Intervention de François-Michel Lambert

Réunion du 6 novembre 2014 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

, rapporteur pour avis de la commission du développement durable pour la transition écologique. La mise en oeuvre de la transition écologique ne peut se limiter aux objets et aux crédits des programmes 174 et 403 et 404 anciens, sur lesquels porte le rapport pour avis qui m'a été confié. Elle suppose, en effet, d'adopter un nouveau modèle économique et social, un modèle qui renouvelle nos façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble.

Les années 2012 et 2013 ont été celles du débat sur la transition énergétique qui s'impose à notre pays. L'année 2014 est celle des choix, qui visent à définir de nouveaux compromis au sein de la société française, bons pour l'environnement, justes socialement et favorables à l'économie, à l'emploi et aux territoires.

Quelques moments législatifs clés ont rythmé cette année presque écoulée : le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), qui crée de nouveaux droits pour les acquéreurs et locataires en matière d'information sur la qualité du bien immobilier et sur les travaux de conservation de ce dernier, et qui renforce les outils de lutte contre l'étalement urbain et la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers ; le projet de loi relatif à la biodiversité, adopté par notre commission en juin dernier ; le projet de loi de simplification de la vie des entreprises, qui facilite le regroupement des autorisations en une autorisation unique pour certains projets d'énergies renouvelables ; enfin, bien sûr, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte qui permet à notre pays d'engager la transition écologique.

Le contexte national dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances pour 2015 m'incite plutôt à l'optimisme et à un vote favorable sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Mais la transition écologique s'inscrit aussi dans un contexte international, éclairé par les analyses du cinquième rapport du GIEC : réévaluation à la hausse des températures moyennes à la surface de la planète, réévaluation de l'élévation du niveau des océans en 2100, niveaux sans précédent de la concentration des gaz à effet de serre, avec des émissions augmentant plus vite encore depuis 2010 que dans les décennies précédentes.

Quant au contexte européen, il est marqué par l'adoption le 23 octobre dernier du « paquet énergie-climat » pour 2030, qui reste en deçà des ambitions affichées par l'Union européenne.

Notre pays a pris acte de la fin d'une illusion, celle de la croissance sans freins, d'une énergie et de ressources sans limites. Mais il ne suffit pas de fixer des objectifs pour les atteindre. La clef réside dans les moyens qui y sont consacrés.

Madame la ministre, vous vous rendrez dans quelques semaines à Lima pour assister à la COP 20. Quel sera votre message ? Comment comptez-vous enclencher concrètement le cercle vertueux qui doit permettre d'aboutir, en décembre 2015 à Paris, à un accord à la hauteur des enjeux ?

Face au dérèglement climatique, et parce que l'énergie nucléaire n'est pas la solution d'avenir, il est impératif de développer les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique.

Vous avez annoncé un doublement en trois ans du Fonds chaleur, selon des modalités qui restent encore à définir. Pourriez-vous détailler de manière précise la façon dont les 400 millions d'euros annoncés seront financés ? Des amendements ont été déposés, qui traduisent l'impatience des députés à vous voir éclaircir ce point crucial, notamment pour le financement dans nos territoires des projets liés à la biomasse. Nous avons mis en place dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte un outil de planification, le schéma régional, qui doit permettre de renforcer l'outil de financement qu'est le fonds chaleur en identifiant, en amont, les ressources afin d'élaborer un meilleur outil d'exploitation de la biomasse, selon une vision territoriale inscrite dans le long terme et soucieuse de préserver le caractère renouvelable des ressources naturelles, bref, dans une logique pleine et entière d'économie circulaire.

Une logique que ne suit pas la conversion de la centrale thermique de Gardanne en unité de biomasse. Non seulement, elle consommera 20 % des ressources en bois, soit une tonne sur cinq, mais elle empêchera tout autre projet jusqu'en 2035 sur le pourtour méditerranéen. Ce chantier est fortement contesté : plus de 400 conseils municipaux s'y sont opposés, compte tenu des risques qu'il fait peser sur les territoires.

S'agissant de l'efficacité énergétique, j'aimerais appeler votre attention sur l'action n° 4 « Après-mines », qui concentre 93 % des crédits du programme 174 avec 553,7 millions d'euros. Les avantages en nature – chauffage et logement – gérés par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs représentent 364,3 millions d'euros pour 2015. Il serait pertinent que l'ANGDM joue le rôle de tiers financeur pour la rénovation énergétique des logements considérés, l'investissement initial étant compensé par la diminution consécutive des prestations versées. Que pensez-vous de cette orientation, madame la ministre ?

La solution finalement trouvée pour résoudre le casse-tête de l'écotaxe poids lourds, qui règle, dans l'attente d'une solution pérenne, le problème du financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), satisfait aussi le rapporteur pour avis que je suis : ce début de convergence fiscale entre essence et diesel ne pourra que contribuer à améliorer la qualité de l'air. Ce n'est toutefois qu'un tout petit pas, beaucoup reste à faire.

