Je remercie les rapporteurs pour leurs travaux de grande qualité.
Je répondrai à leurs questions sur les thèmes qu'ils ont choisi d'explorer tout en m'efforçant de faire apparaître la cohérence et l'esprit de ce budget qui demeure prioritaire. En hausse de 2,3 %, il fait en effet partie des quatre budgets qui connaissent une augmentation cette année et qui autorisent des créations d'emplois – 500.
Ce budget répond à la préoccupation du Président de la République et du Gouvernement d'assurer un service public de la justice, au plus proche des citoyens, plus diligent et plus performant. Il donne également les moyens de mettre en oeuvre les lois adoptées depuis le début de la législature et les précédentes. Sont notamment prises en compte les dispositions relatives à la prévention de la récidive et au renforcement de l'efficacité des sanctions pénales, la réforme pour « la justice du xxie siècle », les mesures relatives à l'hospitalisation sans consentement ainsi qu'au juge des libertés et de la détention.
S'agissant des créations d'emplois, elles sont ventilées, selon les besoins créés par les dispositions législatives, vers les services judiciaires, la protection judiciaire de la jeunesse et l'administration pénitentiaire.
La capacité de création d'emplois est renforcée par des efforts supplémentaires dans certains domaines. Nous avons ainsi décidé de combler les vacances identifiées dans les services pénitentiaires.
Afin d'éclaircir un mystère sur les créations d'emplois – en l'occurrence, l'écart récurrent entre effectifs théoriques et réels de l'administration pénitentiaire –, j'ai diligenté un audit de l'Inspection générale des finances. Depuis deux ans, j'en étais venue à m'interroger sur la capacité de l'administration pénitentiaire à créer des emplois et à maîtriser la masse salariale. Or, il ressort de cet audit que l'écart est dû au défaut de création des emplois annoncés dans les trois derniers projets de loi de finances de la précédente législature.
Ce n'est pas pour vous être désagréable que je vous donne ces indications mais je suis satisfaite d'avoir résolu une énigme, ce que même la perspicacité de M. Blanc n'avait pas permis de faire…
J'ai donc obtenu que ces postes vacants soient comblés et qu'ils s'ajoutent aux 500 postes créés dans l'administration pénitentiaire pour atteindre 534 postes supplémentaires dont 200 sont créés depuis septembre 2014.
Il reste certains écarts inévitables, qualifiés d'écarts frictionnels, qui sont imputables au temps de formation – 31 mois pour les magistrats, 24 mois pour les greffiers et l'administration pénitentiaire.
Nous avons fait des efforts pour améliorer les indicateurs de performance. Le taux de réponse pénale est stable et élevé – plus de 85 % et 95 % pour les mineurs.
Les frais de justice permettent aux juridictions d'exercer leur activité juridictionnelle. Il est inconcevable de décider en début d'année de limiter la capacité des juridictions à ordonner des expertises ou à recourir à des interprètes. Nous appliquons donc le principe de la liberté de prescription pour les magistrats tout en faisant des efforts de maîtrise des coûts. Des économies seront réalisées notamment grâce à la plateforme nationale d'interception judiciaire, à une rationalisation de certains frais médicaux ainsi qu'à la possibilité de communication électronique que vous avez validée en première lecture dans le projet de loi d'habilitation.
Monsieur Jean-Yves Le Bouillonnec, je vous remercie d'avoir rappelé le rôle important joué par les greffiers dans les juridictions ; ceux-ci représentent en effet des acteurs clés de la réforme « justice du XXIe siècle ». Contrairement au passé, nous créons les postes de greffiers qui doivent accompagner les nouveaux magistrats. Nous avons décidé de dédier 30 postes de greffiers à l'élaboration de la justice du XXIe siècle en 2015, puis 20 nouveaux agents en 2016 et en 2017. Dans ce cadre, des expérimentations, qui concernent le service d'accueil unique de la justice, ont débuté.
