Intervention de Ségolène Neuville

Réunion du 28 octobre 2014 à 9h30
Commission élargie

Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion :

En ce qui concerne l'aide alimentaire, je voudrais rassurer Christophe Sirugue et Gisèle Biémouret : le FEAD couvre la période 2014-2020 et une augmentation annuelle de la part européenne, mais aussi nationale, est prévue. Voici les chiffres exacts, qui vous montreront que toutes les lignes sont en augmentation. La part nationale passe de 11,85 à 12,09 millions d'euros ; l'enveloppe destinée aux épiceries sociales est portée de 7,55 à 7,91 millions d'euros, soit 2 % de hausse, et les crédits déconcentrés passent de 7,6 à 8,02 millions d'euros. Enfin, le soutien aux associations passe de 4,37 à 4,62 millions. La quantité des denrées données va augmenter avec le nombre de bénéficiaires.

Les quatre grandes associations agréées pour répartir l'aide alimentaire européenne continueront de recevoir en sus un soutien financier de l'État pour organiser leurs réseaux de distribution. Les subventions accordées en 2014 seront maintenues en 2015 : 150 000 euros pour la Croix-Rouge, 225 000 pour les Restos du Coeur, 1,5 million pour la Fédération française des banques alimentaires et 91 000 euros pour le Secours populaire. Il convient d'y ajouter les fonds destinés aux trois grands réseaux nationaux d'épiceries sociales que sont l'Association nationale de développement des épiceries solidaires, l'ANDES – 610 000 euros –, les Paniers de la mer – 126 000 euros – et l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), pour 55 000 euros.

Madame Biémouret, les crédits destinés aux épiceries solidaires sont bien inscrits dans le triennal ; l'effort a donc vocation à être poursuivi, suivant la même progression que le FEAD, soit 2 % par an. L'habilitation des associations leur permet d'accéder à des denrées, mais ne sont éligibles au financement national que celles qui jouent un rôle de tête de réseau, notamment en formant des bénévoles, ce qui est le cas des quatre que j'ai citées. Vous vous inquiétiez d'une baisse des crédits, mais les crédits nationaux, hors FEAD et hors épiceries solidaires, sont en augmentation puisqu'ils passent de 11,9 millions d'euros en 2014 à 12,6 en 2015.

En ce qui concerne l'expérimentation destinée à évaluer l'employabilité des personnes handicapées, elle a été menée dans dix MDPH entre 2011 et 2012, conformément à un engagement de la Conférence nationale du handicap en 2008, avant d'être étendue, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et du comité interministériel du handicap, et au vu de l'accueil très favorable des personnes handicapées. Naturellement, le service public de l'emploi – Cap emploi et Pôle emploi – participe à l'expérimentation. La demande est forte. L'expérimentation élargie concernera vingt-neuf MDPH. Elle sera financée par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et par la CNSA à hauteur de 7 millions d'euros.

Afin de pérenniser ce dispositif qui fonctionne très bien, il va falloir mobiliser d'autres financeurs et convaincre l'ensemble des MDPH et des conseils généraux. Si l'extension de l'expérimentation a pris du temps, c'est parce qu'il a fallu au préalable l'évaluer et que la CNSA a souhaité commencer par résoudre les difficultés ainsi révélées, notamment en harmonisant, dans ce domaine précis, les systèmes d'information des MDPH.

Les aides techniques destinées aux personnes handicapées, qui vont du fauteuil aux adaptations du véhicule ou du logement, dépendent de plusieurs financeurs – assurance maladie, prestation de compensation du handicap (PCH), fonds départemental de compensation du handicap (FDC) –, ce qui complique les démarches des demandeurs. L'IGAS a consacré l'année dernière à ce sujet un rapport qui souligne la grande diversité des prix, faute de régulation, ainsi que le déficit d'informations indépendantes, fiables et de qualité et la multiplicité des intervenants au lieu d'un dispositif efficace de prise en charge qui permettrait de maîtriser la dépense publique. Le ministère a prévu de relancer l'IGAS en vue d'une mission d'approfondissement. Nous devons absolument instaurer un système de régulation des prix, notamment en mutualisant les achats, et combler le manque d'informations indépendantes. Sur ce dernier point, les expérimentations menées n'ont pas été concluantes ; c'est désormais la CNSA qui est chargée de ce dossier.

