Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 6 novembre 2014 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Je suis heureux d'accueillir le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche pour la seconde partie de cette commission élargie, consacrée aux transports aériens, terrestres et fluviaux, à la pêche et aux affaires maritimes.

M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur spécial pour les crédits des transports aériens et de la météorologie, et pour le budget annexe Contrôle et exploitation aériens. En 2013, le trafic aérien a confirmé sa bonne santé : 3,1 milliards de passagers ont été transportés dans le monde, ce qui représente une hausse de 5,2 %. Au cours du premier semestre de 2014, l'activité aérienne est restée soutenue. Toutefois, cette croissance est inégalement répartie. Forte dans les pays émergents, elle est plus faible dans les marchés arrivés à maturité, comme celui de l'Amérique du Nord et de l'Europe. La situation de la France est paradoxale : si le nombre de passagers augmente de 2,5 % à 3,5 % selon les années, les mouvements d'avion ont diminué de 0,6 % en 2012 et de 0,7 % en 2013.

Par souci d'économie, les compagnies réduisent leur fréquence, utilisent des avions plus gros et les remplissent mieux : ce peut être une bonne nouvelle sur le plan écologique. Les constructeurs s'en réjouissent également, puisque les compagnies se débarrassent de leurs appareils plus anciens pour acheter des avions plus gros et moins polluants. La société Airbus, qui s'est restructurée en 2014, doit livrer près de 6 000 appareils, ce qui représente huit années de production. Mais cette évolution est moins favorable aux aéroports nationaux, qui perçoivent des redevances calculées sur le nombre de décollages et d'atterrissages. La situation d'Aéroports de Paris (ADP) reste toutefois satisfaisante. Le tassement des revenus liés à l'activité aérienne est compensé par le produit des activités commerciales et immobilières, ainsi que par les investissements à l'étranger. En 2013, le résultat d'ADP avant impôt s'élevait à 14 millions.

Le vrai souci vient des compagnies aériennes, particulièrement d'Air France. Déficitaire depuis plusieurs années et lourdement endettée, la compagnie a mis en place le plan Transform 2015, qui avait produit des effets positifs en 2013 et au cours du premier semestre de 2014. Bien que ses résultats soient inférieurs aux attentes, il avait permis d'amorcer le redressement de la compagnie. Le conflit social du début de l'automne a remis ce processus en cause. L'entreprise a perdu quelque 500 millions. Son image a été altérée. Ses sous-traitants et ses partenaires comme ADP ont également subi un préjudice.

Air France subit la concurrence des compagnies à bas coûts et celle des compagnies du Golfe, dont les comptes – quand ils sont publiés – ne sont pas toujours limpides. Bénéficiant des revenus pétroliers de leur pays, celles-ci n'usent pas toujours, ce n'est un secret pour personne, de procédés sains et loyaux envers leurs rivales. Quand elles réclament avec insistance la multiplication des liaisons entre les villes du Golfe et certains aéroports de province, leur but n'est pas de créer des lignes rentables, mais bien d'affaiblir Air France en captant une partie de la clientèle provinciale. Comment réagissez-vous à ces demandes, monsieur le secrétaire d'État ? Quelles réflexions vous inspire la situation d'Air France ? Je rappelle que l'État est le premier actionnaire de cette société, qui emploie directement 70 000 salariés et qui véhicule l'image de notre pays dans le monde.

J'en viens au budget de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). En 2015, le budget annexe du contrôle et de l'exploitation aériens (BACEA) devrait enregistrer un excédent d'exploitation de près de 150 millions, ce dont nous nous félicitons. L'exercice de 2013 accusait un déficit, et celui de 2014 connaît un léger excédent. L'amélioration du résultat d'exploitation et de la capacité d'autofinancement du budget annexe réduira le recours à l'emprunt, dont le montant représentera 168 millions en 2015, contre 267 en 2014. Cela permettra d'amorcer le désendettement de la DGAC, dont la dette aura atteint en 2014 le montant record de 1,282 milliard. Nous saluons cet effort de maîtrise des coûts.