Cela fait une dizaine d'années que les greffiers n'ont pas connu de revalorisation statutaire et indemnitaire ; j'avais indiqué, les deux années précédentes, que nous n'étions pas en mesure de fournir cet effort, mais que nous le programmions pour 2015 : nous tenons parole, puisque nous avons signé un protocole de 11 millions d'euros avec les trois principales organisations syndicales, qui permet de procéder à cette revalorisation, d'améliorer le statut d'emploi et le lissage de la carrière, et d'offrir des perspectives plus intéressantes en termes de qualification.
Nous menons parallèlement un effort d'intégration des adjoints administratifs et de croissance de la rémunération des personnels de catégorie C qui reçoivent un salaire modeste et pour lesquels nous avons augmenté les primes exceptionnelles depuis deux ans puisqu'il s'avère difficile de décider d'une hausse du traitement hors primes.
Nous organisons des échanges entre magistrats et greffiers pour développer la mixité de la culture professionnelle, les écoles nationales de la magistrature et des greffes (ENM) et (ENG).
Nous avons lancé une expérimentation sur l'équipe de travail autour du magistrat, qui vise à permettre aux greffiers d'exercer des missions plus conformes à leurs qualifications et à la qualité des services qu'ils fournissent, et, partant, plus valorisantes.
Monsieur Guillaume Larrivé, nous avons décidé de réarticuler les politiques carcérale et pénale afin d'accroître la cohérence de la politique publique de la justice et de la présentation du budget. La disjonction entre ces deux piliers, opérée au cours du précédent quinquennat, s'avérait néfaste. La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales crée la contrainte pénale, qui constitue un progrès, puisque cette peine sera exécutée en milieu ouvert tout étant encadrée par des dispositions précises, mais contient également plusieurs mesures qui touchent au milieu fermé.
Nous effectuons les efforts budgétaires nécessaires pour mettre en oeuvre efficacement les dispositions relatives au milieu ouvert, et nous conduisons la même action pour le milieu fermé en créant des postes, selon la disponibilité de nos crédits, pour bien doter les nouveaux et les anciens établissements pénitentiaires.
La politique pénitentiaire repose également sur la création de nouvelles places. Dans les trois prochaines années, nous consacrerons 1 milliard d'euros en AE pour 3 200 places supplémentaires nettes, compte tenu de la suppression de plus de 1 000 places vétustes.
Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) verront leurs effectifs augmenter de 1 000 agents et leurs crédits de fonctionnement de 10 %.
Nous créons des postes de magistrats depuis 2013 pour appliquer les nouveaux textes : 40 nouveaux emplois en 2015, dont 24 dans le cadre de la réforme « justice du XXIe siècle.
Monsieur Guillaume Larrivé, vous avez décidé de mettre la lumière sur la radicalisation islamiste en prison. Certains de vos collègues se sont plaints d'avoir été informés après les journalistes, et je regrette que vous n'ayez pas auditionné les membres de mon cabinet, le ministère de la justice dans son ensemble se trouvant toujours à la disposition du Parlement. Nous aurions pu ainsi vous renseigner sur ce sujet, que vous avez raison de qualifier de « délicat » et de vouloir aborder avec responsabilité. J'ai le plaisir ou le regret de vous informer que la plupart de vos propositions sont déjà mises en oeuvre et produisent leurs effets.
Je ne comprends pas comment vous pouvez avancer des estimations chiffrées sur la population musulmane en prison, puisque les statistiques ethniques et religieuses n'existent pas dans notre pays. En conséquence, j'ignore les enseignements que l'on peut tirer de vos données, si ce n'est une stigmatisation qui mériterait au moins d'être argumentée.
Nous avons renforcé le renseignement pénitentiaire en 2012 puis en 2013 dans le cadre du plan de sécurisation de 33 millions d'euros élaboré en juin de l'année dernière. À cette occasion, nous avons créé sept nouveaux postes dans ce domaine et avons réorganisé le renseignement pénitentiaire dans l'ensemble du territoire. L'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) assurera la formation initiale et continue de ces personnels. Nous avons également créé 30 postes d'aumôniers musulmans ; il y en a maintenant 178 au total, alors qu'ils n'étaient que 151 lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Le problème que vous soulevez, monsieur le député, n'est pas récent, mais il n'avait été traité ni dans sa composante de renseignement, ni dans celle de la présence d'aumôniers musulmans, puisque seuls quatre postes avaient été créés entre 2009 et 2012.
