Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Réunion du 6 novembre 2014 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn' :

, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », vous comprendrez que j'oriente mon intervention sur la dimension internationale de l'action de votre département, madame la ministre. Cette action, à l'évidence, porte en priorité sur la conférence de Paris sur le climat en 2015, dont on ne rappellera jamais suffisamment qu'elle doit conduire à un accord international universel et contraignant permettant de lutter efficacement contre le réchauffement climatique et les menaces qu'il fait peser sur l'avenir de la planète et sur la pérennité même de la vie. Comme le disait le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki- moon, le 23 septembre dernier à New York : à Paris l'an prochain, « il n'y aura pas de plan B, tout simplement parce qu'il n'existe pas de planète B ». On ne saurait mieux décrire cette impérieuse obligation de résultat.

Dès lors, je veux souligner que m'apparaît totalement justifiée la dotation de la mission « Écologie, développement et mobilité durables prévue » pour 2015, soit 7,88 milliards d'euros en autorisations de programme et 7,327 milliards d'euros en crédits de paiement, auxquels s'ajoutent les 179 millions d'euros en autorisations de programme et 43,4 millions d'euros en crédits de paiement prévus au titre de la mission « Action extérieure de l'État » pour la conférence Paris Climat 2015.

Madame la ministre, une vision, une volonté, une ambition traduite dans la loi peuvent changer la vie pour le meilleur. Je pense ici à la loi sur la transition énergétique et la croissance verte, récemment adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Réussir la conférence de Paris requiert que la France montre l'exemple. Avec cette loi, elle le fait. De la même manière, l'Europe doit tracer le chemin et l'on doit se féliciter de l'adoption par le Conseil européen, le 23 octobre dernier, d'un nouveau « paquet énergie-climat » qui prévoit, à l'horizon 2030, une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, une part de 27 % des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l'Union et un objectif de 27 % d'amélioration de l'efficacité énergétique.

Sans la France, sans l'Europe, il n'y aura à Paris ni dynamique ni succès possible. Ce nouveau « paquet énergie-climat » formera la contribution de l'Union européenne au futur accord dès le premier trimestre 2015. Comment réussir ? En imaginant les mécanismes d'incitation facilitant une rupture en matière énergétique qui, loin de conduire à la décroissance économique, entraînera la création des richesses nécessaires pour que la lutte pour le climat serve efficacement et la planète et l'emploi.

Tout dépendra de la capacité de la communauté internationale, dès la prochaine Conférence des parties, la COP 20, à Lima dans quelques semaines, à faire passer le pic d'émissions à la majorité des pays et de tendre ensuite à un taux de réduction qui soit à la fois réaliste et volontariste. Or, à ce stade, seule l'Union européenne et les États-Unis ont franchi leur pic d'émissions. L'une des clés de la réussite est la définition de scénarios technologiques, dont je crois qu'ils ont été insuffisamment étudiés. L'un des écueils auquel les négociations climatiques se heurtent depuis plus de vingt ans est qu'elles n'ont jamais raisonné autrement qu'à technologie constante, ce qui est une lourde erreur politique et un non-sens économique.

Cette remarque sur le besoin d'une stratégie reposant sur l'anticipation et la structuration du progrès technologique, notamment sur le stockage de l'électricité, le rendement des technologies renouvelables et le captage et la séquestration du CO2, me conduit à soulever quelques autres questions déterminantes pour le succès de la conférence de Paris.

Comment redresser le marché du carbone, dont le cours est aujourd'hui si bas que l'élément incitatif qui s'y rattache est devenu quasi-inopérant ?

Comment associer le secteur privé à l'action des États et de la communauté internationale, tant dans sa dimension manufacturière que financière ? Cet effort n'a jamais réellement été fait, alors même que le secteur privé a souvent des solutions, qu'il s'agisse des technologies ou des instruments de financement vertueux.

Enfin, quelle capitalisation peut-on espérer au bénéfice du fonds vert pour le climat ? À ce stade, les annonces de contribution se situent à un niveau un peu inférieur à 3 milliards de dollars, dont 1 milliard de source française, alors qu'à l'origine, le plan est de 100 milliards de dollars.

Voilà les éléments essentiels que je souhaitais mettre en évidence à la lecture et dans le contexte de votre budget, madame la ministre, conscient de l'enjeu, politique, diplomatique, écologique qui s'y rattache, conscient aussi de l'urgence à agir rappelée ces derniers jours par le cinquième rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

M. Michel Lesage, rapporteur pour avis de la commission du développement durable pour les paysages, l'eau et la biodiversité. Premier constat d'importance : dans le domaine de la biodiversité, de l'eau et des paysages, les enjeux financiers sont considérables. Ils vont bien au-delà du montant du programme 113, qui s'élève à 276 millions d'euros – un niveau similaire à l'an passé, ce dont nous pouvons nous féliciter, tout comme nous pouvons nous réjouir des progressions envisagées pour les années à venir. À cette somme, il faut ajouter un volet fiscal de 2,3 milliards d'euros en recettes au profit d'opérateurs tels que les agences de l'eau – 2,2 milliards de redevances –, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) – 68 millions de redevances cynégétiques –, ou le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.

