Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 23 octobre 2014 à 15h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à la justice administrative et judiciaire. Mon avis budgétaire est consacré à la réforme du statut des personnels des greffes. Je souhaiterais néanmoins dire quelques mots rapides du budget de la justice judiciaire.

Je me félicite que le budget de la justice reste, cette année encore, un budget prioritaire. Bien que prenant sa part dans l'effort de redressement de nos finances publiques, il augmentera de 2,3 % en 2015. Cet effort mérite d'être salué tant l'ampleur du retard accumulé au cours de la précédente législature le justifie. Les juridictions et les personnels qui assurent le fonctionnement quotidien de la justice continuent en effet à se trouver plongés, pour beaucoup, dans des situations difficiles.

J'avais vivement regretté, l'année dernière, lors de l'examen du budget, que rien ne soit fait pour revaloriser les rémunérations et le statut des personnels des greffes, qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des juridictions. Il m'apparaissait indispensable que le Gouvernement adresse un message fort de reconnaissance à ces personnels, dont les tâches et les responsabilités n'ont cessé de s'accroître, alors que leur statut n'a pas été revalorisé depuis 2003. C'était d'autant plus indispensable que les greffiers joueront un rôle considérable dans les actions pour la justice du quotidien que vous avez engagées pour construire la justice du xxie siècle.

Vous m'aviez réaffirmé votre volonté d'avancer sur ce dossier. Vos paroles ont été suivies par des actes. Je me félicite que, grâce à vos efforts, les négociations avec les organisations syndicales représentatives, mais aussi les ministères du budget et de la fonction publique – ce qui n'était pas rien – aient abouti, le 15 juillet dernier, à un protocole d'accord sur les perspectives d'évolution statutaire des personnels des greffes.

Ce protocole, que j'ai étudié attentivement, prévoit une réforme ambitieuse du statut des greffiers en chef et des greffiers, ainsi que d'importantes avancées pour les fonctionnaires des corps communs du ministère de la justice qui travaillent dans les greffes.

La transformation du corps des greffiers en chef en un corps de directeurs de greffe, la revalorisation de leur grille et la création d'un statut d'emploi de directeur de greffe fonctionnel permettent de mieux reconnaître les fonctions d'encadrement de ces fonctionnaires.

La revalorisation de la grille des greffiers et la création, unique pour un corps de catégorie B, d'un statut d'emploi valorisant leurs compétences constituent également des avancées dont nous pouvons tous nous réjouir.

Les secrétaires administratifs et les adjoints administratifs et techniques, qui jouent un rôle essentiel au sein des greffes, n'ont pas été oubliés et je me félicite, en particulier, de l'accélération du dispositif d'intégration dans le corps des greffiers des secrétaires administratifs « faisant fonction », qui sont nombreux, et de la garantie qui leur est offerte de bénéficier d'une affectation de proximité.

Ce protocole est une étape importante, mais je ne le considère pas comme un point d'arrivée. Il doit s'inscrire dans une démarche plus large, qui conduira à redéfinir les missions des greffiers. Cette réflexion, vous l'avez engagée dans le cadre des travaux de la réforme « justice du xxie siècle ».

L'un des rapports des groupes de travail, le rapport Delmas-Goyon, a proposé de créer un véritable greffe juridictionnel, auquel certaines des compétences actuellement exercées par les magistrats pourraient être confiées, afin de permettre à ces derniers de se recentrer sur la prise de décision et sur les contentieux complexes.

Je songe, par exemple, à la possibilité d'ordonner des mesures d'instruction avec l'accord des parties, de soulever d'office l'incompétence territoriale ou des irrecevabilités manifestes, ou encore à une compétence générale propre en matière d'homologation gracieuse ou à une compétence déléguée en matière d'injonction de payer. Que pensez-vous de ces propositions ?

Vous avez par ailleurs annoncé, dans vos deux circulaires du 8 octobre dernier relatives aux expérimentations sur l'assistance au magistrat et sur l'accueil unique du justiciable, que les juridictions dans lesquelles ces expérimentations seront menées bénéficieront de renforts, ce qui est une condition indispensable à leur réussite. Pourriez-vous nous préciser les effectifs qui seront affectés à cette fin ?

Une autre condition de la réussite de la réforme « justice du xxie siècle » est, à mon sens, que le tandem « greffier-magistrat » fonctionne bien, sans tensions. Cela n'est pas toujours le cas. Ne pensez-vous pas qu'il serait utile pour bâtir, dès la formation initiale, une culture professionnelle commune, de développer les formations communes aux auditeurs de justice et aux futurs greffiers et greffiers en chef ?

Enfin, pourriez-vous confirmer que les primes exceptionnelles prévues par le protocole du 15 juillet dernier seront bien versées au 30 octobre 2014, comme le prévoit ledit protocole ?

M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à l'administration pénitentiaire. La lutte contre la radicalisation islamiste dans les prisons est un sujet très compliqué sur lequel nous devons nous garder de toute caricature, de tout amalgame mais aussi de tout déni.

Il faut être très à l'écoute des acteurs de terrain qui ont envie de s'exprimer sur ces questions, en particulier les personnels surveillants, qui font un travail très difficile.

