Intervention de François Rochebloine

Réunion du 6 novembre 2014 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Cette année, la commission des affaires étrangères et son rapporteur Pierre-Yves Le Borgn' se sont plus particulièrement intéressés à la préparation de la conférence Paris Climat 2015. Il nous reste quatre cents jours pour parvenir à un accord universel, engageant tous les États sur la voie de la décarbonation progressive de l'économie mondiale, si l'on veut limiter à deux degrés l'augmentation de la température terrestre par rapport à la période préindustrielle, comme nous le recommandent les scientifiques. C'est dans cette perspective que nous nous plaçons pour apprécier cette année la politique de l'Union européenne en matière d'énergie et de climat, marquée par l'adoption très récente par le Conseil de l'Union européenne du cadre pour 2030.

M. Marc Goua, rapporteur spécial pour l'énergie et pour le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». Je voudrais, avant toute chose, dire ma frustration de ne disposer que de cinq minutes pour présenter mon rapport.

Le programme 174 vise un triple objectif : il soutient les politiques relatives à la transition énergétique ; il amplifie les moyens de lutte contre le changement climatique et la pollution atmosphérique ; enfin, il assure la gestion économique et sociale de l'après-mines.

Avec 545 millions d'euros en crédits de paiement, son budget connaît une baisse de près de 8,5 % par rapport à l'exercice précédent, qui a pour principale origine la diminution naturelle du nombre des anciens mineurs bénéficiant des droits et prestations sociales financés par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM). Cette contraction pèse mécaniquement sur l'évolution de l'ensemble des crédits du programme puisque la dotation de l'action n° 4 constitue à elle seule 93 % de la dotation totale.

À ces crédits budgétaires, il convient d'ajouter dix-huit dépenses fiscales pour un montant de 3,1 milliards d'euros, en hausse de 11 % par rapport à 2014, hausse résultant principalement de la modification des conditions d'octroi du crédit d'impôt pour la transition énergétique.

L'ensemble de ces crédits ne reflète qu'une partie des moyens financiers consacrés à la politique énergétique de notre pays. La majorité du financement de cette politique est en effet extrabudgétaire et repose sur les consommateurs d'énergie. La lutte contre la précarité énergétique ou le tarif d'achat de soutien aux énergies renouvelables sont ainsi financés par la contribution au service public de l'électricité, dont le montant s'élève à 6,2 milliards d'euros, soit onze fois les crédits du programme.

Dans ce cadre financier très particulier, l'exercice budgétaire pour 2015 est indéniablement marqué par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte dont les aspects financiers trouvent leur concrétisation dans le présent projet de loi de finances (PLF).

Comme vous le savez, mes chers collègues, ce projet de loi amorce une diversification de nos sources de production d'énergies : en premier lieu, à travers la montée en puissance des énergies renouvelables ; en second lieu, à travers la diminution de la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025.

Concernant les énergies renouvelables, vous vous êtes engagée, madame la ministre, à un doublement de la dotation du Fonds chaleur à l'horizon 2017. Je me félicite de cette décision en faveur d'un dispositif efficace, compétitif et plébiscité par l'ensemble des acteurs concernés.

Concernant le plafonnement de la capacité de production de la puissance nucléaire à son niveau actuel de capacité installée, je vous rappelle, mes chers collègues, que mon collègue Hervé Mariton et moi-même avons conduit une étude approfondie sur les conséquences économiques d'une telle décision. Au-delà des montants financiers qui ont été avancés – sujet à discussion, j'en conviens, même s'ils ne sauraient être qualifiés de « farfelus » – pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, les conditions dans lesquelles ce plafonnement conduira à la fermeture anticipée d'une centrale nucléaire et à l'indemnisation éventuelle de l'exploitant qui en résulterait ?

S'agissant de la sûreté des installations nucléaires, j'aimerais attirer votre attention, mes chers collègues, sur les moyens financiers aujourd'hui affectés à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ces deux opérateurs nous ont en effet alertés de l'insuffisance des moyens financiers et humains dont ils disposent. Je partage leurs inquiétudes, eu égard aux enjeux auxquels ils devront faire face – je pense notamment aux réexamens de sûreté de plus d'une cinquantaine d'installations – et vous demande, madame la ministre, si une consolidation de ces moyens peut être envisagée.

De même, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui ne relève pas de cette mission mais qui joue un rôle essentiel dans le domaine de l'énergie, ne semble plus en mesure aujourd'hui de faire face à la montée en puissance de ses dépenses obligatoires. Compte tenu de l'augmentation des charges nouvelles obligatoires, il estime que les crédits restants pour financer ses autres activités seront en diminution de près de 10 % à l'horizon 2017. Or une telle réduction, bien que partiellement absorbée par des efforts de maîtrise des dépenses, ne pourra s'opérer sans une remise en cause de certains projets pourtant indispensables.