Enfin, devant la multiplication des normes et des contrôles, la taxe d'aéroports, payée par les passagers, ne suffit plus à financer les missions de sécurité et de sûreté. Fin 2014, les déficits cumulés du dispositif atteindront 100 millions, dont 60 pour les seuls aéroports de Paris. Quelles mesures comptez-vous prendre pour réduire ce déficit en maintenant notre exigence en matière de sécurité ?

M. Alain Rodet, rapporteur spécial pour les transports routiers, fluviaux et maritimes, et pour le compte d'affectation spécial Aides à l'acquisition de véhicules propres. En 2014, l'actualité aura été très dense pour ce qui touche aux transports, mais également à la biodiversité.

Les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » s'élèvent, hors fonds de concours et attributions de produits, à 3,2 milliards d'euros, soit une diminution de plus de 11 % par rapport à 2014. Cette baisse pouvait être considérée commeune bonne nouvelle, puisqu'elle était due à l'annulation pour 2015 de la subvention d'équilibre versée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui devait recevoir des ressources propres supplémentaires grâce à l'augmentation de deux centimes d'euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole, et de la mise en oeuvre des péages de transit au 1er janvier 2015. Or, après l'annonce par la ministre de l'écologie, le 9 octobre, de la suspension sine die des péages de transit, la résiliation du contrat, décidée le 30 octobre, a mis fin au feuilleton de l'écotaxe, ce qui repose le problème du financement de l'AFITF.

Depuis sa naissance, il y a un peu moins de dix ans, l'AFITF est marquée congénitalement et gravement par la privatisation des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, qui ne lui permet plus de disposer de ressources satisfaisantes et pérennes. L'an dernier, en saisissant la Cour des comptes, nous avions essayé, M. Faure et moi-même, d'appeler l'attention du pays sur les relations de ces sociétés et de l'État. Dans notre rapport préalable, introduisant le rapport définitif de la Cour des comptes, nous avons suggéré qu'elles pourraient être supervisées non seulement, comme c'est le cas actuellement, par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, dépendant du ministère des transports, mais aussi par la direction générale de la concurrence, qui dépend du ministère des finances.

Quelles sommes seront versées, à titre d'indemnisation, à la société Écomouv', filiale d'Autostrade per l'Italia chargée de percevoir l'écotaxe ? Comment seront-elles réparties entre l'AFITF et l'État ? Celui-ci assumera-t-il le démontage des portiques ? Comment les sociétés concessionnaires d'autoroutes participeront-elles au financement des infrastructures ? Je rappelle que leur rentabilité est exceptionnelle : elle oscille entre 20% et 24 % de leur chiffre d'affaires. L'argument qu'elles invoquent volontiers – leur niveau d'endettement – n'est pas sérieux. Il leur serait facile de se désendetter, mais elles préfèrent profiter des taux du marché, particulièrement bas. On sait enfin qu'elles appartiennent à des groupes importants, qui possèdent des entreprises dans le secteur des travaux publics et du bâtiment.

J'en viens aux crédits du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ». Le dispositif de bonus-malus fonctionne bien. En outre, le Gouvernement a fortement encouragé le remplacement du parc et la disparition des véhicules producteurs de CO2. L'adoption de loi relative à la transition énergétique fera augmenter les dépenses liées au financement des aides encourageant le retrait de véhicules polluants, ce qui va dans le bon sens.

En ce qui concerne la biodiversité, les crédits du programme 113 sont stables. En 2015, ils atteignent environ 277 millions d'euros, essentiellement consacrés à la mise en oeuvre de la stratégie nationale de la biodiversité 2011-2020 via l'action 7 « Gestion des milieux et biodiversité ». En 2014, cette mission a été au coeur de l'actualité, puisque la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a adopté le projet de loi relatif à la biodiversité, qui crée l'Agence française pour la biodiversité, laquelle rassemblera l'Agence des aires marines protégées, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques ou encore les Parcs nationaux de France. Quand cette instance sera-t-elle mise en place ?

