Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 27 octobre 2014 à 21h00
Commission élargie

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Je redoutais de ne pouvoir alimenter le débat, mais vos questions pourraient me permettre de tenir jusqu'à demain matin…

Je rappellerai pour commencer quelques ordres de grandeur, qui permettront de mesurer les efforts que nous faisons en faveur de la mission « Sécurités », définie par le Président de la République et le Premier ministre comme étant prioritaire.

La police et la gendarmerie, vous vous en souvenez, ont connu des déflations d'effectifs extrêmement importantes durant la période 2007-2012 : ce sont, d'un côté, 6 000 emplois, de l'autre, 7 000, soit au total 13 000 emplois qui ont été supprimés. Dans le budget pour 2015, nous confirmons, pour la mission « Sécurités », une orientation définie par le Président de la République et le Premier ministre au début du quinquennat et visant à renverser cette tendance en recréant des postes pour permettre à nos forces d'assumer leurs missions dans de bonnes conditions, compte tenu des défis nouveaux auxquels nous sommes confrontés, et particulièrement à la montée des risques liés au terrorisme. Nous consentons un effort considérable en créant cette année 405 postes ; cette tendance se poursuivra puisque nous en créerons 500 jusqu'en 2017.

Sur les crédits hors titre II nous faisons également des efforts très significatifs. Alors que les crédits d'investissement pour la police, destinés notamment à la rénovation des commissariats, avaient diminué de 17 % durant la période 2017-2012, nous reprenons un effort assez significatif à la hausse : + 22 % d'autorisations d'engagement, + 9,7 % de crédits de paiement. Je le dis pour tous ceux qui considèrent qu'il n'y a pas assez de policiers, alors qu'ils ont soutenu des budgets dans lesquels on en a supprimé beaucoup, ou qu'il n'y a pas suffisamment d'efforts d'investissements, alors que, dans une période assez récente, les crédits d'investissement avaient diminué de 17 %. Car créer des postes de policiers et de gendarmes, si ceux-ci ne sont pas correctement équipés, ne sert absolument à rien ; c'est la raison pour laquelle le Premier ministre et le Président de la République ont souhaité que 108 millions d'euros soient affectés à l'équipement de nos forces, dans le cadre du programme dit « Sécurité 3.0 », au cours des trois prochaines années.

Pour ce qui concerne la gendarmerie, vous avez insisté, monsieur Boisserie, sur la nécessité d'investir de façon significative dans les casernes. Le logement des gendarmes est consubstantiel à leur mission ; créer des conditions de logement convenables pour les gendarmes, c'est aussi créer les conditions d'un bon déploiement de leurs missions sur le territoire national. Là aussi, alors qu'il y avait une diminution des crédits, 70 millions d'euros seront affectés au logement des gendarmes au cours des trois prochaines années.

En ce qui concerne la sécurité civile, vous avez évoqué vingt-cinq mesures en faveur du volontariat. Ces engagements ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre à Chambéry, en octobre 2013 ; il nous appartient de les faire vivre.

Après ce cadrage général rappelant des ordres de grandeur, des priorités politiques et quelques évolutions de crédits, je vais entrer dans le détail en répondant aux rapporteurs.

Monsieur Galut, vous constatez les efforts que nous faisons, mais vous vous vous demandez s'il y a une adéquation entre ces efforts et la nécessité de combler des retards accumulés depuis longtemps. C'est une question que je me pose moi-même, et je me suis mobilisé afin que nous ayons un budget convenable. Pour ce qui concerne les automobiles, nous avons obtenu, en fin de gestion 2014, des dégels de crédits significatifs, qui permettront de commander 2 000 véhicules avant la fin de l'année 2014. Ces véhicules permettront à nos forces d'atteindre un niveau d'équipement conforme aux objectifs que mon prédécesseur s'était assignés à lui-même et que, dans mes fonctions de ministre du budget, j'avais accompagnés de ma bienveillance. Le Premier ministre a, à son tour, accompagné de sa bienveillance les demandes que j'avais formulées pour tenir les engagements qu'il avait pris à une autre époque…

Au 1er janvier 2014, le parc automobile se composait de 28 190 véhicules, répartis entre les deux-roues, les véhicules légers et les véhicules utilitaires. Entre 2009 et 2014, le nombre de véhicules, dans la police, a sensiblement diminué – environ moins 8,7 % –, le parc ayant été ramené à 2 418 véhicules. Toujours au 1er janvier 2014, l'âge moyen des véhicules était de six ans, en augmentation constante depuis 2008. Un plan exceptionnel a ramené l'âge moyen à 4,8 années. Le renouvellement des véhicules dépend, non seulement de leur âge, mais aussi de leur kilométrage. Pour 2015, le budget prévisionnel est de 40 millions d'euros, afin de remédier à la dégradation du parc automobile. Nous consacrerons 34,4 millions d'euros aux véhicules à quatre roues, 2,6 millions aux deux-roues et 3 millions aux poids lourds. Nous faisons aussi des économies sur l'entretien du parc de véhicules pour dégager des marges de manoeuvre, dans le cadre d'une mutualisation avec notamment la gendarmerie.

Le parc automobile de la gendarmerie a également vieilli, avec une durée moyenne de vie des véhicules de sept ans et sept mois et des kilométrages très significatifs. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules, pour un montant de 60 millions d'euros. Cet effort est permis grâce, notamment, à la décision prise par le Premier ministre de dégeler, en septembre 2014, 51,8 millions d'euros dont 28 au titre de l'acquisition de véhicules dans la gendarmerie, soit 1 400 véhicules.

