Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 30 octobre 2014 à 9h10
Commission élargie

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

S'il faut distinguer la nouvelle bannière de l'agence – à laquelle vous faites sans doute référence, monsieur le président Bacquet – et la marque France, il faut également les mettre en cohérence. Mme Pénicaud fera avant la fin de l'année des propositions auxquelles vous serez associé.

J'espère avoir répondu à vos questions dans ce domaine. Avec mes collègues, dont je vous prie une nouvelle fois d'excuser l'absence, je partage le souci de travailler au développement de notre économie à l'intérieur comme à l'extérieur.

Concernant le FISAC, messieurs Gagnaire et Tardy, Mme Carole Delga détaillera les moyens qui lui sont alloués. Je pense que ce dispositif a encore du sens au sein de l'action de l'État, en dépit des restrictions budgétaires.

Un travail sur les pôles de compétitivité est en cours. Comme vous, je constate que les chiffres sont difficiles à reconstituer à partir des crédits des différents programmes. Pour l'année 2014, les crédits alloués aux actions collectives s'élevaient certes à 23 millions d'euros, mais l'animation et à la gouvernance des pôles ne représentait que 16 millions. Ces crédits passeront de 16 à 11,5 millions, sachant que l'État n'est pas le seul financeur de ces dispositifs. Là aussi, nous vivons une phase de transition, les régions étant devenues les chefs de file en matière de développement économique. La discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République doit être l'occasion d'une réflexion collective pour déterminer, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2016, à quel niveau les financements destinés aux pôles se feront et comment les compensations financières entre l'État et les régions pourront s'organiser. Je veillerai à ce que nos priorités économiques ne soient pas sacrifiées dans cette nouvelle répartition des compétences et à ce que les transferts ne conduisent pas à léser les régions. En tout état de cause, il faut considérer la réduction budgétaire de 2015 à la lumière de notre action d'ensemble : le programme 192 prévoit, à travers le FUI (fonds unique interministériel), 100 millions d'euros en autorisations d'engagement pour le financement des projets ; ce montant vient s'ajouter aux 300 millions du PIA 2. Il y a donc une continuité dans notre soutien aux pôles. Il nous appartient maintenant d'examiner ensemble comment nous articulerons le rôle de l'État et celui des régions dans notre nouvelle organisation territoriale.

Plusieurs intervenants ont regretté le peu de lisibilité du PIA. Cela tient au fait que, comme nous le souhaitions, les crédits ont été transférés le plus rapidement possible aux opérateurs. Je m'engage à ce que, l'année prochaine, nous retranscrivions de façon plus intelligible dans le PLF l'affectation de ces crédits. C'est par souci d'efficacité que nous avons été amenés à accélérer leur transfert. Si trois programmes de la mission « Économie » figurant dans le PLF pour 2014 ont disparu de celui de 2015, monsieur Tardy, c'est que les crédits ont été versés d'un coup aux opérateurs, en particulier à la PBI. Le suivi est néanmoins parfaitement assuré dans le document budgétaire annuel sur le PIA, dans les rapports annuels de performance et dans les conventions, soumises au Parlement début novembre, qui mettent en place les actions.

Le souci d'efficacité ne nous dispense pas, bien entendu, de transparence et de clarté dans nos documents budgétaires. Mais plus nous signons les conventions rapidement, plus nous donnons de visibilité aux opérateurs et aux porteurs de projets, donc plus notre politique devient une réalité économique.

Les 34 plans industriels, monsieur Gagnaire, doivent être portés par des acteurs industriels. C'est cette philosophie, définie le Président de la République, qu'a soutenue mon prédécesseur avec une conviction que je partage. L'optique est différente de celle d'initiatives telles que French Tech, ou encore le plan France très haut débit avec ses appels à projets. Les services du ministère, notamment la Direction générale des entreprises, ont effectué un travail important pour concevoir ces plans en concertation avec les acteurs. Les porteurs de projet, j'y reviens, sont des industriels – grandes entreprises, ETI et PME. Le dispositif peut être amélioré, étant entendu que l'on n'est pas complètement dans la logique d'appels d'offres qui régit d'autres programmes du PIA. Je propose la mise en place d'une cellule de suivi pour que les PME innovantes puissent bénéficier plus pleinement de ces actions.