Enfin, les crédits du programme 159 « Information géographique et cartographique » sont stables par rapport à 2014. Ils s'élèvent à 97 millions, ce qui permet la réorientation stratégique de l'Institut national de l'information géographique et forestière.

M. Olivier Faure, rapporteur spécial pour les infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, et les services nationaux de transport conventionné de voyageurs. En tant que rapporteur spécial de l'action 10 du programme 203, je suis chargé de rapporter les crédits relatifs aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires.

Cette action est le poids lourds du programme. Avec 2,48 milliards d'euros, elle concentre à elle seule 77 % de ses crédits et près d'un tiers de ceux de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Or ceux-ci diminuent de près de 15 % pour l'année 2015, ce qui tire les crédits du programme vers la baisse.

Je rejoins le constat dressé par M. Rodet : si cette baisse semblait une perspective réjouissante, puisqu'elle signait la baisse de la subvention d'équilibre versée par l'État, donc l'autonomie financière de l'AFITF, l'enterrement des péages de transit est venu ternir ce tableau.

Traditionnellement, les crédits de l'action 10 étaient répartis entre la subvention versée à RFF et la subvention d'équilibre versée à l'AFITF dans l'attente de ressources nouvelles, dont nous avons longtemps espéré qu'elles proviendraient de l'écotaxe poids lourds. Pour des raisons d'opportunité, le Gouvernement a renoncé à cette piste, préférant créer des péages de transit, lesquels ont à leur tour été suspendus sine die. Le montant que devaient payer les chargeurs, notamment étrangers, qui traversent notre pays sans participer au financement de nos infrastructures, sera in fine acquitté par les automobilistes et les entreprises de transport, au moyen d'une augmentation de deux centimes de la TICPE sur le gazole. La part de la TICPE revenant à l'Agence s'élèvera à 807 millions pour l'année 2015. Voilà pour la bonne nouvelle.

Côté incertitudes, la résiliation annoncée du contrat avec Écomouv' ne peut que susciter des interrogations pour l'avenir. Comme l'a relevé la Cour des comptes, l'AFITF est incapable d'honorer ses engagements budgétaires actuels ; faute d'une ressource nouvelle et pérenne, elle n'a plus de marge de manoeuvre pour assumer de nouvelles dépenses avant 2030. L'affectation en 2015 de recettes issues de l'augmentation de la TICPE sur le gazole ne permettra probablement pas de combler le manque à gagner lié à la suspension de l'écotaxe. À combien se monte le manque à gagner découlant, pour l'Agence, de l'enterrement définitif des péages de transit ? Quels sont les coûts de rupture du contrat avec Écomouv' ? Avez-vous prévu d'allouer à l'Agence une subvention d'équilibre afin de pallier cette perte pour 2015 ?

Il semble qu'on cherche des pistes de financement du côté des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA). Sur ce point encore, je partage l'opinion de M. Rodet : compte tenu de leur rentabilité exceptionnelle et des avantages fiscaux dont elles bénéficient, elles pourraient participer davantage au financement des infrastructures de transport. Veillons toutefois à ne pas compromettre la mise en oeuvre du plan de relance autoroutier, dans lequel les SCA investissent 3,6 milliards, en contrepartie d'un allongement de leurs contrats, ce qui devrait permettre la création de 15 000 emplois.

Ce plan a reçu l'aval de Bruxelles pour seulement vingt-six opérations. Quelles sont celles qui n'ont pas été validées par la Commission ? Pour quelles raisons ont-elles été récusées ? Est-il possible d'amender le plan de relance et de rééquilibrer les rapports entre les SCA et l'État ? Existe-t-il une marge de manoeuvre qui permettrait de trouver des financements supplémentaires pour l'AFITF ? Peut-on en savoir un peu plus sur la teneur des discussions engagées ?

Le projet de loi pour l'activité semble prévoir la création d'une autorité indépendante chargée de contrôler les contrats passés entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Allez-vous étendre les pouvoirs de l'actuelle Autorité de régulation des activités ferroviaires ou créer une nouvelle autorité ?

