Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 23 octobre 2014 à 15h00
Commission élargie

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

M. Geoffroy me cherche querelle, et pourtant : le moratoire que l'ancienne majorité a décidé dans la loi pénitentiaire était un impératif pour elle. Vous aviez aussi prévu un plan de 80 000 places de prison, mais sans en financer le premier euro. Devoir résorber une augmentation de 10 % ou de 35 % de la population carcérale, ce n'est pas la même chose. Pour notre part, nous sommes au pouvoir depuis deux ans et demi et nous ne fuyons pas nos responsabilités. La question est effectivement de définir ce qu'est la dignité des personnes incarcérées. Nous avons été durement critiqués pour ne pas vouloir construire des prisons à tout-va, mais je pense, comme le président Urvoas, qu'il ne s'agit pas de construire de plus en plus d'établissements pour appliquer le principe de l'encellulement individuel.

L'amendement du Gouvernement tient au risque de contentieux qui découlerait du non-respect de l'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt à partir du 24 novembre 2014, date d'échéance du moratoire fixé dans la loi de 2009. Cela ne signifie pas qu'il faille faire l'économie d'une réflexion sur l'organisation des journées en prison et sur les éléments qui caractérisent la dignité des personnes détenues. D'ailleurs, les textes européens ne traitent pas de l'encellulement individuel en tant que tel mais des conditions de détention respectueuses de la dignité de la personne.

M. Morel-A-L'Huissier a évoqué ce qu'il tient être un problème de gestion des ressources humaines mais qui relève de l'attractivité des territoires ruraux. Nous ouvrons des postes au concours tous les ans, mais cela ne suffit, les 1 400 départs à la retraite qui auront lieu au cours du présent quinquennat n'ayant pas été anticipés alors qu'ils étaient sus. Pour ma part, prévoyant que 45 % des greffiers en poste actuellement seront partis à la retraite en 2023, j'ai commencé à préparer le renouvellement de ce corps. Il aurait fallu ouvrir 300 postes de magistrats chaque année ; 100 seulement l'ont été. Nous en ouvrons en moyenne 300 tous les ans pour combler les postes vacants et remplacer les départs mais les candidatures manquent pour certains ressorts. La seule solution est d'y affecter ceux qui sortent de l'École : ils ne travaillent pas isolément mais en immersion dans une juridiction, avec des magistrats expérimentés. Il ne s'agit pas, je le redis, de gestion des ressources humaines mais des disparités d'attrait entre les territoires. Les campagnes ne sont pas les seules affectées : le problème touche aussi l'Île-de-France où, en raison de la cherté de la vie, le taux de rotation du personnel est très élevé.

Je répondrai ultérieurement, de manière précise, aux questions spécifiques de M. Rochebloine et de Mme Dumont.

Monsieur Dollez, la refonte de l'ordonnance de 1945 et de texte supprimant les tribunaux correctionnels pour mineurs ne font qu'un. Le calendrier annoncé par le Gouvernement lors du débat sur la loi relative à l'individualisation des peines demeure et le texte pourra vous être soumis au premier semestre 2015.

M. Guy Geoffroy, la taxe de 35 euros s'imposant à tout justiciable souhaitant introduire une instance instauré par l'ancienne majorité constituait objectivement une entrave à l'accès au droit. C'est ce qui nous a conduits à la supprimer, en compensant par des fonds publics les 60 millions d'euros de perte de ressources potentielle pour l'aide juridictionnelle.

Je rappelle d'autre part que le droit de timbre dû par les parties à l'instance d'appel a été instauré pour financer le Fonds d'indemnisation de la profession des avoués. Ce droit est augmenté parce que les ressources du Fonds sont insuffisantes pour lui permettre de remplir sa mission, et aussi pour financer l'aide juridictionnelle. La dépense passera de 150 à 225 euros pour les parties qui interjettent appel. Permettez-moi de rappeler que ce droit de timbre remplace la rémunération précédemment due à l'avoué, et qui était de 900 euros en moyenne. Par ailleurs, l'indemnisation des avoués sera achevée fin 2023.

Le régime des agents de la fonction publique prévoit la possibilité de passerelles entre les différentes administrations, mais l'intéressant est qu'ils reviennent dans leur corps d'origine. Or, les métiers de l'administration pénitentiaire sont des métiers difficiles, avec des contraintes spécifiques, et que la surpopulation carcérale ramène bien souvent à de la surveillance et, de plus en plus, à de la garde pure et simple. Aussi avons-nous fait des efforts et signé l'année dernière avec l'organisation syndicale majoritaire un protocole de valorisation de ces métiers. Il concerne les surveillants, les brigadiers et les directeurs d'établissement, et il est assorti d'une enveloppe de 20 millions d'euros pour permettre des promotions en suspens depuis plusieurs années.

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