Je souhaite conclure cette intervention sur les aides dédiées à la lutte contre la précarité énergétique mises en oeuvre par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans le cadre du programme « Habiter mieux ». Ce dispositif semble, en effet, aujourd'hui victime de son succès : 50 000 logements traités en 2014 contre 6 700 en 2011. Pour 2015, l'écart entre les ressources et les dépenses de l'agence induit un déficit de 15 millions d'euros. À l'heure où l'on recherche des politiques publiques qui font leur preuve, j'estime qu'il est sans doute indispensable de s'assurer que des ressources pérennes lui seront affectées afin de lui permettre de faire face au fort développement de ce programme.

Mme Corinne Erhel, suppléant Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour l'énergie. Je vous prie de bien vouloir excuser Marie-Noëlle Battistel, retenue par un voyage au Canada en qualité de présidente du groupe d'amitié avec ce pays.

Les crédits du programme 174 visent trois objectifs.

Le premier est la mise en oeuvre de la politique énergétique française, avec un budget de 6 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 4,8 % par rapport à 2014.

Le deuxième est la gestion économique et sociale de l'après-mines. Les crédits destinés à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), qui représentent la quasi-totalité des 506 millions d'euros consacrés à cette action, sont en baisse de 9 %, effet mécanique de la réduction du nombre des ayants droit.

Le troisième est la lutte contre le changement climatique et l'amélioration de la qualité de l'air, action dont le budget s'élève à 31 millions d'euros.

Cette année, le thème retenu pour l'avis est la participation de l'agriculture à la transition énergétique, qui renvoie à un double aspect.

D'une part, l'agriculture est productrice d'énergies renouvelables. Les agriculteurs sont entrés de plain-pied dans la transition énergétique par le biais du photovoltaïque. Jusqu'en 2011, la filière a connu une croissance intense, du fait de la bulle photovoltaïque créée par des tarifs d'achat élevés offrant d'importantes rémunérations. Le réajustement des soutiens publics a par la suite freiné cet emballement.

Dans ce contexte, la méthanisation a apporté un souffle nouveau au monde agricole. Elle représente pour les agriculteurs une chance naissante de participer à la production d'une forme d'énergie renouvelable, le biogaz, qui peut être valorisé sous forme de production d'électricité, de chaleur ou de biométhane. En outre, le digestat, produit résidu de la méthanisation, peut être utilisé comme fertilisant lors de l'épandage. La méthanisation permet ainsi de valoriser des flux d'énergie comme des flux de matières, en produisant des énergies renouvelables et en traitant les déchets organiques. Elle doit s'intégrer dans une approche systémique du traitement des déchets et représente un excellent exemple d'économie circulaire.

D'autre part, l'agriculture est consommatrice d'énergies. Sa dépendance repose essentiellement sur les énergies fossiles, ce qui fait problème d'un point de vue énergétique et environnemental, mais également en matière de compétitivité. Elle implique d'encourager une meilleure maîtrise de l'énergie par les exploitants agricoles.

À cet égard, le récent développement de la méthanisation apparaît crucial pour la réalisation des différents objectifs que la France s'est donnés en matière de production d'énergies renouvelables. Rappelons que l'objectif d'atteindre 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie d'ici à 2020, fixé dans le cadre du « paquet énergie-climat » de l'Union européenne, a été porté à 32 % d'ici à 2030 dans la loi sur la transition énergétique.

Le plan « Énergie méthanisation autonomie azote », lancé en 2013, prévoit de faire passer le nombre de méthaniseurs de 200 à 1 000 d'ici à 2020, ce qui suppose un rythme accéléré d'installations, de l'ordre de 130 par an. Comment comptez-vous y parvenir, madame la ministre ?

Nous saluons la décision d'exonérer pendant cinq ans de taxes foncières sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises les installations de méthanisation, qui supposent de lourds investissements, et nous nous félicitons que cette fiscalité incitative, prévue à l'article 42 du PLF, ait été confortée par l'adoption d'amendements en commission des finances.

Néanmoins, il faut souligner que la rentabilité des méthaniseurs est tributaire du niveau des tarifs d'achat et des différentes aides que les agriculteurs peuvent recevoir. Les différentes modalités de soutien public passent surtout par des aides à l'investissement et par des tarifs d'achat généreux pour le biogaz et l'électricité, lesquels constituent l'essentiel des recettes d'exploitation. Les subventions, principalement apportées par le Fonds chaleur et le fonds déchets de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), ont permis de soutenir une centaine de projets.

Il est indispensable que ce soutien public au développement de la méthanisation perdure. Les financements des aides à l'investissement seront-ils maintenus ? Quels montants sont prévus pour le Fonds chaleur et le Fonds déchets ? Qu'en est-il du doublement annoncé ? La première période du plan de performance énergétique des exploitations agricoles touchant à sa fin, quels sont les montants alloués et les objectifs fixés pour la deuxième période ?