En ce qui concerne les transports ferroviaires, j'ai considéré bien avant la Cour des comptes que la politique du tout-TGV, menée trop longtemps et poussée à son apogée sous la précédente législature, était une erreur stratégique et financière. Il fallait affecter en priorité les moyens publics limités aux transports du quotidien. Je salue donc l'effort consacré à la régénération et à la modernisation du réseau ferroviaire dans le projet de loi de finances pour 2015. Hors Île-de-France, un troisième appel à projets est lancé en faveur des transports collectifs en site propre. En Île-de-France, le Grand Paris Express et le plan de mobilisation pour les transports collectifs seront mis en oeuvre. Le Gouvernement a tenu sa promesse de trouver 140 millions pour compléter l'effort régional : la mesure a été votée hier soir lors de la discussion des articles rattachés. Quelques incertitudes demeurent cependant sur la ventilation de la part due par les ménages et de celle qui sera payée par les entreprises. Pouvons-nous en savoir un peu plus sur ce sujet ?

Enfin, je rends hommage à l'action du Gouvernement, qui a oeuvré pour la refonte de la gouvernance ferroviaire via l'adoption de la réforme ferroviaire. RFF supportant une dette de 33,7 milliards, il était nécessaire de rétablir une trajectoire financière soutenable permettant de maîtriser la dette. La réforme apportera 1 milliard d'euros par an et le renforcement de la règle d'or permettra à terme d'atteindre l'équilibre. Selon quel calendrier la réforme sera-t-elle mise en oeuvre ? Si celle-ci a résolu la question du déficit structurel, celle du stock de la dette se pose toujours. La réflexion du Gouvernement a-t-elle avancé à cet égard ?

M. Alain Rodet, suppléant M. David Habib, rapporteur spécial, pour la sécurité et les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture. Retenu dans le Béarn par la visite du chef du Gouvernement, M. David Habib m'a chargé de lire son rapport.

Le programme 205 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », regroupant les crédits consacrés à la sécurité maritime, à la formation des marins, au développement durable du littoral et aux aides à la pêche et à l'aquaculture, bénéficiera en 2015 de 195,5 millions en CP et en AE, soit une très légère diminution par rapport à l'an dernier.

Face à des politiques publiques qui représentent plusieurs milliards, l'enjeu peut paraître minime, mais les activités maritimes représentent une réserve de croissance importante pour notre pays. La France forme chaque année une centaine d'officiers de marine marchande de grande valeur. Elle forme à la pêche autant de membres d'équipage et de marins, dont le niveau est reconnu internationalement.

Grâce au programme 205, seize centres de sécurité des navires français évitent des catastrophes comme celles de l'Erika, du Prestige ou du Costa Concordia. Les cinq centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage coordonnent chaque jour le sauvetage de nos concitoyens, professionnels ou plaisanciers. La France maintient à niveau les moyens nautiques nécessaires au contrôle des activités maritimes. Par le biais d'exonération de charges pour les armateurs et les marins, elle soutient sa marine de commerce dans la concurrence internationale. Enfin, toujours grâce à ces crédits, elle accompagne ses entreprises de pêche et d'aquaculture dans diverses mutations : augmentation du coût des carburants, baisse du niveau de la ressource, crise sanitaire, évolution des réglementations.

Depuis la fusion en un programme des crédits accordés à la pêche et à l'aquaculture, d'une part, et à la sécurité et aux affaires maritimes, d'autre part, le programme 205 offre une vision élargie de l'effort budgétaire mené par le pays en direction du secteur maritime. Toutefois, il est difficile pour les parlementaires, et plus encore pour nos concitoyens, de connaître l'effort accompli dans ce domaine. Quel est l'apport financier de la marine nationale au contrôle des pêches ou celui des douanes à la prévention des pollutions ? La lisibilité des crédits engagés en faveur du maritime est une question cruciale. C'est la raison pour laquelle M. Habib déposera un amendement proposant d'apporter plus de clarté aux politiques transversales menées dans ce domaine.

Considérant, à l'instar du Président de la République, que nos atouts maritimes sont dramatiquement sous-exploités, il suggère la création d'un secrétariat d'État autonome, qui pourrait donner un cap plus précis à la croissance bleue dont notre pays a besoin. Enfin, notre collègue se réjouit de la création d'une délégation à la mer et au littoral, sur laquelle il souhaite obtenir quelques informations.

