Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 23 octobre 2014 à 15h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président :

Cette question est très compliquée. Pour la troisième fois depuis la loi sur la présomption d'innocence de 2000, un gouvernement propose un amendement tendant à prolonger le moratoire sur l'encellulement individuel. En 2000, Mme Elisabeth Guigou avait demandé un moratoire de trois ans ; en 2003, le moratoire a été prolongé pour cinq ans – par amendement du gouvernement au détour d'une loi renforçant la lutte contre la violence routière ! – ; en 2007, le gouvernement posait par décret le principe du « libre choix » du détenu qui pouvait faire la demande d'une cellule individuelle et accepter, si celle-ci ne pouvait être satisfaite dans son établissement, un éventuel transfert. Lors de l'examen du projet de loi pénitentiaire de 2008, le gouvernement de l'époque avait proposé de faire une croix sur l'encellulement individuel ; l'Assemblée l'a accepté, le Sénat ne l'a pas voulu, et le principe de l'encellulement individuel a finalement été maintenu par la commission mixte paritaire. Un nouveau moratoire de 5 ans a alors été fixé qui vient à échéance en novembre 2014 et que Mme la garde des sceaux nous demandera de proroger dans les conditions qu'elle a dites.

Nous devrons débattre du fond, non du seul amendement du Gouvernement. La question de l'encellulement individuel figure dans le code de procédure pénale depuis 1875 et on en parle comme si c'était l'alpha et l'oméga de la dignité des personnes détenues. La semaine dernière, je suis allé visiter, à Orléans, le nouvel établissement que vous avez inauguré en juillet, madame la ministre. Il s'agit de deux maisons d'arrêt de 210 places chacune, où l'encellulement individuel est la règle. Mais cela ne durera pas, m'a indiqué le directeur : des établissements vétustes ont été fermés, ce dont chacun se félicite, mais il en résulte qu'arrivent les premiers détenus venus de Blois. Autrement dit, on ne s'en sortira pas par la seule logique manichéenne consistant à construire des prisons pour parvenir, demain, à l'encellulement individuel. Franchement, madame la garde des sceaux, l'amendement n'est pas la bonne méthode, et je suggère que la commission des lois débatte du fond, c'est-à-dire de ce qu'est la dignité des personnes incarcérées. Vivre à deux dans une cellule où l'on ne passe que la nuit, ce n'est pas très grave ; y passer 23 heures par jour à trois est une autre histoire.

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