Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du 4 novembre 2014 à 16h20
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Le 29 avril dernier, à l'occasion de la présentation au Parlement du pacte de stabilité 2014-2017, le Gouvernement a annoncé son intention de réaliser 50 milliards d'euros d'économies sur la période 2015-2017.

La volonté du Gouvernement d'associer l'ensemble des administrations publiques à cet effort se traduit, pour le secteur local, par un effort de 11 milliards d'euros sur la durée du budget triennal 2015-2017. En 2015, la contribution des collectivités territoriales s'élèvera ainsi à 3,67 milliards d'euros. Pour mémoire, en 2014, leur participation au redressement des finances publiques était déjà de 1,5 milliard et j'espérais alors, comme beaucoup, qu'elle serait exceptionnelle. Las, il n'en aura rien été.

Je partage évidemment avec vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État la conviction que tous les acteurs de la sphère publique –État, collectivités locales, opérateurs publics– doivent être mobilisés pour atteindre cet objectif primordial qu'est la réduction des déficits.

Cependant, je dois vous avouer que je partage les inquiétudes des élus locaux quant aux les conséquences de cet effort sans précédent, jugé trop brutal par beaucoup. En effet, la réduction des dotations de l'État fait craindre l'accentuation du repli des investissements habituellement constaté au lendemain des élections locales. J'estime tout à fait indispensable de préserver, autant que possible, les capacités des collectivités territoriales à investir.

Il y va de l'avenir et de la qualité des services publics territoriaux, mais aussi, plus globalement, de la santé de notre économie nationale. Aussi indispensables soient-elles, les mesures envisagées pour l'assainissement des comptes publics ne sauraient en aucun cas se traduire par un affaiblissement des services que nos concitoyens sont en droit d'attendre sur chacun des territoires de notre pays.

À ce titre, je mesure à sa juste valeur l'effort constant en faveur de la péréquation mis en oeuvre par le gouvernement. En 2015, la progression de la péréquation « verticale » devrait doubler, 208 millions d'euros de plus étant transférés aux communes et 20 millions de plus aux départements, soit le double de la progression opérée en 2014. Quant au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), il poursuit sa montée en puissance, fidèle à la trajectoire inscrite dans la loi de finances pour 2010, ce dont je me félicite tout en mesurant les efforts demandés aux collectivités contributrices. L'ensemble des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales devrait représenter en 2015 près de 101 milliards d'euros à périmètre courant, soit un montant en diminution de 2,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont je rapporte les crédits, représente seulement 2,7 % des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales, soit environ 2,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement sur un total de 101 milliards d'euros, et un peu plus de 5 % des concours de l'État aux collectivités, dont le montant global est de 53,2 milliards d'euros. Elle ne retrace donc qu'une partie minime de l'effort financier de l'État.

J'en viens à quelques questions. Tout d'abord, je m'interroge sur les conséquences de l'amendement voté en première partie de la loi de finances pour 2015 visant à accroître encore plus la péréquation au bénéfice des communes-cibles de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Si j'en crois les éléments qui m'ont été fournis, cela reviendrait à majorer de 5 % en moyenne la minoration déjà prévue de la dotation globale de fonctionnement (DGF) au titre du redressement. Est-ce soutenable, madame la ministre ?

Compte tenu des difficultés financières récurrentes que rencontrent les départements, est-il envisageable, voire envisagé, de reconduire en 2015 le fonds de solidarité alimenté par un prélèvement sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), et mis en oeuvre en 2014 ? J'y suis personnellement favorable, sous réserve que l'on veille bien à exclure du bénéfice de ce fonds de solidarité les départements qui n'auraient pas utilisé la faculté d'augmenter leur taux de DMTO.

J'ai rappelé mes inquiétudes sur le niveau prévisible des investissements en 2015. Quels sont les dispositifs d'alerte que prévoit de mettre en place le Gouvernement, lui permettant, en tant que de besoin, de réagir en cas de chute plus sévère qu'attendu des investissements des collectivités territoriales ?

Par ailleurs, je me dois de faire remarquer que le projet de loi « NOTRE », qui prévoit de modifier significativement les compétences des collectivités locales, ne dit rien des moyens financiers qui leur seront affectés. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Pouvez-vous enfin nous dire quelques mots de la réforme annoncée de la DGF ? J'ai pu mesurer hier dans la Meuse, aux Assises de la ruralité, combien elle était attendue.

M. Olivier Dussopt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Comme l'a rappelé le président de la commission des lois, le programme de stabilité présenté par le Gouvernement va le conduire à engager une baisse progressive mais durable des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, à hauteur de 11 milliards d'euros sur trois ans.

Cette contraction inédite des transferts financiers, nécessaire à l'assainissement de nos finances publiques, aura lieu en même temps que les efforts effectués par l'État et les régimes de sécurité sociale. Cependant, je tiens à souligner que les collectivités supporteront 22 % de l'effort total fourni, alors que leur dette ne représente que 9,5 % du volume de l'endettement des administrations publiques et ne peut servir qu'à l'investissement public, dont elles ont réalisé 70 % en 2013.