J'ai la conviction qu'il faut anticiper le traitement à venir par l'administration pénitentiaire des Français ou étrangers résidant en France qui sont partis faire le djihad dans la zone irako-syrienne et qui seront probablement incarcérés à leur retour. Au nombre de 53 aujourd'hui, disséminés dans les maisons d'arrêt d'Île-de-France, ils seront hélas plus nombreux demain.

Monsieur le président, je n'ai pas l'intention de m'excuser de vouloir porter ce débat, au-delà du Parlement, sur la place publique car il s'agit d'un sujet d'intérêt national.

Je présente dans mon rapport quatre axes de propositions qui ne se veulent pas polémiques mais aussi concrètes et opérationnelles que possible.

En premier lieu, je souhaite une réflexion pour améliorer la capacité de renseignement au sein de l'administration pénitentiaire. Il faut systématiser les efforts de renseignement déjà engagés mais aussi mieux organiser la coopération avec les services de contre-espionnage du ministère de l'intérieur et privilégier le renseignement humain, ce qui suppose d'améliorer la formation des personnels au recueil et à l'analyse du renseignement ainsi que certaines évolutions techniques.

En deuxième lieu, il convient de définir un discours anti-radicalisation. Cela signifie apporter un plus grand soutien aux aumôniers musulmans agréés par l'État, qui sont au nombre de 178 aujourd'hui, en les outillant pour s'opposer aux imams autoproclamés dans le milieu pénitentiaire. En outre, nous gagnerions à nous inspirer de l'exemple britannique. J'ai noté avec satisfaction que la Chancellerie en avait pris le chemin en publiant un appel d'offres pour élaborer avec des sociologues des outils anti-radicalisation. Je sais que Dounia Bouzar que j'ai auditionnée y travaille.

En troisième lieu, il faut réduire la capacité d'essaimage des radicaux dans les établissements pénitentiaires. Sur ce sujet très compliqué, je ne plaide pas pour la concentration des détenus radicaux, radicalisés ou radicalisateurs, en un seul établissement qui deviendrait une sorte de Guantanamo à la française mais je refuse le statu quo : la dissémination des radicaux dans ce que les surveillants appellent le tour de France des prisons me semble lourde de dangers. Je propose donc d'expérimenter la création dans certains établissements d'unités spécialisées anti-radicalisation – des quartiers réservés avec des personnels formés spécialement.

Enfin, quatrième idée, la prison est un lieu clos qui a vocation à le rester. Or, trop souvent, elle permet les échanges avec l'extérieur, en particulier du fait de l'intrusion illégale de téléphones portables et donc d'internet. En dépit des progrès dans la lutte contre les téléphones portables, des solutions techniques devraient être recherchées en liaison avec les opérateurs téléphoniques.

Mon rapport contient vingt propositions soumises à votre sagacité, madame la garde des sceaux. À ce stade, l'effort d'anticipation reste perfectible. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à la protection judiciaire de la jeunesse. Dans un contexte budgétaire très difficile, la justice est bien une priorité pour le Président de la République. Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » connaît une quasi-stabilité de ses crédits de paiement et une augmentation de ses effectifs de 60 postes. Si elle paraît modeste, cette évolution est à mettre en regard de plusieurs années de baisses brutales de crédits sous les précédentes législatures.

Je m'inscris dans la continuité des rapports présentés par mon collègue Jean-Michel Clément.

Pour nourrir mon rapport sur les jeunes filles mineures auteures d'infractions, je suis allée à la rencontre des professionnels dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, les centres éducatifs renforcés ou des foyers. Ces personnels sont très investis dans un métier difficile qui demande beaucoup d'engagement et d'humanité. Ils remplissent leur mission avec une grande lucidité.

À rebours de certains a priori, les jeunes filles sont très minoritaires dans la délinquance des mineurs. Elles représentent 17 % des mineurs condamnés, 10 % des mineurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse et 1,4 % des mineurs incarcérés.

Pour autant, la prise en charge de ces jeunes filles en grande souffrance constitue un défi à plusieurs titres : le premier d'entre eux est celui de la mixité. Si elle est un impératif pour le bien vivre dans notre société, elle peut être vécue comme une difficulté pour les professionnels, en particulier pour ceux qui s'occupent de jeunes filles ayant subi des violences de la part du sexe opposé. Elles doivent réapprendre le respect d'elles-mêmes et des autres.

Il me semble également important de lutter contre le cloisonnement des informations. Le grand nombre d'intervenants auprès des mineures est souvent responsable d'une mauvaise circulation de l'information entre les différents professionnels, en particulier entre le personnel médical et le personnel pénitentiaire. Il faut favoriser le travail en équipe pour faciliter une prise en charge globale des mineurs et une plus grande efficacité de celle-ci.

Il faut enfin veiller à la cohérence et à la continuité des actions dans le cadre du parcours judiciaire, en permettant par exemple d'assurer une sortie en douceur de l'emprisonnement vers un centre éducatif puis vers un placement dans une famille ou un foyer.

À cet égard, l'idée d'un mandat global mérite d'être étudiée même si elle compte aussi quelques détracteurs. Ces questions seront sans doute abordées dans le cadre de la réforme de la justice des mineurs que nous attendons.

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