que le milieu de la diplomatie culturelle et d'influence est sous le coup des réformes ; il serait pertinent de stopper les initiatives de regroupement des acteurs sous une seule agence centrale. Mais posons-nous la question à dix ans. La diplomatie globale, sont-ce des ambassadeurs sur place ayant la main sur tous les éléments ou bien des agences qui définissent des politiques globales depuis le ministère ?