Intervention de Jean-Louis Gagnaire

Réunion du 30 octobre 2014 à 9h10
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Gagnaire :

, rapporteur spécial de la commission des finances pour le développement des entreprises et pour les prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés. Je remercie M. le ministre, Mme et M. les secrétaires d'État pour leur présence et pour leur engagement en faveur du redressement productif de notre pays, qui passe par l'amélioration significative de la compétitivité des entreprises.

Le projet de rapport qui vous est soumis aborde l'ensemble des politiques d'intervention économique de l'État. En tant que commissaire aux finances, j'ai naturellement traité des évolutions du programme 134, qui connaît une réduction de ses crédits de 5%, à périmètre constant, par rapport à 2014 – 874 millions d'euros en 2015, contre un peu plus de un milliard en loi de finances initiale pour 2014.

Pour reprendre l'expression employée par François Brottes, praticien de « l'économie de terrain », qui privilégie les approches pragmatiques et l'efficacité, j'ai vu, dans la réduction de crédits proposée, l'occasion de mener une réflexion approfondie sur l'utilité de certains dispositifs d'aide aux entreprises, comme le recommandait le rapport de MM. Philippe Jurgensen, Jean-Jack Queyranne et Jean-Philippe Demaël, au titre de la modernisation de l'action publique.

Certains dispositifs, comme le FISAC, sont emblématiques de contradictions toujours présentes au sein de la mission. En effet, après avoir élargi les critères d'entrée dans ce dispositif en 2008, les dotations budgétaires qui lui ont été allouées ont progressivement été réduites jusqu'à une dotation de 19 millions d'euros dans le PLF 2015. Malgré la réforme du 18 juin 2014, je m'interroge sur la pertinence de maintenir ce type de dispositif au niveau national : ne conviendrait-il pas d'en confier la gestion aux régions, tout en conservant la logique de l'appel à projets et sur des critères définis avec l'État ?

En revanche, si certains dispositifs doivent être repensés ou supprimés, d'autres auraient mérité d'être renforcés. À cet égard, je m'interroge sur la réduction des crédits de l'action en faveur des entreprises industrielles, c'est-à-dire de l'action 3 du programme 134.

Je pense en particulier aux crédits destinés aux pôles de compétitivité. Avec environ 100 millions d'euros en 2015, dont 90 millions au titre du Fonds unique interministériel (FUI) et 11,5 millions au titre de l'aide à la gouvernance des pôles, nous atteignons un plancher. En 2014, je rappelle que près de 23 millions d'euros étaient alloués à la seule gouvernance des pôles, ce qui permettait de les décharger d'un certain nombre de contraintes organisationnelles et facilitait leur développement.

Il serait dommage de fragiliser cette politique qui a pris du temps à se mettre en place, mais qui représente aujourd'hui une véritable réussite, notamment en matière de partenariat entre grands groupes industriels et PME, entreprises et recherche académique, et de complémentarité entre l'action de l'État et celle des collectivités territoriales. Faire porter aux collectivités territoriales l'essentiel de l'effort financier en faveur des pôles de compétitivité ne me semble pas être une situation optimale, et je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre position sur ce sujet.

J'aimerais également vous interroger sur le déploiement des investissements d'avenir, à travers trois réflexions. La première est que le lancement des appels à projets se fait un peu attendre, notamment en matière de signature des conventions entre l'État et les opérateurs. À cet égard, vous semble-t-il possible et souhaitable d'accélérer le mouvement ?

En outre, il conviendrait de faire en sorte que les grands groupes industriels ne tendent pas à monopoliser les financements accordés, notamment à travers les 34 plans de la Nouvelle France industrielle, qui constituent l'essentiel des investissements d'avenir. Pourrait-on mieux prendre en compte l'accès des PME innovantes au programme d'investissements d'avenir (PIA), notamment par le biais d'appel d'offres spécifiques ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur le niveau global du PIA. Certes, 12 milliards d'euros représentent un engagement significatif, mais d'autres grands pays européens ont mis en place des programmes d'investissements plus ambitieux. Vous avez vous-même appelé à un plan de relance massif au niveau européen : la France pourrait-elle montrer le chemin en lançant prochainement un troisième programme d'investissements d'avenir ?

Ma quatrième et dernière question sera un peu plus technique et portera sur l'aide aux entreprises en difficulté. Je me réjouis que la réactivation du Fonds de développement économique et social, doté de 300 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2014, ait permis au Comité interministériel de restructuration industrielle (ClRI) de venir en aide de manière plus efficace à des entreprises en difficulté. En PLF 2015, cette dotation a été réduite à 200 millions d'euros, inscrits sur le programme 862 du compte de concours financier « prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Si cette dotation demeure à un niveau élevé, le FDES ne bénéficie pourtant pas de la capacité de reporter ses crédits non consommés. Or, ce fonds doit faire face au caractère par nature aléatoire du calendrier des entreprises en retournement. Afin de préserver sa capacité à réagir dans la durée aux menaces de fermetures d'entreprises, il semble nécessaire de prévoir un mécanisme de report des crédits non consommés. Je voudrais connaître, monsieur le ministre, votre position sur ce sujet.

Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale de la commission des finances pour le commerce extérieur. Au premier semestre de cette année, le solde des échanges de biens est passé sous la barre des 30 milliards d'euros, pour la première fois depuis 2010, s'établissant à moins 29,2 milliards d'euros. Après le record de 2011 – moins 73,7 milliards –, le déficit commercial continue de se résorber, pour s'établir en 2013 à moins 61,4 milliards d'euros : c'est une bonne nouvelle, même si la situation mérite d'être nuancée, du fait de la baisse des importations d'énergie. La part de marché mondial en valeur de la France reste stable, à 3,1%

Il y a donc des signes positifs, mais soyons convaincus que le commerce extérieur est à la fois l'expression de la situation de l'économie française et l'une des principales opportunités de retour à la croissance pour notre pays. Je disais déjà ici, l'an passé, qu'il devrait être une véritable cause nationale.