Du point de vue du financement, il peut y avoir des appels à projets au titre du PIA 2, mais ce sont les chefs de projet qui ont la responsabilité de la structuration des plans. De ce fait, certains acteurs ont parfois le sentiment d'être en face d'un « guichet fermé ». Nous restons très vigilants : le bénéfice du dispositif ne doit pas être réservé à une sorte de rassemblement d'abonnés. Lorsque des entreprises de vos territoires vous semblent pouvoir participer à un des 34 plans, je vous invite à le faire remonter à mon cabinet. Cela contribuera au test régulier que je m'engage à réaliser avec les porteurs de projet.

Je vous remercie, messieurs Gagnaire et Grellier, d'avoir mené un examen complet de ces plans. J'entends bien votre préoccupation de ne pas casser un outil qui donne satisfaction. Telle n'est pas ma volonté. Comme je m'y suis engagé, je passerai moi-même en revue les 34 plans dans les prochains mois, avec pour objectif de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Certains plans, de l'aveu même des porteurs de projet, sont à l'arrêt et les conditions de leur réussite ne sont plus réunies. Il faut que nous en tirions les conséquences, comme nous avons su le faire s'agissant de certains financements du PIA. L'action économique, c'est aussi cela : parfois, on perd les paris que l'on fait. La pire des choses est de s'entêter sur de mauvais choix.

Par ailleurs, certains plans s'apparentent à des politiques de filière. Comme vous l'avez fort justement souligné, il faut alors les articuler à l'action du CNI – j'ai d'ailleurs reçu le bureau de cette instance, qui m'a fait part de cette préoccupation. La gouvernance est en effet très différente. Les plans répondent à une logique industrielle : ils doivent aboutir à un produit fini, par exemple le véhicule à deux litres aux cent kilomètres, même si un ou deux plans – l'usine du futur, le numérique – sont très transversaux, alimentant notre économie par des innovations que l'on retrouvera dans de nombreux domaines. Ce caractère concret justifie que la gouvernance soit confiée aux chefs d'entreprise et que les partenaires sociaux, comme je le leur ai expliqué, n'y aient pas part. Par contre, il est indispensable que les partenaires sociaux soient parties prenantes des filières, avec les chefs d'entreprise et les territoires. Je pense donc qu'un travail de clarification permettra de reporter quelques éléments des 34 plans vers le CNI. Il ne s'agit pas de mettre fin à des projets, mais d'établir des synergies là où elles semblent insuffisantes.

Enfin, je suis très favorable à votre proposition de désigner des « correspondants » parlementaire. J'espère que le président Brottes pourra le faire rapidement, puisqu'une réunion importante du CNI, que le Premier ministre a accepté de présider, aura lieu avant la fin de l'année. Je souhaite aussi associer ces correspondants aux revues que nous consacrons régulièrement à chacune des filières.

J'en viens enfin à votre question sur le FDES (fonds de développement économique et social), monsieur Gagnaire. Mon prédécesseur a eu raison de défendre cet instrument d'exception qui s'est révélé particulièrement utile pour accompagner les restructurations financières. En 2014, le FDES a fait l'objet d'un abondement exceptionnel de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce qui représente un effort important par rapport aux 10 millions d'euros de 2013, dont seulement quatre entreprises ont bénéficié. L'effort que vous avez consenti en 2014 a permis d'aider six entreprises pour un montant cumulé de 114,5 millions d'euros. Comme vous l'indiquez, les crédits ne seront donc pas consommés dans leur totalité. L'engagement pris par mon prédécesseur étant d'avoir un affichage annuel parfaitement transparent, nous proposons d'inscrire 200 millions d'euros pour 2015. Ce montant me semble nécessaire car beaucoup de restructurations sont aujourd'hui en discussion. Au regard de notre estimation des besoins, je pense qu'il sera suffisant. S'agissant des crédits non consommés en 2014, nous aurons, le cas échéant, un dialogue constructif avec Michel Sapin et Christian Eckert.

En tout état de cause, le FDES est un important outil d'action économique défensive sur nos territoires. Son utilisation est transparente. Les arrêtés sont publiés au Journal officiel et les échanges avec la Commission européenne sont permanents, celle-ci estimant parfois, à l'instar de nos partenaires, qu'il s'agit là d'un dispositif d'aide. Étant donné le cadre dans lequel nous l'utilisons, je considère pour ma part qu'il s'agit d'un dispositif utile qui reste dans les limites du droit commun.