Madame Orliac, l'accessibilité électorale est l'une de nos priorités. Vos préconisations en la matière font actuellement l'objet d'une expertise par les ministères des affaires sociales et de l'intérieur, dont les conclusions seront annoncées par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, en décembre.

La Garantie jeunes à propos de laquelle Mme Geoffroy nous a interrogées est une aide financière mensuelle d'un montant équivalent au RSA, destinée à l'accompagnement social et professionnel intensif de jeunes qui ne suivent pas d'études, n'ont pas de travail et sont généralement isolés, sans soutien familial. D'abord expérimentée dans dix départements, elle concernait au 30 août dernier 5 728 jeunes, dont 1 788, soit plus de 22 %, pour la seule île de la Réunion. Elle sera étendue en 2015 à quarante nouveaux départements, dont une première vague dès janvier, afin d'être généralisée par la suite. L'objectif est de toucher 50 000 jeunes dès 2015, comme l'a annoncé le Premier ministre.

Le problème des places pour personnes handicapées au sein des établissements médico-sociaux est un vaste sujet, car il existe une grande diversité d'établissements. Le nombre total de places est évalué à 470 000 ; 3 000 à 4 000 nouvelles places ouvrent chaque année, tous établissements confondus. Et pourtant, dans les départements, les files d'attente demeurent, voire s'allongent, et des personnes handicapées continuent d'être hébergées en Belgique. Autrement dit, ce n'est pas seulement en ouvrant de nouvelles places – même si nous allons naturellement continuer de le faire – que l'on pourra résoudre le problème des files d'attente.

Plusieurs pistes de réflexion ouvertes par Marie-Arlette Carlotti sont en cours d'exploration, à commencer par la scolarisation des enfants handicapés. Il existe des places en institut médico-éducatif (IME), mais c'est à l'ouverture de classes spécialisées au sein de l'éducation nationale que nous travaillons actuellement, notamment avec les unités d'enseignement en maternelle pour les enfants autistes. Tel était bien le sens de la loi de 2005 : une société plus inclusive. Il convient donc de développer les modes d'accueil et d'accompagnement des personnes handicapées au sein même de la société « normale », à tous les âges de la vie. Certes, ce n'est pas toujours possible : les personnes lourdement handicapées qui sont en maison d'accueil spécialisée y resteront. Mais le Gouvernement entend développer encore davantage la scolarisation des enfants handicapés, au-delà des 10 % de hausse qu'elle connaît actuellement chaque année.

Le problème se pose dans les mêmes termes s'agissant du travail des personnes handicapées. Sur le nombre de places en ESAT et dans les entreprises adaptées, j'ai été notamment interrogée par Mme Le Houérou, qui termine actuellement un rapport sur l'emploi des personnes handicapées. Les ESAT, très divers, accomplissent des missions très variées : dans certains, qui délivrent des formations, on ne passe que quelques mois ; ailleurs, on restera trente-cinq ou quarante ans – une vie entière.

Dans ce domaine aussi, plusieurs chantiers ouverts avant moi sont en cours. Pour résoudre le problème du vieillissement des travailleurs handicapés qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent plus travailler à temps plein, il faut développer le temps partiel et le travail séquentiel en ESAT, ce que ne permet guère le fonctionnement actuel à la place, très rigide. Autre chantier : le repérage des travailleurs en ESAT et en entreprise adaptée qui seraient susceptibles de rejoindre le milieu ordinaire de travail. Il s'agit, conformément aux orientations préconisées par Mme Le Houérou, de développer l'accompagnement par les travailleurs sociaux hors du milieu protégé, et plus généralement, dans l'esprit de la loi de 2005, de recourir de plus en plus au droit commun, moyennant accompagnement et compensation. Enfin, nous mettons la dernière main à un référentiel de prestations pour l'accompagnement des personnes handicapées, destiné aux ESAT. Est également prévu un guide pratique de la commande publique à l'intention des ESAT et des entreprises adaptées – qui, comme le disait Marisol Touraine, n'en sont pas moins des entreprises, amenées comme telles à tenir compte des demandes du marché pour vendre leurs produits.

Ces différents chantiers devraient aboutir au moment de la Conférence nationale du handicap, notamment grâce aux travaux parlementaires.

S'agissant enfin de la mission de l'IGAS sur l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA outre-mer, elle a débuté le 4 juin 2014 à la demande du ministre du travail, François Rebsamen, et de la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin. Nous attendons ses conclusions, madame Orphé.

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