Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 28 octobre 2014 à 9h30
Commission élargie

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

En matière de politique sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a tendance à écraser les missions budgétaires du PLF. Si certains domaines auxquels se rattachent ces missions relèvent exclusivement du budget de l'État, d'autres se partagent entre le budget de la sécurité sociale – en général, pour des montants beaucoup plus importants – et le budget de l'État.

Cela étant, le projet de loi de finances et la mission que nous examinons aujourd'hui s'inscrivent dans la perspective générale du redressement des comptes publics, assise sur la maîtrise des dépenses et le sérieux budgétaire. J'indique d'emblée avec fermeté qu'il reflète également la volonté du Gouvernement de garantir les orientations sociales qui sont les siennes. Pour cela, nous souhaitons rendre plus efficaces nos politiques sociales, en réorientant certaines d'entre elles.

La solidarité reste notre priorité, ce qui se traduit, très concrètement, par le fait que les crédits de la mission sont préservés. Ils évoluent pour tenir compte des besoins d'accompagnement des publics vulnérables, et les efforts d'économie ont été limités. Je remercie le rapporteur pour avis Christophe Sirugue d'avoir souligné que les engagements du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté étaient tenus. Je ne peux laisser dire en revanche que les moyens liés à l'insertion sont en repli. Les crédits affectés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmentent au sein d'un budget général tenu à une évolution nulle, et cette mission est parmi les missions du budget de l'État qui connaissent l'évolution la plus importante entre 2014 et 2015, signe que le Gouvernement assume des dépenses de solidarité fortes dans un contexte économique contraint, précisément parce que ce contexte est particulièrement difficile pour les personnes les plus vulnérables.

Le programme 304 « Lutte contre la pauvreté, inclusion sociale et protection des personnes » comporte pour 2015 les crédits nécessaires à la revalorisation exceptionnelle du RSA – revalorisation de 2 % au 1er septembre 2014, prévue par le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, dans la perspective d'une revalorisation de dix points au-dessus de l'inflation d'ici à la fin du quinquennat.

Le financement du FNSA, qui supporte en particulier les dépenses liées au RSA, a été modifié. En effet, dans le cadre des opérations de transfert entre l'État et la sécurité sociale, qui ont suivi la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité, nous avons affecté à la sécurité sociale l'intégralité de la recette des prélèvements de solidarité, soit 2 534 millions d'euros. Conformément à nos engagements, la perte de recettes pour le FNSA a été intégralement compensée par l'apport de crédits budgétaires, à hauteur de 1 735,9 millions d'euros – soit la fraction des prélèvements sociaux sur les revenus du capital affectés antérieurement au FNSA –, mais aussi par le transfert d'une fraction du 1 % de solidarité aujourd'hui affecté au Fonds de solidarité, et cela pour un montant de 200 millions d'euros. Il s'agit donc d'une opération de simplification des règles d'abondement du FNSA, qui n'affectera pas les capacités de financement des dispositifs de solidarité.

Les craintes exprimées par Gaby Charroux sur le financement du FNSA s'expliquent par le fait que ce financement était jusqu'à présent assuré par des recettes fiscales, les prélèvements de solidarité sur le capital, dont la loi de finances initiale ne peut, par définition, produire qu'une estimation, d'où, lorsqu'elles ne sont pas réalisées, des bouclages difficiles. La rebudgétisation de ces dépenses est donc une bonne nouvelle, puisque cela nous permet de mieux maîtriser l'évolution des recettes affectées. Si, toutefois, nous devions constater des impasses de financement au regard des besoins, nous ouvririons des crédits supplémentaires en fin de gestion. L'État ne manquera pas à ses obligations envers les bénéficiaires du RSA.

Le programme 304 comporte également une mesure d'économie, puisque nous ne prévoyons aucun abondement du FNSA au titre de l'APRE. Créée en 2009, cette aide était conçue à l'origine pour s'adapter aux besoins des personnes engagées dans la recherche d'un emploi. Ce dispositif comportait néanmoins des limites importantes. D'une part, il ne pouvait être versé qu'aux bénéficiaires du RSA reprenant effectivement une activité et non aux bénéficiaires en recherche d'emploi, alors que les demandeurs d'emploi ont des besoins et des attentes particulières. Par ailleurs, l'APRE devait être attribuée en complément des aides proposées par Pôle emploi, selon une logique de subsidiarité relativement complexe à mettre en oeuvre par les acteurs locaux. Depuis 2011, les taux de consommation de cette aide sont donc restés bas, et très disparates d'un département à l'autre.