J'espère avoir démontré l'attachement de mon ministère au FISAC, monsieur Tardy. Accompagner l'activité économique, c'est l'accompagner sur tous les territoires et c'est accompagner les TPE et les PME, le commerce et l'artisanat. Il n'y a pas un discours de compétitivité qui vaudrait pour quelques entreprises et pas pour les autres. L'action économique de l'État est un continuum qui va du commerce de centre bourg à l'entreprise exportant dans les pays les plus lointains. L'objectif final, c'est le travail des Français sur notre territoire.

La question du FISAC doit s'inscrire dans une réflexion d'ensemble. L'aide au départ des commerçants est un point très sensible sur lequel Mme Carole Delga reviendra tout à l'heure. Sur ce sujet, nous avons été amenés à revoir, en lien avec M. Christian Eckert, les priorités budgétaires telles que nos documents les reflétaient.

Pour ce qui est de la simplification, M. Christian Eckert vous répondra au sujet des « petites taxes », son travail de Pénélope. Il faut également saluer l'action de M. Thierry Mandon, secrétaire d'État à la réforme de l'État et à la simplification, qui aiguillonne tous les autres ministères pour supprimer des procédures. Je lui transmettrai votre remarque concernant l'absence de réponse valant accord. Si l'on pose trop d'exceptions à ce principe, il devient en effet moins lisible.

Nous travaillons beaucoup à ces sujets avec les services du ministère des finances. Des annonces seront faites ce matin pour ce qui est de la simplification des feuilles de paie. Ces dispositions peuvent parfois contrarier certains acteurs – les experts-comptables, par exemple –, tant notre économie vit pour partie de la complexité. Bercy est à l'oeuvre en matière de simplification de la fiscalité et des déclarations sociales. Au total, 40 % des mesures présentées ce matin par Thierry Mandon sont portées par nos ministères.

S'agissant de l'information préalable des salariés avant la cession d'une entreprise et du compte pénibilité, nous respectons trop le vote la représentation nationale pour avoir l'idée de nous en affranchir pour complaire à ceux que la loi n'arrange pas. Je comprends le discours des petits patrons, de ceux pour qui le quotidien est une lutte et qui ont parfois le sentiment qu'on alourdit leur fardeau. Le Gouvernement a le souci constant de répondre à leurs préoccupations. Mais il serait irresponsable de s'affranchir de la loi.

Le compte pénibilité est une formidable avancée et le Gouvernement y est très attaché. M. François Rebsamen fera très prochainement des propositions pour rendre le dispositif plus simple et plus pragmatique. J'appelle les représentants patronaux à leur devoir de responsabilité : si l'on met le feu chaque fois que l'on applique la loi, dans quel pays vivrions-nous ? La question dépasse les sensibilités politiques. M. de Virville a remis un rapport important et va prolonger ses travaux. Il faut que les parlementaires y soient associés pour relayer sur le terrain ce travail de simplification. M. Rebsamen partage totalement cette position.

Pour ce qui est de l'information préalable, un gros travail de concertation a été réalisé avec les représentants patronaux et avec les parlementaires pour l'application de la loi du 31 juillet dernier. Ce texte a été voté, on ne peut s'en affranchir en décidant soudainement, au mois de septembre, que c'était une mauvaise idée ! Il s'agit au contraire d'une bonne idée qui correspond à une réalité économique. Comme dans le cas du compte pénibilité, il faut l'adapter de manière pragmatique. C'est le sens du décret qui entrera en application le 1er novembre, conformément à la loi. Comme Mme Carole Delga l'a précisé au début de la semaine, nous souhaitons qu'une mission de suivi permette aux parlementaires, en lien avec nos services, d'évaluer le fonctionnement du dispositif sur le terrain et de discuter avec les représentants patronaux et les petits patrons. Le mécanisme doit être utile, réaliste et supportable. Ce n'est pas orthogonal à l'objectif de simplification, j'en conviens, mais nous nous efforçons de porter nos priorités avec pragmatisme.