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour les crédits de la pêche. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit, pour les crédits de l'action 6 consacrée à la gestion durable des pêches et de l'aquaculture au sein du programme 205, une enveloppe de 47,9 millions pour les AE et les CP. Toutes actions confondues, ces crédits accusent une baisse de 0,2% par rapport aux crédits ouverts en 2014.

Les nouvelles moutures de la politique commune de la pêche (PCP), de l'organisation commune des marchés (OCM) et du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) constituent la toile de fond de ces crédits. Les objectifs de la PCP se traduisent par des actions nouvelles en vue de la gestion des stocks au rendement maximal durable (RMD), de l'interdiction des rejets dès janvier 2015 pour les pélagiques, de l'utilisation de navires plus économes et d'une valorisation accrue des produits. La nouvelle OCM renforce le rôle d'acteur sur le marché des organisations de producteurs en vue d'adapter la production de leurs adhérents à la demande des premiers acheteurs.

Ce budget se répartit entre les interventions économiques, qui représentent 48% de la dotation affectée au secteur, les interventions socio-économiques, qui en constituent 13,7%, et les dépenses affectées à la protection des ressources halieutiques et à l'assistance technique, qui se montent à 39%, soit un montant de 16,73 millions.

Le contrôle des pêches mobilise des crédits en augmentation de 14 %. La mise en oeuvre de la nouvelle PCP entraîne l'acquisition et le déploiement de nouveaux moyens de surveillance et de contrôle, afin de faire respecter l'interdiction des rejets.

Le soutien aux organismes scientifiques spécialisés concerne en premier lieu les crédits versés à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), d'un niveau identique à celui de l'exercice précédent, dans le cadre d'une convention recouvrant la collecte, la saisie et le traitement des données relatives à l'activité des navires, ainsi que la réalisation des travaux d'expertise sur la gestion des ressources halieutiques. Il est essentiel que nous disposions d'expertises scientifiques de haut niveau afin de préserver les intérêts des pêcheurs face au principe de précaution trop souvent invoqué par la Commission européenne en l'absence de données fiables. Les expertises sont indispensables pour diagnostiquer l'état des ressources et leur niveau d'exploitation, et pour émettre des avis et recommandations permettant aux décideurs nationaux ou européens de prendre les mesures de gestion qui s'impose.

La préparation des actions dans le cadre du FEAMP demande un lourd travail administratif à la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA), dont je salue la compétence et l'implication auprès des pêcheurs. Cette direction doit définir un programme opérationnel national. Un groupe de travail État-régions a été mis en place sur le FEAMP et a tenu sa première réunion en Bretagne le 22 juillet. Il a validé la répartition des mesures entre l'État et les régions, qui leur consacreront une somme totale de 180 millions.

Pour autant, le retard pris dans la définition opérationnelle du FEAMP, qui n'est pas propre à la France – loin s'en faut –, génère des incertitudes tant pour l'administration que pour les différents acteurs du monde de la pêche. Lors des auditions que j'ai menées pour préparer cet avis, des interrogations et des inquiétudes se sont exprimées. La plus grande prudence s'impose dans la définition des premières actions à mener afin d'éviter tout risque d'annulation par la Commission.

Le Gouvernement a confié à l'inspection générale des finances (IGF) et à l'inspection générale des affaires maritimes (IGAM) une mission portant sur les conditions du renouvellement de la flotte de pêche française, les modalités de transmission des entreprises de pêche et leur financement. Ce rapport, dont la parution est imminente, permettra d'avancer sur un sujet majeur pour l'avenir de la pêche française, objet d'une attention particulière de la part des parlementaires. L'attente est très forte. Vous avez d'ailleurs déclaré vous-même le 24 octobre dernier au Guilvinec, monsieur le secrétaire d'État, que ce chantier serait votre priorité pour 2015.

