Je tenais à excuser la présidente de la commission des affaires sociales, qui est actuellement à l'Élysée et m'a demandé de la remplacer.
M. Gaby Charroux, suppléant M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » regroupe quatre programmes de poids budgétaire très inégal, dont la totalité des crédits s'élève à 15,75 milliards d'euros. Ils augmentent de 13,7 % à structure constante, compte tenu de la désaffectation du prélèvement de solidarité sur les produits de placement, qu'il a fallu compenser par une dotation budgétaire.
Le périmètre de la mission a significativement évolué cette année, et ne comprend plus que quatre programmes. En effet, en 2015, le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables » est supprimé, et les dispositifs qu'il portait précédemment sont intégrés au sein de l'action 16 « Protection juridique des majeurs » et de l'action 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables » du programme 304, renommé en conséquence « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire ».
L'évolution des crédits résulte cette année encore, à titre principal, de l'augmentation des dotations au programme 304 et de l'accroissement des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance ». C'est donc, pour deux programmes sur quatre, une augmentation quasi automatique, en tout cas nécessaire, liée à des dépenses dites de guichet, et qui témoigne des difficultés sociales croissantes de la population.
Les seules diminutions de crédits prévues le sont, cette année encore, sur le programme de soutien 124, qui concerne l'ensemble des moyens de fonctionnement des administrations participant à la mise en oeuvre des politiques sociales et sanitaires. Le rapporteur l'avait pourtant souligné l'an dernier : l'État devrait cesser d'amoindrir les moyens des services chargés de missions importantes en lien avec des collectivités elles-mêmes en difficulté, car cela met en danger le service public et ses exigences de continuité et d'égalité sur tout le territoire.
Je m'attarderai sur deux sujets préoccupants, qui appellent des précisions de la part du Gouvernement : le financement du revenu de solidarité active (RSA) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Le rapporteur spécial dénonce depuis plusieurs années les insuffisances de financement du RSA activité et l'assèchement de la trésorerie du Fonds national des solidarités actives (FNSA). L'exécution budgétaire 2013 a confirmé, hélas, ses prévisions pessimistes quant à la nécessaire ouverture de crédits supplémentaires avant la fin de l'année. Or cette ouverture de crédits n'a pas eu lieu, et l'année 2013 s'est achevée avec un report de charges de 148 millions d'euros de 2013 sur 2014, la trésorerie du FNSA, ramenée à 3 millions d'euros, étant littéralement asséchée. La Cour des comptes relève que, considérant l'obligation qu'a l'État d'assurer l'équilibre financier du FNSA, cette carence constitue une atteinte au principe de sincérité posé par l'article 32 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Pour 2014, la Cour des comptes considère, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, que le risque d'insuffisance de dotations est de l'ordre de 300 à 500 millions d'euros. Les services du ministère admettent de leur côté une insuffisance de financement de l'ordre de 300 millions d'euros ; ils concèdent également que le rendement du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ne devrait pas être de 1 840 millions d'euros, comme prévu dans le projet de loi de finances (PLF) 2014, mais de 1 452 millions.
Quelle ouverture de crédits est donc prévue avant la fin de l'année pour financer le RSA activité en 2014 ? Aura-t-elle lieu en loi de finances rectificative ? En considération de ces éléments alarmants, quelles sont les dernières évaluations pour 2015, compte tenu également du fait que le calibrage des crédits n'intègre que la revalorisation sur l'inflation prévisionnelle au 1er janvier 2015 et la revalorisation exceptionnelle annoncée pour le 1er septembre 2015, mais non l'effet volume de l'augmentation du nombre de bénéficiaires potentiels – évalués à 830 000, contre 761 000 en PLF 2014 ?
S'agissant enfin de l'AAH, il a été constaté cette année encore une forte augmentation de ses crédits, due non seulement aux revalorisations successives – la dernière, en octobre 2014 –, mais aussi à l'augmentation régulière du nombre de bénéficiaires. La projection de dépenses en 2014 pour l'AAH seule est de 8 497 millions d'euros pour 8 400 millions ouverts en loi de finances initiale. Cette situation devrait nécessiter un abondement de crédits en gestion : comment comptez-vous procéder ? Comment croire par ailleurs que les 8 524 millions de crédits destinés à l'AAH en 2015 seront suffisants ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour cette loi de finances initiale de 2015 sont la preuve de l'engagement de l'État au service des personnes les plus vulnérables. En dehors du programme 157 « Handicap et dépendance », qui fait l'objet d'un avis budgétaire spécifique, le montant global de ces crédits s'élève à 4,15 milliards d'euros, et seul le programme support 124 voit ses crédits diminuer, conformément aux engagements par le Gouvernement pour maîtriser l'emploi public.
