Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 23 octobre 2014 à 15h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

, rapporteur pour l'accès au droit et à la justice, a porté son attention sur l'accès au droit qui apparaît comme une nécessité dans une société de plus en plus complexe. Cette question est également abordée dans le cadre de la réforme des professions juridiques réglementées à laquelle nous travaillons avec le ministère de la justice.

Mme Nathalie Nieson, rapporteur pour la protection judiciaire de la jeunesse, a choisi d'évoquer les jeunes filles auteures d'infractions dont la prise en charge s'avère délicate en dépit du faible nombre de cas.

Enfin, pour M. Guillaume Larrive, rapporteur pour l'administration pénitentiaire, il n'est sans doute pas nécessaire de présenter le thème qu'il a choisi puisque la presse s'en est largement fait l'écho, avant même que les parlementaires aient pu en avoir connaissance. La radicalisation en prison ne manquera pas de susciter des débats.

M. Étienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits relatifs à la justice. Les réponses au questionnaire budgétaire ont été tardives. Je remercie néanmoins les services qui y ont travaillé sans désemparer.

Le budget de la justice pour 2015 présente la particularité d'être, encore plus que l'an dernier, problématique quant à l'adéquation des moyens aux besoins.

C'est vrai pour les dotations de crédits de personnel, qui ne sont pas en rapport avec les créations d'emplois annoncées. L'immobilier pénitentiaire, réputé prioritaire, a subi de fortes annulations de crédits en 2013 et en 2014. Les frais de justice et les moyens de fonctionnement des juridictions sont insuffisamment dotés. Le financement de l'aide juridictionnelle ne semble pas encore assuré.

La justice constitue une fonction régalienne de l'État. Comme l'écrit la Cour des comptes dans sa note sur l'exécution du budget 2013, « les annulations et les redéploiements de crédits du titre 5 au profit des dépenses de fonctionnement manifestent un renoncement aux projets à moyen et long terme, au profit de préoccupations de gestion plus immédiates. La Cour estime que le ministère de la justice ne peut durablement sacrifier les crédits d'investissement sans compromettre à terme la mise en oeuvre de ses missions. »

J'aurai cinq questions à poser. La première porte sur la maîtrise budgétaire des frais de justice. La Cour des comptes a réalisé, à la demande de la commission des finances, une enquête exhaustive, qui met en évidence l'absence de maîtrise de ce poste de dépenses : la liberté des ordonnateurs de fait est totale, le contrôle des engagements défectueux, la mesure des engagements souscrits très approximative.

Pour 2015, la dotation annoncée est manifestement sans rapport avec les besoins : 450 millions, dont au moins 378 millions pour des restes à payer mal connus, sachant que la dépense effective en 2013 s'établit à 474 millions. Vos propres services considèrent qu'il manque 147 millions sur le poste des frais de justice pour assurer l'exécution budgétaire de 2014.

Comment arriver à maîtriser ce poste de dépenses ? Des économies, que nous jugeons minimes, sont annoncées grâce à la systématisation du recours à la plateforme d'interception judiciaire et grâce à une réforme de la médecine légale.

Il est prévu également que la direction des services judiciaires s'engage dans la mise en oeuvre d'un plan d'actions en faveur de la maîtrise des frais de justice, articulé autour de plusieurs axes : le premier relatif à la mobilisation de l'ensemble des acteurs en matière de frais de justice ; le deuxième portant sur l'achat public en matière de frais de justice ; le troisième ayant trait au renforcement du pilotage et du suivi budgétaire.

Cela peut-il suffire ? Je ne le pense pas. La Cour des comptes formule des préconisations beaucoup plus audacieuses. Elle propose de réexaminer la catégorie des frais de justice pour en exclure les dépenses qui se rapportent au fonctionnement courant des juridictions ; elle envisage l'application du droit commun de la comptabilité publique au paiement des dépenses tarifées ; elle plaide pour l'amélioration de la connaissance des composantes des dépenses de frais de justice.

Ne faut-il pas aller plus loin que ce que propose le Gouvernement et suivre les préconisations de la Cour ?

Ma deuxième question porte sur l'évolution des indicateurs. La mesure de la performance fait l'objet d'une vaste réforme. Curieusement, le taux de réponse pénale disparaît, sans explication. Certains indicateurs ne sont pas renseignés ou incomplètement : c'est le cas des délais de traitement des procédures pénales, du nombre d'affaires traitées par magistrat ou fonctionnaire, du taux de mise à exécution ou encore des délais de mise à exécution. Les données de stock des peines fermes en attente d'exécution ne sont pas disponibles pour 2013.

Pouvez-vous m'expliquer ce déficit d'information et y remédier afin que les rapporteurs puissent convenablement exercer leur mission ?

La troisième question a trait au décalage entre les créations d'emplois annoncées et la réalité. La masse salariale est insuffisamment calibrée.

L'exécution budgétaire 2013 a mis en évidence la réalisation d'économies sur les effectifs, alors que le budget de la justice avait été présenté comme prioritaire. Alors que les plafonds d'emplois devaient être portés à 77 542 ETPT en 2013 – contre 75 508 ETPT réalisés en 2012 –, la réalisation 2013 s'établit à 75 833 ETPT, à peine supérieure à celle de 2012, sachant de surcroît que les transferts nets sortants ont été inférieurs de 101 ETPT aux prévisions de la loi de finances initiale. La non-réalisation des ETPT au regard du plafond fixé en loi de finances initiale est de 1 709, hors transferts. Alors que le PAP 2013 faisait de la protection judiciaire de la jeunesse une priorité pour les créations d'emplois en 2013, ses effectifs budgétaires sont inférieurs en 2013 à ceux de 2012.

Si le Gouvernement tient vraiment à augmenter les effectifs du ministère de la justice, il lui est loisible, plutôt que d'annoncer des créations d'emplois, d'augmenter les dotations de masse salariale.

Ma quatrième question se rapporte à l'application de la contrainte pénale. La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines suppose des créations de postes, en particulier de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Or, selon vos services, le nombre de dossiers suivis par CPIP a augmenté de 2012 à 2013 et continuera d'augmenter sauf création de postes massive.

Enfin, les constructions pénitentiaires constituent une autre priorité pour le Gouvernement. Mais les dotations de crédits de paiement d'investissements pénitentiaires progressent peu de 2014 à 2015, de 20 millions d'euros pour atteindre 373,5 millions d'euros. La gestion 2013 a été caractérisée par un niveau inédit d'annulations sur l'immobilier pénitentiaire. Nous aimerions là aussi connaître les intentions du Gouvernement, notamment au regard du plan triennal.

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