Parmi les nombreux enjeux auxquels la filière doit faire face, la problématique de la première mise en vente des produits de la mer est clairement identifiée dans la nouvelle OCM. Un développement y est consacré dans le présent avis, dont je vous invite à prendre connaissance.

Trois questions pour terminer, monsieur le secrétaire d'État.

La lourdeur des procédures du FEAMP, à laquelle s'est ajouté le débat avec les régions pour la répartition des compétences, retarde l'attribution des aides européennes. Pouvez-vous nous fournir un calendrier du déploiement du nouveau dispositif ?

Le mois prochain, quand vous irez négocier à Bruxelles les quotas de pêche pour la France, quelles seront vos priorités ?

Enfin, quelles mesures sont envisagées pour renforcer l'expertise des ingénieurs halieutes, qui est de plus en plus nécessaire pour déterminer l'état de la ressource ?

M. Rémi Pauvros, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, pour les transports terrestres et fluviaux. Je ne reviendrai pas, après les rapporteurs spéciaux, sur la construction générale du budget dédié aux transports terrestres et fluviaux. J'insisterai pour ma part sur la suppression de l'écotaxe et sur le report de la taxe de péage transit poids lourds, qui n'est pas sans conséquences sur le budget de l'AFITF.

La nouvelle recette, assise sur une hausse générale de la TICPE, consolide le budget de l'Agence pour l'année 2015. Reste que le financement des infrastructures de transport ne peut que reposer sur des ressources dynamiques et pérennes. L'augmentation du diesel ne suffit pas à garantir l'application du principe utilisateur-payeur. Les poids lourds qui traversent la France doivent payer d'une façon ou d'une autre. Il faut prendre un engagement clair en faveur d'un financement qui sera sécurisé au-delà de 2015.

L'absence de visibilité et de pérennité, qui caractérise notre stratégie nationale de financement des infrastructures de transport, suscite des interrogations légitimes chez nos partenaires européens – je l'ai constaté en auditionnant les responsables des services de la Commission européenne. S'ils n'éprouvent aucune crainte sur le portage des grands dossiers d'infrastructures, pour lesquels la France s'est engagée dans le cadre du mécanisme européen d'interconnexion, le portage des projets d'envergure moyenne leur semble moins assuré. Ces inquiétudes doivent être surmontées par une clarification des sources de financement des infrastructures de transport et par une nouvelle hiérarchisation des priorités, définie par la commission Mobilité 21. Pour dégager les ressources nécessaires, certaines pistes innovantes, à l'image des projets d'obligations européennes, s'offrent à nous. Nous devons saisir ces nouvelles perspectives de financement.

Sur le transport ferroviaire, le rôle stratège de l'État ne doit pas rester un slogan. L'État doit prendre une position ferme face aux conséquences de la doctrine du tout-TGV. Si le TGV a été une réussite technologique incontestable pour la France, puisqu'il a permis d'entretenir un savoir-faire d'excellence au niveau national et qu'il a largement participé au développement industriel français, son développement s'est opéré au détriment des trains dits Intercités. Les visées premières de la grande vitesse n'ont pas engendré l'efficacité escomptée. Les difficultés financières rencontrées par les nouveaux projets de TGV sont préoccupantes. M. Rapoport, lors de son audition, a d'ailleurs laissé entendre que ces nouveaux projets seraient difficilement conciliables avec les efforts demandés en matière de maintenance et de sécurité.

L'année 2015 sera également un moment charnière pour les trains d'équilibre du territoire (TET). La renégociation de la convention qui lie l'État et la SNCF offre une occasion de débattre de la place que ces trains méritent d'occuper dans notre système ferroviaire. Depuis mon premier rapport pour avis sur ce budget, en 2012, j'appelle de mes voeux la mise en place d'une stratégie offensive. Nous devons concevoir un produit commercial clair : des parcours longue distance, une vitesse de 200 kilomètresheure, des tarifs abordables pour tous les usagers et un cadencement amélioré. Pour la population, proximité et accessibilité sont les exigences incontournables. L'opportunité économique de ce modèle est à saisir, entre l'offre TGV et l'offre TER.