Le programme 304, désormais intitulé « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », regroupe les anciens programmes 304 et 106. Ce nouveau programme 304, à l'architecture simplifiée, montre des crédits en très forte hausse. Tout d'abord, l'État tient ses engagements pris dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté adopté le 21 janvier 2013 : il revalorisera le RSA de 2 % le 1er septembre 2015, en plus de la revalorisation indexée sur l'inflation. Ce maintien de l'effort financier en faveur des plus démunis, dans un contexte budgétaire aussi contraint, doit être salué.
Les 595 millions d'euros de crédits ouverts en 2014 pour le RSA activité sont passés à 2,33 milliards d'euros de crédits demandés pour 2015, car le mode de financement du RSA a été modifié. En effet, le FNSA était jusqu'à présent financé par une fraction de 1,37 % du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine, que venait compléter la contribution du programme 304, qui intervenait comme une subvention d'équilibre. À partir de 2015, le produit de cette fraction du prélèvement de solidarité viendra abonder les comptes sociaux, le budget de l'État compensant cette perte de recettes pour un montant équivalent. La clarification qu'apporte ce financement simplifié était attendue.
J'aurais néanmoins souhaité connaître le produit de ce prélèvement en 2014. En effet, je ne voudrais pas être amené à faire le constat que, en fondant dans l'ensemble des comptes sociaux le produit de cette contribution de 1,37 %, initialement créée exclusivement pour le financement du RSA activité, nous perdons une recette dynamique. En effet, l'annonce faite par le Président de la République, le 20 août 2014, de la fusion entre la prime pour l'emploi (PPE) et le RSA activité, conformément au rapport que j'ai remis le 15 juillet 2013 au Premier ministre, ne pourra se faire à budget constant. Le Président de la République l'a d'ailleurs lui-même souligné, le 14 octobre dernier, en présence de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, lors du point d'étape sur le plan de lutte contre la pauvreté. Je regrette que cette fusion ne soit pas proposée dans ce projet de loi de finances initiale, mais je reste néanmoins confiant sur la possibilité qu'elle soit mise en oeuvre pour le 1er janvier 2016.
Je souhaiterais revenir sur les raisons qui ont motivé la fin du financement de l'Aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE). Créée en 2009, destinée aux bénéficiaires du RSA et conditionnée à une offre ferme d'emploi ou de formation, l'APRE doit lever les freins périphériques à la reprise d'activité tels que les problèmes de mobilité, de garde d'enfant, voire des soucis vestimentaires. La bonne gestion de cette prestation entièrement financée par l'État, mais déconcentrée et redéployée en grande partie auprès des conseils généraux, des associations et, plus marginalement, de Pôle emploi, souffre de son éparpillement. La diminution régulière du montant des crédits accordés à l'APRE depuis 2010 a tenu compte de leur très forte sous-consommation. Si les faiblesses du dispositif, notamment la complexité de sa gestion liée à la diversité des opérateurs, entraînent légitimement sa remise en question, pouvez-vous néanmoins, madame la ministre, nous indiquer de quelle façon sera repris l'accompagnement des demandeurs d'emploi qui bénéficiaient de ce dispositif ?
Les crédits de l'aide alimentaire – plus de 32 millions d'euros – sont reconduits, et c'est à nouveau un motif de satisfaction. Une inquiétude subsiste néanmoins : le nombre de bénéficiaires prévu est de 4 millions contre 3,5 millions en 2014. Par ailleurs, si je me réjouis de voir les épiceries sociales soutenues par l'État pour un montant de 7,9 millions d'euros, pouvez-vous m'assurer que cet effort légitime en faveur d'un modèle qui a fait ses preuves ne se fait pas au détriment des têtes de réseau chargées de l'aide alimentaire nationale ?
J'en arrive au programme 137 en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Les crédits globalement maintenus à l'identique méritent un satisfecit sans réserve. Ils prouvent, s'il en était besoin, l'engagement volontariste de l'État envers la défense des droits des femmes. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, où en sont le déploiement de l'accueil de jour des femmes et l'amélioration de la permanence téléphonique du 3919, « Violences femme info », prévus dans le cadre du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes ?
Enfin, la partie thématique de cet avis budgétaire est consacrée à la protection de l'enfance. Si les crédits accordés au Groupement d'intérêt public de l'enfance en danger (GIPED) sont satisfaisants, les auditions ont soulevé de nombreuses questions. Les sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier ont déposé au Sénat, en septembre 2014, une proposition de loi relative à la protection de l'enfance. Vous allez vous-même, madame la ministre, mettre en place un comité de suivi sur ce thème. Sans anticiper sur ces travaux, la présente commission ne se prêtant pas à l'examen des multiples questions soulevées par des auditions convergentes, il me semble néanmoins nécessaire de renforcer le pilotage national, de réaffirmer la primauté des droits de l'enfant sur ceux des parents et d'améliorer la prévention et la détection des situations de maltraitance. Le contrôle de la qualité de la prise en charge et de son adaptation au parcours de l'enfant semble être un maillon particulièrement faible de cette politique publique. J'aimerais recueillir votre sentiment sur ces différents points.
Cela dit, je me réjouis des efforts financiers que porte cette mission en faveur des personnes les plus vulnérables.