Madame la ministre, le fiasco d'Ecomouv' – hémorragie financière que vous avez eu raison de vouloir juguler – ne doit pas nous détourner de notre objectif : mettre en oeuvre une écoredevance sur les poids lourds, français et étrangers. Les écologistes veilleront à ce qu'un tel dispositif ne soit pas reporté aux calendes grecques. Des solutions innovantes existent. Les régions pourraient, par exemple, se voir attribuer la compétence de lever cette éco-redevance afin de financer leurs infrastructures.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission du développement durable pour les politiques de développement durable. Sans revenir sur le détail des enveloppes qui composent le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », je concentrerai mon exposé sur quelques questions, en commençant par un constat : le projet de budget pour 2015 participe de l'effort de redressement des comptes publics ; cet effort peut être jugé insuffisant, mais il existe.

Permettez-moi cependant d'exposer mes doutes sur la méthode employée pour faire des économies, au moins en ce qui concerne le périmètre du programme 217, puisque aucune réforme structurelle n'est engagée pour faire baisser, de façon durable et réelle, la dépense publique. Alors qu'il conviendrait de revisiter le périmètre d'intervention de l'État, ce budget ne fait que renforcer la pression qui s'exerce sur les services et les opérateurs de l'État, leur faisant éprouver de plus en plus de difficultés à remplir leurs missions. À l'heure où le Parlement examine le projet de loi de programmation sur la transition énergétique pour la croissance verte et où Paris se prépare à accueillir la COP 21, croyez-vous que baisser de 2,6 % les crédits alloués au Commissariat général au développement durable soit pertinent ?

J'appelle de mes voeux l'adoption de réformes de grande ampleur, et je crois que la mise en place du choc de simplification maintes fois annoncé par le Gouvernement est plus nécessaire que jamais. Tous les acteurs que j'ai rencontrés dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire m'ont confié n'avoir constaté, en ce domaine, aucune avancée réelle. Il est donc urgent de passer du discours aux actes. Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de mettre en place afin de simplifier le travail des services de votre ministère, des services déconcentrés et des opérateurs de l'État ?

Ce travail de simplification doit également être conduit au niveau des missions confiées aux services et aux établissements entrant dans le périmètre du programme 217. J'ai la conviction qu'un travail de recentrage peut utilement être engagé, pour identifier les missions prioritaires et renoncer au superflu : combien de notes, études ou rapports sont produits chaque année sans que leurs conclusions soient jamais suivies ?

Ma deuxième série de questions porte sur le bilan de la création du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), créé par la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport. Le choix de doter ce centre, qui intègre huit centres techniques de l'équipement et trois services techniques centraux, du statut d'établissement public administratif a permis de rendre le schéma de responsabilité plus lisible et de mieux identifier le budget qui lui est consacré. Cependant, ce choix n'a pas été neutre sur le plan budgétaire. Les coûts de démarrage ont été importants parce qu'il a, par exemple, fallu financer un siège et mettre en place un logiciel de paie et de gestion comptable. Certains des surcoûts liés à la création du CEREMA seront récurrents parce que les établissements publics sont soumis à des obligations dont sont exonérés les services de l'État, notamment en ce qui concerne la taxe sur les salaires ou les frais d'assurance. Cet exemple du CEREMA doit nous inciter, à l'avenir, à veiller à ce que le choix du statut d'établissement public n'ait pas d'incidence négative sur les finances de l'État, dont il est ici inutile de rappeler l'état de dégradation.

Vos prédécesseurs s'étaient engagés, madame la ministre, à préserver le budget du CEREMA pendant les deux années suivant sa création. À peu de choses près, cet engagement sera tenu en 2015 ; mais qu'adviendra-t-il en 2016 ? La réduction de la subvention pour charges de service public ne risque-t-elle pas d'affaiblir la qualité des missions conduites ? Pensez-vous que des synergies permettront de dégager des marges budgétaires suffisantes pour compenser la baisse annoncée de la subvention ? si oui, lesquelles ?

Je souhaite également vous interroger sur les possibilités de renforcer le partage d'expériences dans le domaine de la création d'établissements publics, afin de réduire les coûts de démarrage. Envisagez-vous des actions en ce domaine ? Que pensez-vous de l'idée de mettre en place un « kit de démarrage » à destination des personnes en charge de la mise en place des nouveaux établissements publics, afin de faciliter la mutualisation de certains services et de réduire les coûts ?

Pour terminer, je souhaite vous interroger brièvement sur le rôle que vous entendez donner à la Commission nationale du débat public (CNDP). Si, dans le projet de loi de finances initiale pour 2015, les crédits alloués restent stables par rapport à 2014, on ne peut que déplorer l'écart saisissant entre les moyens de la CNDP et l'étendue des missions qui lui sont confiées. Au-delà de la nécessaire augmentation des moyens humains et budgétaires attribués à la CNDP, quelles sont vos propositions sur la place et l'organisation des débats publics dans notre pays, et sur le rôle que la Commission nationale sera appelée à y jouer ? Le Parlement est-il appelé à être saisi, dans les prochains mois, d'un projet de loi en ce sens ? Quelles en seront alors les orientations structurantes ?

Pour toutes les raisons que j'ai précédemment indiquées, du fait également du manque général de lisibilité du programme 217, il ne me sera malheureusement pas possible de soutenir l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

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