L'ARCEP, madame Erhel, fait l'objet d'arbitrages budgétaires. Ses effectifs seront réduits de cinq ETPT (équivalents temps plein travaillé) en 2015. Cet effort participe à notre action collective et n'est pas disproportionné par rapport à ce qui avait été demandé, les années précédentes, aux directions de Bercy, notamment la DGCCRF. Nous serons attentifs au rythme, aux modalités et au montant de cet ajustement.

Mme Axelle Lemaire, qui vient de nous rejoindre, reviendra sur les différentes missions de l'agence. Il faut cependant être conscient que les nouvelles missions de l'ARCEP ne se traduisent pas forcément par de nouvelles charges ou de nouveaux besoins en effectifs. Nous devons examiner ces questions point par point avec l'équipe dirigeante – le président, vous le savez, devant être renouvelé l'année prochaine.

Mme Lemaire vous répondra également au sujet du Plan « France très haut débit » et de French Tech. Comme vous l'avez rappelé, ce sont là des priorités importantes auxquelles correspond un vrai engagement budgétaire. Il s'agit de préparer l'économie de demain et de mobiliser un tissu d'entreprises qu'il faut aider en lui donnant une visibilité et des capacités d'action.

La libération et la mise aux enchères de la bande des 700 MHz se font en lien avec le ministère des finances, avec celui de la culture et, en raison des « effets de bord » que l'attribution peut avoir, avec celui de la défense. Nous veillons à ce que les acteurs bénéficiant aujourd'hui de cette bande de fréquences puissent s'adapter à la situation, mais aussi à ce que le choix du moment de la mise aux enchères soit optimal pour nos intérêts patrimoniaux. Agir trop vite reviendrait à casser de la valeur.

J'entends vos préoccupations au sujet de La Poste, madame Allain. Le petit rattrapage de CICE doit être mesuré à l'aune de ce dont cette entreprise bénéficie au titre de ce dispositif. Il faut être cohérent. J'entends trop souvent dire que les entreprises publiques ne devraient pas bénéficier du CICE et que celui-ci ne devrait aller qu'aux entreprises soumises à la compétition internationale. Pourtant, il s'agit de facto d'un élément important de notre soutien aux postiers et nous n'entendons pas revenir sur ce point.

Vous l'avez bien souligné dans votre intervention : La Poste est un fleuron dont nous sommes fiers. Non seulement les postiers sont les acteurs d'une grande entreprise publique, mais ils participent au quotidien à une mission de service publique sur les territoires. La tâche du président-directeur général de La Poste, qui a notre entière confiance, est rendue difficile par le fort recul du marché du courrier, qui représente 50 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. Entre 2008 et 2013, la baisse a atteint 22 %. Elle a été beaucoup plus rapide que prévu et représente une diminution annuelle de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous devons donc aider l'entreprise à s'adapter, sachant qu'aujourd'hui nous ne compensons pas en totalité les missions de service public qu'elle remplit : la diffusion de la presse, l'accessibilité bancaire et, plus généralement, l'aménagement du territoire. Cela explique l'effort consenti par le biais du CICE pour accompagner le processus de transformation et de diversification de l'entreprise. Nous mentirions à nos postiers si nous leur affirmions qu'ils seront autant à distribuer du courrier dans dix ou vingt ans !

La diversification a commencé : aide aux personnes âgées, portage de médicaments, intervention au nom des assurances dans le cadre de contrats bien définis, aide apportée à l'État en lien avec les sous-préfectures, pour l'accomplissement de ses missions de service public. N'ayez crainte quant à la responsabilité des postiers : elle est couverte par leur employeur. Nous devons en revanche poursuivre ce travail stratégique pour leur redonner une perspective d'avenir.

L'augmentation du prix du timbre est douloureuse, j'en conviens volontiers. Mais c'était une nécessité pour accompagner la transition de l'entreprise. Soutenir une plus grande polyvalence ne signifie pas que nous ne serons pas vigilants quant à la nature et à l'articulation des métiers exercés. Je participerai demain au comité de suivi du contrat d'entreprise, où les syndicats et les associations de consommateurs sont représentés. J'y tiendrai le même discours de cohérence.

Pardonnez-moi, mesdames et messieurs les députés, d'avoir été un peu long.

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