C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d'une simplification des aides et des soutiens apportés aux demandeurs d'emploi, autour de l'opérateur principal qu'est Pôle emploi. Depuis le 1er janvier 2014, les aides à la mobilité et à la garde d'enfant de Pôle emploi ont été refondues pour être recentrées sur les publics les plus en difficulté. Les directeurs d'agence peuvent mobiliser une enveloppe spécifique, qui leur permet de financer des projets locaux innovants en matière d'insertion. Par ailleurs, Pôle emploi a pour objectif, dans sa convention 2015-2017, de développer son action en direction des publics fragiles. Il lui appartient à ce titre de développer l'accompagnement global des chômeurs et de mettre en place des réponses à leurs besoins sociaux et professionnels, en lien avec les acteurs de l'insertion au plan local. Ce sont mille conseillers qui seront dédiés à cet accompagnement global au sein du réseau.

S'appuyant sur le rapport de Christophe Sirugue, le Président de la République a annoncé la fusion du RSA et de la PPE, mesure dont les ambitions vont au-delà de la simplification administrative. À cette heure, le Gouvernement n'a pas encore statué sur les modalités du nouveau dispositif dont les lignes directrices seront les suivantes : il devra permettre d'abord de valoriser l'activité des personnes les plus modestes, mais pas uniquement ; il devra ensuite être simple à mettre en place et lisible pour ses bénéficiaires, au contraire de la PPE à laquelle les publics éligibles ne savent pas toujours qu'ils ont droit ; enfin, il devra pouvoir bénéficier aux jeunes actifs.

Les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » sont composés aux trois quarts des financements de minima sociaux destinés spécifiquement aux personnes porteuses de handicap, l'allocation adulte handicapé et l'allocation supplémentaire d'invalidité. Cette dépense restera dynamique dans les années à venir, ce qui ne va pas sans préempter les marges de manoeuvre de nos budgets. À ceux qui craignent que les crédits prévus soient insuffisants, je ne peux que répondre par une évidence : ce sont des prestations dues et elles seront versées à leurs bénéficiaires. Si nos lignes budgétaires devaient se révéler insuffisantes – ce que nous n'anticipons pas –, nous les abonderions en ouvrant des crédits supplémentaires.

Nous n'avons pas prévu de création de places dans les ESAT, mais nous faisons en leur faveur des efforts budgétaires, puisque le tarif plafond, stable depuis plusieurs années, a été revalorisé. Nous poursuivons par ailleurs nos efforts en faveur de l'investissement dans ces établissements, en privilégiant tout particulièrement les projets de modernisation de l'outil productif, à même de repositionner ou de mieux positionner les ESAT sur des marchés porteurs. En effet, si les ESAT ont une composante sociale et médico-sociale, ce sont aussi des entreprises qui peuvent rencontrer du succès dans leur domaine.

Enfin, nous avons ouvert un atelier sur l'emploi et la formation professionnelle des personnes en situation de handicap, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap. Nous porterons par ailleurs la plus grande attention au rapport que doit nous remettre Annie Le Houérou sur l'accompagnement des personnes handicapées. Je ne veux pas aujourd'hui anticiper sur ces réflexions. C'est le Président de la République qui conclura en personne les travaux de la Commission nationale du handicap et donnera les orientations de notre politique publique en la matière pour les cinq prochaines années.

En ce qui concerne le programme 137, le Gouvernement s'est attelé à faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale, tout comme la promotion des droits, la prévention et la lutte contre les violences sexistes. Depuis 2012, les crédits consacrés à ces actions ont significativement augmenté de 25 %.

Le déploiement de l'accueil de jour des femmes victimes de violences fait partie des mesures du quatrième plan triennal de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, qui court jusqu'en 2016. Les accueils de jour permettent aux femmes d'être écoutées et orientées dans leurs différentes démarches. On les y prépare à l'autonomie, en les accompagnant dans le processus de séparation qu'elles traversent. Cent quatre accueils de jour sont désormais installés et consolidés dans quatre-vingt-quatorze départements. Le numéro de référence d'accueil téléphonique et d'orientation des femmes victimes de violences prend appui sur la permanence téléphonique du 3919, gérée par la Fédération nationale solidarité femmes, ainsi que sur la mise en réseau des autres numéros existants. Depuis le 1er janvier 2014, ce service est gratuit depuis un poste fixe et mobile, et il est accessible sept jours sur sept. Les crédits affectés à ces actions permettent à la Fédération nationale solidarité femmes de tenir les objectifs qui lui sont assignés dans sa convention pluriannuelle. L'objectif d'un taux de réponse de 80 % a été atteint, et le nombre d'appels traitables est passé de 4 000 par mois en 2013 à 7 000 en 2014.

Le Gouvernement, comme notre ministère, est donc fortement mobilisé en faveur des personnes qui ont besoin, à un titre ou à un autre, de soutien. Il s'agit de personnes dans des situations très diverses, qu'il faut accompagner, parfois en leur procurant des revenus de remplacement, en tout cas en les armant pour relever les défis auxquels elles sont confrontées. Malgré le cadre économique et budgétaire contraint que nous connaissons, je réaffirme ici que ces politiques sociales demeurent une priorité.

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