Dans ce contexte, je regrette que le commerce extérieur ne soit pas davantage ancré dans l'architecture budgétaire de l'État : il ne constitue pas une mission au sens de la LOLF, pas même un programme. Un choix qui peut entraver la lisibilité des actions de l'État en faveur des entreprises à l'international et, de manière plus accessoire, ne favorise pas l'exercice de contrôle du Parlement.

Pour ma part, je commente donc, dans le cadre de ce rapport spécial, les crédits de la seule action 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » du programme 134. Ces crédits s'élèvent, dans le PLF pour 2015, à 108,8 millions d'euros. Ils servent à financer à 100 % les subventions pour charges de service public, qui seront versées à la future agence issue de la fusion, actuellement en cours, d'Ubifrance et de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII).

Les crédits alloués au dispositif de développement international des entreprises et à l'attractivité du territoire sont donc présentés dans la mission « Économie ». Je vous fais part de toutes ces précisions pour vous montrer la complexité du sujet. En avril dernier, le portefeuille du commerce extérieur a été placé sous l'égide du ministre des affaires étrangères, dans une logique d'unification de l'action extérieure de l'État. Pourtant, c'est vous, monsieur Macron, qui êtes présent devant nous, pour en présenter les crédits. Voilà une organisation budgétaire peu lisible, qui, je l'espère, sera revue l'année prochaine. Je vous demande, monsieur le ministre, d'y travailler avec les membres du Gouvernement.

L'autre grande évolution de l'année, c'est la fusion entre Ubifrance et l'AFII. Je suis intimement persuadée que cette fusion renforcera nos actions en faveur du développement international des entreprises, grâce à la mutualisation des réseaux, notamment, mais aussi au partage des savoir-faire.

Cette fusion devrait, à terme, générer des économies. Toutefois, lors de différentes auditions, notamment celle de Mme Muriel Pénicaud et du président Bacquet, j'ai été alertée sur un point central : le coût de la fusion. La fusion doit être effective au 1er janvier 2015, mais, monsieur Eckert, elle n'est pas financée. Au total, ce sont environ 3,2 millions d'euros qui manquent pour 2014 et 5 millions pour 2015. Ce point est confirmé par la Direction générale du Trésor, également auditionnée.

Monsieur le ministre, où en est-on ? La fusion pourra-t-elle être réellement effective au 1er janvier 2015 ?

Je l'ai dit, la subvention pour charges de service public allouée à la nouvelle agence fusionnée s'élève à 108,8 millions d'euros, ce qui représente une baisse, que je ne conteste pas dans le contexte que nous connaissons. Mais il convient d'être vigilant sur le fait que la part des ressources propres des deux agences n'a cessé d'augmenter au détriment du soutien public et que celle-ci ne peut pas croître davantage sans remettre en cause la mission de service public de l'opérateur. Quel sera le modèle économique de la future agence fusionnée ?

Évidemment, les actions du secteur public en faveur du commerce extérieur ne se résument pas au travail de l'AFII et d'UbiFrance. Il y a une multitude d'acteurs ; je pense en particulier aux Chambres de commerce à l'international et aux régions qui se sont vu confier le chef de filât en matière d'export, ou encore à la Banque publique d'investissement, qui a mis son expertise financière au service de l'export.

Ce nombre conséquent d'acteurs n'est pas sans poser problème. Malgré de réels efforts de clarification, il est difficile de discerner clairement le rôle de chacun. Je dois vous faire part de mes craintes sur ce point. À l'heure où les deniers publics sont rares et précieux, il est fondamental que les missions soient mieux définies, qu'il n'y ait pas de redondance des moyens et que les acteurs publics ne se fassent pas concurrence avec les crédits de l'État. Les moyens les moyens déployés par Bpifrance Export, concernant notamment la participation à des salons et à des missions à l'étranger, m'inquiètent un peu. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point ?

Je m'interroge aussi sur les actions de certaines agences régionales, en particulier l'agence ERAI, en Rhône-Alpes. Sortant de son périmètre transalpin, ne vient-elle pas, sur le territoire national comme à l'étranger, s'ajouter aux acteurs de l'export, faisant concurrence aux chambres de commerce et à Ubifrance ?

Je crois, toutefois, qu'il y a un réel effort de simplification et la volonté de jouer collectif m'a été confirmée.

Cette année, je me suis intéressée au seul tissu d'opérateurs. Cela étant, je m'interroge sur la création de nos Maisons à l'international. La première a été inaugurée par le Président de la République début 2014. Le coût de fonctionnement ne relève pas de mon périmètre de contrôle. Cependant, je souhaiterais savoir si une première approche du rapport coût-efficacité a été faite à moins d'un an de l'ouverture.

En guise de conclusion, je veux aborder la promotion de l'image économique de la France. Nous souffrons d'un déficit de visibilité et d'un problème d'image. Lors de leur audition, Mme Pénicaud et M. Bacquet ont pointé du doigt la faiblesse du budget de communication de la future agence pour promouvoir l'image de la France : nous y consacrons 1 million d'euros, tandis que nos voisins italiens dépensent 12 millions et nos voisins anglais 25. Monsieur le ministre de l'économie, la promotion de la France n'est-elle pas un investissement d'avenir, qui mérite quelques crédits, mais surtout une volonté de fer ?

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