Comme les auditions des associations d'élus locaux l'ont montré, les exercices budgétaires 2015 et 2016, et peut-être surtout ce dernier, vont obliger les collectivités à effectuer des choix et des économies dépassant le simple ajustement conjoncturel.

La plus lourde des conséquences sera très certainement une baisse de l'investissement public, alors que c'est un levier majeur de la relance et du soutien à la croissance économique.

En fait, cette compression des crédits transférés aux collectivités par l'État pourra avoir trois répercussions, entre lesquelles chaque collectivité territoriale devra arbitrer : faire des économies dans le champ de ses dépenses de fonctionnement, sachant que beaucoup le font déjà et depuis longtemps ; recourir à l'impôt ou à l'emprunt, mais nous savons que ce n'est une perspective bienvenue pour aucune collectivité, sauf peut-être celles qui n'ont jamais consenti un effort fiscal conforme à la moyenne ; renoncer, enfin, à dégager l'épargne brute nécessaire pour investir. Les réponses varieront d'une collectivité à l'autre, mais les enjeux sont d'importance car ils concernent la cohésion et l'avenir de nos territoires.

C'est pourquoi il me semble que notre débat doit contribuer à conforter deux solutions esquissées par le Gouvernement dans le projet de loi de finances : garantir la montée en puissance des dispositifs de péréquation prévue par la précédente majorité en 2010, en augmentant leurs enveloppes de 228 millions d'euros, afin que les territoires les plus fragiles voient compenser une grande partie de la baisse programmée des dotations ; limiter le plus possible l'impact de cette mesure sur l'investissement des collectivités territoriales en général.

Dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements pour aider les collectivités à maintenir leur effort d'investissement, mais il faut souligner que leur mise en oeuvre pourrait poser d'autres difficultés. Ainsi, le taux du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) a été revalorisé. Les enveloppes de la DSU et de la DSR ont été encore abondées de 89 millions d'euros. Enfin, une dotation de soutien à l'investissement local s'élevant à 423 millions d'euros a été créée.

Cependant, le financement de ces mesures a été assuré en ponctionnant des crédits d'ores et déjà destinés aux collectivités, comme les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), alors que ceux-ci sont généralement utilisés par les départements pour financer leurs politiques d'aide aux communes, ou comme la DGF des communes et des intercommunalités qui n'étaient pas encore au plafond de leur écrêtement de dotation forfaitaire.

Aussi, même si j'estime que l'intention est bonne, puis-je seulement constater que le financement de ces mesures n'est pas assuré par des ressources nouvelles et pérennes. Gardons aussi en tête le fait que les variables d'ajustement vont rapidement s'épuiser et que la nouvelle redistribution de DGF ainsi mise en place –avec une forte augmentation de la DSU-cible et de la DSR-cible– a pour conséquence une minoration supplémentaire pour les communes non éligibles à ces dispositifs de péréquation « verticale ».

Madame la ministre, c'est là ma première série de questions. Le Gouvernement a-t-il ainsi l'intention de dégager de réelles nouvelles ressources destinées spécifiquement à l'investissement local à l'avenir ? Va-t-il entériner la hausse des dotations de péréquation verticale prévue en première partie par l'amendement de notre collègue François Pupponi ?

Dans un second temps, je veux saisir l'occasion qui m'est donnée de rappeler que le deuxième volet de la réforme territoriale va prochainement être examiné par le Parlement. Dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), le Gouvernement propose de revenir sur la clause de compétence générale reconnue aujourd'hui aux régions et aux départements.

En l'absence d'étude générale ou de cas particuliers permettant de juger sur pièces de la nature et des montants de ces dépenses engagées sur le seul fondement juridique de la compétence générale, je ne peux que rester interrogatif quant à l'évaluation des conséquences précises de cette réforme, pouvant potentiellement concerner 15 % à 20 % du budget de ces collectivités, soit 6 à 7 milliards d'euros, mais aussi le financement de secteurs entiers d'activité. Aussi, madame la ministre, souhaité-je vous demander si le Gouvernement fera procéder à une telle étude avant l'examen du prochain projet de loi « NOTRE ».

Enfin, et j'en terminerai par ce troisième point, la montée en puissance du FPIC pose de manière toujours plus aiguë la question de la méthode de définition des contributeurs et des bénéficiaires. Je souhaite rappeler que les versements et prélèvements du FPIC sont déterminés en fonction du potentiel financier agrégé de l'ensemble intercommunal, puis répartis entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes. Parfois certaines communes fragiles situées sur le territoire d'EPCI relativement favorisés sont amenées à contribuer, tandis que des communes plutôt favorisées situées sur le territoire d'EPCI fragiles sont exonérées de cet effort de solidarité.

J'ai donc déposé des amendements qui visent à améliorer ce dispositif, afin de prendre en compte le cas des communes aux ressources disparates, en rendant plus attractif le dispositif de répartition sur critères objectifs et en facilitant le recours à la répartition libre, tout en conservant le principe d'unanimité des communes. Le Gouvernement les soutiendra-t-il ?

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