Vous m'avez aussi interrogé, monsieur Galut, sur la lutte contre la cybercriminalité. C'est l'une des priorités qu'avait fixées mon prédécesseur pour 2014, en adoptant un plan ministériel relatif aux cybermenaces. Les deux forces sont largement engagées dans la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, qui résultent de l'utilisation des technologies numériques par les filières organisées du crime.

Le dispositif de prévention et de répression a été considérablement renforcé. Ce plan de lutte contre la cybercriminalité recouvre un certain nombre d'enjeux : la mise en adéquation du dispositif opérationnel, dans nos forces, à la menace, en termes de moyens juridiques, humains et matériels, la prise en compte des contentieux de masse par une approche qui doit être de plus en plus innovante et efficace, compte tenu de la criminalité, et le développement de la coopération internationale. À ce titre, nous réunirons le 6 novembre prochain à Paris un G6, c'est-à-dire une réunion restreinte des ministres de l'intérieur de l'Union européenne, où la question de la cybercriminalité et de son lien avec le terrorisme sera abondamment abordée.

J'en termine par le développement des partenariats industriels et académiques.

L'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, en application d'un décret pris en 2000, coordonne l'ensemble des actions relatives à la lutte contre cette forme de criminalité. Outre les améliorations mises en oeuvre par le travail de l'OCLCTIC, je nommerai d'ici à la fin de l'année un préfet coordonnateur en charge de la lutte contre la cybercriminalité, qui coordonnera notre action et qui travaillera à la mise en relation de nos propres services avec les services du ministère de l'économie et des finances. Vous avez travaillé avec moi, dans une autre configuration, sur la lutte contre la fraude fiscale ; vous savez à quel point les grands fraudeurs utilisent les moyens numériques et les technologies modernes de communication pour commettre leurs méfaits. Nous avons, dans ce domaine, un travail important à mener et, de ce point de vue, le préfet en charge de la lutte contre la cybercriminalité sera très utile pour assurer cette coordination.

Vous avez insisté à juste titre, monsieur Gallut, sur le rôle du médiateur interne de la police nationale, dont la fonction a été créée par la circulaire du 31 décembre 2012. M. Frédéric Lauze, inspecteur général de la police nationale, a été nommé à ce poste en janvier 2013. Ainsi que vous l'avez souligné, sa mission est très utile, voire stratégique : il favorise la prévention et la diminution des contentieux entre les citoyens et la police nationale ; il donne à l'administration l'occasion de mieux expliquer ses actions ; il trouve une solution à des problèmes et stoppe les dynamiques conflictuelles ; il émet des avis indépendants qui visent à proposer des solutions dans les situations de litige ou de contentieux entre l'administration et l'administré. Ce travail est important et doit être encouragé.

Je réponds maintenant aux questions que M. Lebreton et M. Morel-A-L'Huissier m'ont posées sur la sécurité civile.

La loi de finances pour 2014 a opéré la fusion des deux programmes de sécurité civile, qui peinaient à atteindre une taille critique : 168 millions d'euros pour l'un, 280 millions pour l'autre. Leur regroupement facilite la gestion, donne une assiette financière beaucoup plus large, permet des redéploiements et une fongibilité entre les actions, offre davantage de possibilités au ministère de l'intérieur pour répartir les gels entre différents postes – nous essayons de les concentrer sur des postes qui ont vocation à être mécaniquement dégelés, afin précisément d'obtenir plus facilement ces dégels. La fusion ne nuit en rien à l'identification de la sécurité civile comme une activité spécifique : elle apparaît très clairement comme un programme au sein de la mission « Sécurités ».

J'en viens aux grandes priorités du budget de la sécurité civile pour 2015. Premier objectif : le maintien en condition opérationnelle de nos équipements – essentiel pour assurer une couverture du territoire face aux risques sécuritaires à tout moment –, ainsi que la modernisation et le fonctionnement des moyens nationaux de sécurité civile. Cela concerne toute la palette des instruments dont nous avons besoin pour intervenir sur les théâtres où peuvent se produire des inondations ou des incendies sérieux : bombardiers d'eau, hélicoptères, formations militaires de la sécurité civile, crédits d'urgence, etc. Deuxième objectif : poursuivre les grands programmes d'investissement dans les infrastructures de communication – notamment dans le réseau ANTARES – et le soutien de l'État à d'autres structures d'intérêt national, telles que le Centre d'alerte aux tsunamis et le Centre national civil et militaire de formation et d'entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive.

Je me suis exprimé sur la réforme territoriale et les services départementaux d'incendie et de secours à l'occasion du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon il y a quelques semaines. Je répète ce que j'y ai dit : la réforme territoriale ne compromet pas l'organisation des SDIS. Cela tient tout d'abord à la structure de financement particulière de ces services : le budget global des SDIS s'élève à 4,8 milliards d'euros. Les intercommunalités, on ne le sait pas assez, apportent 41 % de ce budget et les départements prétendent financer le solde, oubliant que sur ces 2,3 à 2,5 milliards d'euros qu'ils s'attribuent, 800 millions à 1 milliard correspondent à l'affectation par l'État aux départements d'une partie du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance.

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