L'adoption de la loi ferroviaire a beaucoup fait pour moderniser la gouvernance de notre système ferroviaire, réaffirmer le rôle stratège de l'État. Elle et assure la protection de notre service public ferroviaire face à l'ouverture à la concurrence au niveau européen. Ce principe doit être strictement respecté.

Nous pouvons aussi nous féliciter des réponses positives apportées à la question des relations entre l'État et les régions. Les représentants de l'Association des régions de France, que nous avons auditionnés dans le cadre de la préparation cet avis budgétaire, l'ont souligné.

Enfin, ce budget est également marqué par la mise en oeuvre des contrats de projet État-régions 2015-2020. L'enveloppe de l'État affectée au volet « mobilité intermodale » des contrats, qui a été annoncée par le Premier ministre, représentera 950 millions d'euros par an. Compte tenu du rôle structurant de ces outils pour nos territoires, pouvez-vous nous assurer qu'elle sera confortée ?

Sauvegardé des vicissitudes qui menaçaient l'AFITF, ce budget apparaît ambitieux et volontaire. Nous devons construire une vision durable pour notre politique de transport. Le débat doit être engagé, comme nous l'avions demandé en juillet, lors de l'examen de la loi ferroviaire. Il faut être au rendez-vous des possibilités d'investissements qui s'ouvrent au niveau européen, ainsi que des grands projets d'infrastructures d'avenir dans lesquels s'engage notre pays. Un schéma national des infrastructures de transport doit être élaboré, actualisé et mis au service de projets qui servent la mobilité, l'intermodalité et la transition énergétique.

M. Jean-Christophe Fromantin, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour les affaires maritimes. Mon intervention portera sur la partie « Affaires maritimes » du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » et sur les crédits portuaires du programme 203 « Infrastructures et services de transport ». Ces crédits sont stables, mais ne sont pas à la hauteur des atouts maritimes de notre pays et des enjeux stratégiques que représentent la densification et l'accélération des flux du commerce international, liées à la massification du transport de containers et au développement des chaînes de valeur à l'échelle mondiale. Plusieurs points toutefois, monsieur le secrétaire d'État, suscitent notre inquiétude.

Premièrement, l'importation croissante de produits pétroliers sous une forme raffinée menace notre flotte pétrolière, dans la mesure où, contrairement au pétrole brut, le pétrole raffiné échappe à l'obligation de transport sous pavillon français, qui avait été imposée par la loi pour assurer notre souveraineté dans le domaine de l'approvisionnement énergétique.

Deuxièmement, les pertes d'exploitation de la SNCM, qui atteignent 64 millions d'euros, place celle-ci dans une situation critique, en l'empêchant de faire face aux échéances du remboursement lié au contentieux européen.

Troisièmement, depuis que les ports autonomes sont devenus Grands ports maritimes (GPM), ils sont assujettis à la taxe foncière, dont le montant s'élèverait en vitesse de croisière à 25 millions d'euros par an. Cet assujettissement, qui vient d'être confirmé par le Conseil d'État, risque de briser net leur trajectoire de compétitivité. Il conviendrait donc qu'une décision politique intervienne afin qu'ils continuent d'être exonérés de la taxe foncière sur leur domaine portuaire.

Quatrièmement, la baisse des crédits de l'État consacrés au dragage des chenaux d'accès à nos ports maritimes, en particulier les ports d'estuaire, conjuguée à l'augmentation des coûts de ce dragage et à la diminution de l'autofinancement des ports – due en partie précisément à leur assujettissement à la taxe foncière –, risque de nuire aux filières industrielles de notre pays en diminuant l'attractivité de nos grands ports maritimes.

Cinquièmement, alors que, dans les ports de la rangée Nord, en Belgique et aux Pays-Bas, l'État autorise l'auto-liquidation de la TVA, la règle en France exige celle-ci soit d'abord acquittée avant d'être déduite ; du coup, la moitié du trafic de containers destinés à la France est déchargée à Anvers ou Rotterdam. On estime que la perte d'attractivité des ports du nord de la France coûterait 8 000 emplois et 1 milliard d'euros.

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