M. Jacques Krabal, rapporteur pour avis de la commission du développement durable pour la protection de l'environnement et la prévention des risques. Pour la troisième année consécutive, j'ai le plaisir de présenter les crédits du programme 181 « Prévention des risques » et du programme 170 « Météorologie », de la mission « Écologie » dont l'enveloppe totale est constituée de 7,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 7,3 milliards d'euros en crédits de paiement contre, respectivement, 10,2 milliards et 9,7 milliards en 2014.

La présentation d'une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation, le 10 juillet dernier, constitue un premier témoignage de la volonté des pouvoirs publics qu'un drame comme celui de la tempête Xynthia ne se reproduise plus. D'après les informations transmises par vos services, les cartographies des surfaces inondables ont été réalisées sur une centaine de territoires à risques importants mais il faut souligner que des difficultés persistent à Mayotte, à Arcachon et Noirmoutier. Pourriez-vous nous confirmer que sur ces territoires, et plus généralement, sur l'ensemble de nos littoraux et le long de nos cours d'eau, la prise en compte de la géographie, de la géologie et de l'hydrologie s'imposera désormais sans faillir face aux dérives de la raison mercantile ?

Les plans de gestion des risques d'inondation seront soumis à la consultation du public dans quelques semaines. Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer quel sera le calendrier précis de mise en place des stratégies locales ?

En matière de sûreté nucléaire, chacun sait que les exigences sociétales augmentent régulièrement. Les évolutions législatives et réglementaires traduisent d'ailleurs cette tendance en renforçant les missions du dispositif de contrôle constitué par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et par son appui technique, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ce dispositif est confronté aujourd'hui à des enjeux de sûreté et de radioprotection sans précédent : renforcement de la sûreté du parc nucléaire post-Fukushima, vieillissement des centrales, instructions de demandes de prolongation, mise en fonctionnement du réacteur EPR sur le site de Flamanville, développement du projet de centre industriel de stockage géologique (CIEGO), premiers réexamens de sûreté des installations exploitées par le CEA et Areva, notamment de l'usine de La Hague, vigilance accrue appelée par l'augmentation continue des doses de rayonnement ionisant délivrées aux patients.

Sur la période triennale 2015-2017, l'ASN bénéficiera de 30 emplois supplémentaires et les ressources qui lui sont allouées comme celles de l'IRSN sont maintenues : le Gouvernement consent un effort réel dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. Il n'en reste pas moins, madame la ministre, que le compte n'y est pas tout à fait, eu égard aux besoins de l'ASN et de l'IRSN tant en emplois – renfort de 95 emplois pour l'une et de 65 emplois pour l'autre – qu'en crédits supplémentaires – accroissement respectif de 21 millions et 15 millions.

Le survol de nos installations nucléaires par des drones l'a encore récemment démontré : la sûreté nucléaire n'est pas un acquis, elle suppose une vigilance de tous les instants.

Pour renforcer les moyens financiers qui leur sont dévolus, l'ASN et l'IRSN ont formulé plusieurs propositions qui visent un financement adapté et adaptable aux enjeux, reposant à la fois sur le budget de l'État et sur une contribution annuelle des exploitants nucléaires fixée par le Parlement. D'autres pays ont choisi cette voie. Pour quelles raisons le Gouvernement s'y refuse-t-il ? Quels engagements alternatifs, précis et contraignants, peut-il prendre pour que ces opérateurs aient accès aux moyens supplémentaires dont ils ont besoin ?

J'en viens au programme 170 « Météorologie », en commençant par saluer la qualité des prévisions et des alertes dont notre population a pu bénéficier lors des récentes intempéries dans le sud du pays. Météo-France a su maintenir un niveau technologique élevé, notamment grâce aux récents investissements dans le supercalculateur implanté sur le site de l'Espace Clément-Ader à Toulouse. Les inquiétudes budgétaires sont toutefois fortes, compte tenu en particulier des enjeux liés à la stratégie de l'open data. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quel accompagnement vous comptez proposer pour que la transition se fasse en douceur ?

Les crédits des programmes 170 et 181 s'inscrivent dans la continuité des années précédentes mais appellent notre vigilance sur certains points. Nous devons tous garder à l'esprit qu'il ne faut pas ajouter de la peur à la peur. Notre civilisation a déjà son lot de préoccupations. Comme l'écrivait Jean de La Fontaine dans la morale de la fable Le renard et les poulets d'Inde : « Le trop d'attention qu'on a pour le danger Fait le plus souvent qu'on y tombe ». Nous recommandons, le groupe RRDP et moi-même, l'adoption de ces crédits.

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