Les politiques des paysages, de l'eau et de la biodiversité recouvrant, outre les actions de l'État et de ses opérateurs, les actions de multiples autres acteurs, il s'avère extrêmement difficile de connaître les flux financiers qui y sont liés.

Grâce aux recherches que j'ai menées dans le cadre de la mission d'évaluation de la politique de l'eau que m'avait confiée le Premier ministre en 2013 et aux analyses du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), nous avons pu, non sans difficultés, il faut le dire, évaluer les flux financiers dans le domaine de l'eau à plus de 23 milliards d'euros par an, dont les trois quarts – 17 milliards – concernent le petit cycle de l'eau, financé à 70 % par les factures d'eau des consommateurs, – et le quart restant – 6 milliards – le grand cycle de l'eau qui renvoie aux inondations et à la pollution.

J'ai souhaité présenter dans mon rapport ces chiffres largement méconnus car ils touchent à des problématiques qui sont au coeur des enjeux de l'eau et de la biodiversité : enjeux économiques – ces 23 milliards d'euros équivalent à un point du PIB et concernent l'activité de grandes entreprises qui jouent un rôle international important et réalisent à l'export un chiffre d'affaires deux fois supérieur à celui qu'elles enregistrent en France –, enjeux de gouvernance et d'efficacité des politiques publiques, enjeux de lisibilité, de transparence et de démocratie, enjeux liés au respect des principes qui régissent la politique de l'eau en France et en Europe – récupération des coûts, pollueur-payeur.

La gouvernance dans les domaines de l'eau et de la biodiversité est difficile pour diverses raisons.

Tout d'abord, nos politiques publiques sont encadrées par les textes européens – 80 % de la réglementation nationale est d'origine communautaire –, ce qui implique une rupture dans leur mise en oeuvre. Notre pays se doit de rendre des comptes à la Commission : certains contentieux sont en cours, dont vous trouverez la synthèse dans une annexe de mon rapport. En outre, les directives posent des obligations de résultat, alors que la tradition française fixait plutôt des obligations de moyens.

Cette nouvelle approche de nos politiques publiques intègre des logiques d'évaluation économique et environnementale. Elle peut être porteuse d'efficacité et d'efficience, à condition d'être comprise et appropriée par tous les acteurs chargés de sa mise en oeuvre. Les enjeux liés à l'eau, qu'ils soient quantitatifs ou qualitatifs, nécessitent une forte mobilisation des acteurs sur les territoires, dynamique au coeur de votre loi sur la transition énergétique, madame la ministre.

La multiplicité des acteurs, à l'échelle nationale, à l'échelle des bassins et à l'échelle locale, est une autre source de difficultés, qui risquent d'être accentuées par les évolutions législatives. Je pense en particulier aux lois de décentralisation, la compétence de la gestion de l'eau et des milieux aquatiques ayant été attribuée au bloc local.

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser les enjeux financiers liés aux inondations, qui inquiètent les élus ?

Pouvez-vous nous préciser également le calendrier du projet de loi relatif à la biodiversité, examiné au mois de juin par la commission du développement durable, son périmètre et les sommes en jeu ?

Afin de conserver une gouvernance efficace de l'eau et de la biodiversité, il me paraît indispensable d'engager une réflexion stratégique pour mieux articuler l'action de l'État et de ses services déconcentrés et celle des collectivités locales. Une approche transversale est nécessaire car ces domaines sont toujours affectés par les politiques publiques menées sur les territoires, qu'il s'agisse de l'aménagement, de l'urbanisme, de l'environnement ou de de l'industrie.

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial pour la prévention des risques et pour la conduite et le pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Alors que dans son avis du 17 octobre, l'Autorité de sûreté nucléaire a soulevé la question du volume et de la nature de ses moyens financiers, j'aimerais savoir, madame la ministre, comment vous envisagez l'avenir de son financement. Quelle est votre position sur l'affectation directe de moyens que l'ASN réclame depuis de nombreuses années déjà ?

Toujours en matière nucléaire, pouvez-vous nous dire quelles seront les conséquences budgétaires de la fermeture anticipée de réacteurs, sujet auquel Marc Goua et moi-même avons consacré un rapport publié en septembre dernier ?

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