Vous nous suggérez de travailler avec le ministère de l'intérieur, mais nous le faisons déjà ! Ainsi, nos personnels de renseignement pénitentiaire participent aux états-majors de sécurité à l'échelle départementale, ce qui permet un échange d'informations. Nous signalons aux services du ministère de l'intérieur les détenus sortant de prison lorsqu'une suspicion de radicalisation violente existe. Le directeur pénitentiaire est associé aux actions de l'unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLAT). M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, et moi-même avons publié deux circulaires communes ; nous avons élaboré, en lien avec les ministères des affaires étrangères, et de l'intérieur, un plan gouvernemental qui a permis l'installation d'une plateforme téléphonique et numérique pour les signalements de comportements suspects ; nous avons ainsi pu empêcher 70 départs de personnes vers le Moyen-Orient.
Le plan de sécurisation des prisons, déployé en deux étapes cette année, vise à lutter contre les projections, à installer des portiques à masse métallique et à ondes millimétriques et à développer des équipes cynotechniques – qui existent depuis juillet dernier à Reims et à Lyon.
Aux ressentis, j'oppose des faits qui, eux, sont probants.
Madame Nathalie Nieson, je connais votre sensibilité à la question des victimes. Notre politique d'aide aux victimes s'avère vigoureuse depuis notre arrivée au pouvoir, le budget qui lui est consacré augmentant de 22 % – pour atteindre 16,8 millions d'euros – dans ce projet de loi de finances (PLF) par rapport à l'année dernière. En 2012, les crédits atteignaient 10 millions d'euros, et nous les avons augmentés de 26 % à 12,8 millions d'euros en 2013, puis de 7 % à 13 millions en 2014. Nous poursuivrons cet effort dans les prochaines années.
Ces crédits aident les associations dans leur remarquable travail auprès des victimes. Nous avons ouvert une centaine de bureaux d'aide aux victimes, tous les tribunaux de grande instance (TGI) devant en compter un.
Nous expérimentons, dans huit TGI depuis janvier 2014, des dispositions de la directive du 25 octobre 2012, non encore transposée dans notre droit, comme le suivi individualisé des victimes.
Nous avons un établissement réservé aux jeunes filles auteurs d'infraction, mais la règle générale reste la mixité. Lorsqu'une seule fille se trouve dans un centre mixte, cela pose des difficultés. Le temps passé dans un établissement ne constitue qu'une étape au sein d'un parcours. Parmi les mineurs incarcérés, 4 % sont des filles ; elles représentent 10 % des jeunes suivis par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). La délinquance des filles est estimée à 17 %, et la moitié des filles condamnées le sont pour des faits de vol.
Monsieur Jean-Michel Clément, la question de l'accès au droit touche celle des professions réglementées. Un accès au droit facilité permet de prévenir et de résoudre des litiges avant l'enclenchement d'une procédure judiciaire. Nous cherchons à faire des maisons de la justice et du droit de véritables sites judiciaires, comme le prévoit le code de l'organisation judiciaire, et nous y affectons, dans cette optique, des greffiers. L'accès au droit participe de la justice du XXIe siècle et s'intègre dans l'architecture des sites judiciaires dans l'ensemble du pays. Nous avons commencé par lutter contre les déserts judiciaires en procédant à la réouverture de TGI et à la création de chambres détachées. Nous réformons la gouvernance des conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) et des points d'accès au droit (PAD). Le service d'accueil de la justice, aujourd'hui en expérimentation, remplira une mission d'information, assurée par des greffiers ayant reçu une formation spécifique. Nous élaborerons prochainement, en associant étroitement la représentation nationale, la cartographie de l'accès au droit, qui montrera le maillage territorial de l'ensemble des structures qui permettent aux citoyens, selon leurs besoins, d'avoir accès au droit.