Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 27 octobre 2014 à 21h00
Commission élargie

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Et comme je vous sais extrêmement gourmand et gourmet, j'ai conscience de prendre un risque considérable : c'est dire à quel point je suis sûr de ce que j'avance. Les départements ont fait beaucoup pour les SDIS – il faut le reconnaître –, mais la contribution qu'ils affichent en matière de financement des SDIS ne correspond pas à la réalité. Le dispositif est en réalité assez équilibré. Aussi, compte tenu du montant de la contribution financière de l'État et du rôle de garant qu'il joue en matière d'égalité des citoyens devant les secours d'urgences aux personnes et les SDIS, compte tenu par ailleurs du développement de la coopération européenne et de l'engagement de plus en plus fréquent de nos forces sur des théâtres européens, j'estime, en ma qualité de ministre de l'intérieur, que l'État doit contribuer à définir les orientations de la politique nationale de sécurité civile ; celle-ci ne peut pas se résumer à la juxtaposition des politiques des différents SDIS.

S'agissant de l'assise territoriale des SDIS, même si les conseils départementaux devaient disparaître dans un certain nombre de territoires où le fait urbain est prédominant, le département lui-même ne disparaîtra pas : il restera une circonscription administrative de l'État. C'est même à l'échelon du département que doit se faire la déconcentration. Il n'y a donc aucune raison de modifier l'organisation départementale des SDIS. Nous avons d'ailleurs d'autant plus d'intérêt à la maintenir que 80 % des agents des SDIS sont des sapeurs-pompiers volontaires : nous ne pourrions pas préserver le modèle français sans ancrage territorial. L'organisation départementale est de ce point de vue tout à fait optimale.

Quant aux territoires dans lesquels les conseils départementaux viendraient à disparaître, j'ai donné la garantie que les dotations affectées par l'État à ces départements pourraient être utilisées pour le financement des SDIS. Je le confirme devant la représentation nationale. Nous avons réfléchi avec la DGSCGC à la meilleure manière d'organiser territorialement les SDIS et les secours d'urgence aux personnes pour éviter tout préjudice.

En matière de prévention des risques d'inondation, nous menons deux types d'actions. Sur le plan opérationnel, les outils de prévision sont affinés et renforcés. La DGSCGC travaille très étroitement avec Météo-France et le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations : cela nous a permis d'éviter bien des difficultés lors des récentes inondations dans l'Hérault. Je me suis rendu dans ce département à trois reprises et j'ai constaté, avec les élus locaux, que les services dépendant de la DGSCGC, les autres administrations de l'État compétentes en matière de prévention, Météo-France et les SDIS travaillaient ensemble dans des conditions satisfaisantes.

En ce qui concerne les risques pandémiques, un plan national de prévention et de lutte contre une pandémie grippale a été élaboré en 2009 et 2010 au moment de l'épisode de grippe H1N1 et décliné aux échelons zonaux et départementaux ; actuellement, il sert de matrice pour l'élaboration du plan Ebola par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. D'autre part, nous avons réformé la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle de telle manière que le Conseil des ministres se prononce lors de la réunion qui suit immédiatement la catastrophe constatée, afin que le processus d'indemnisation puisse s'engager dans les meilleurs délais.

Vous m'avez également interrogé, messieurs, sur l'état d'avancement d'un certain nombre de grands dossiers qui concernent la sécurité civile. Le déploiement du réseau ANTARES se poursuit conformément au calendrier prévu. Nous pensons que l'objectif de couverture de 100 % des SDIS à l'horizon 2017 sera tenu. En 2015, malgré les contraintes budgétaires, l'État consacrera 17,7 millions d'euros en crédits de paiement et 7,6 millions en autorisations d'engagement à la poursuite du développement d'ANTARES. Quant au Centre d'alerte aux tsunamis, il est opérationnel depuis le 1er juillet 2012 et a confirmé sa pertinence. Sa mission est d'alerter les autorités dans les quinze minutes qui suivent un événement potentiellement dangereux et d'avertir les centres d'alerte relais. À terme, il pourra surveiller l'océan Indien et les Antilles françaises. L'État a financé la totalité des investissements et appuiera les missions de ce centre. Enfin, la mise en place du centre civilo-militaire de formation NRBCE se poursuit. L'objectif est de rapprocher les formations et de disposer d'une compétence unifiée en matière de risques NRBCE.

J'ai fait un point précis sur le plan d'action pour le volontariat devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon. Nous nous employons à le mettre en oeuvre de façon précise, cadencée et volontariste. Au cours des dernières semaines, nous avons lancé une grande campagne nationale de communication baptisée « Sapeur-pompier + volontaire = moi aussi ». Elle s'intensifie actuellement. D'autre part, nous sommes en train de négocier des conventions avec les grands employeurs pour aménager le temps de travail afin de faciliter l'engagement citoyen. De telles conventions ont déjà été signées avec l'Association des maires de France, AREVA et les services de remplacement des salariés agricoles. Cette démarche implique aussi un grand nombre de collectivités territoriales. Mon objectif est de conclure des conventions de ce type avec le maximum d'acteurs socio-économiques afin de faciliter l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Nous incitons en particulier les jeunes à devenir sapeurs-pompiers : la formation initiale et les conditions d'aptitude médicale ont été aménagées à cette fin. L'insertion professionnelle des jeunes est encouragée avec la rénovation du baccalauréat professionnel « sécurité-prévention ». Enfin, nous préparons avec la ministre du logement des dispositions destinées à favoriser l'accès des sapeurs-pompiers volontaires au logement social, y compris dans des conditions incitatives. La demande est très forte en la matière. Je souhaite que nous puissions travailler sur ce sujet avec les grands bailleurs sociaux, dans l'intérêt des territoires et du développement du secours aux personnes.

En ce qui concerne le projet de directive communautaire relatif au temps de travail, nous poursuivons notre mobilisation afin que le modèle français en matière de secours, qui repose sur la juxtaposition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, ne soit pas remis en cause. D'autres États membres présentant un modèle comparable au nôtre, les sapeurs-pompiers volontaires se sont rassemblés à l'échelle européenne et sont intervenus auprès de la Commission pour tenter de la convaincre. Des contacts ont été pris avec la nouvelle Commission, qui n'a pas encore pris ses fonctions. Elle semble assez compréhensive à l'égard des demandes formulées.

S'agissant de la flotte d'hélicoptères du ministère de l'intérieur, la coordination opérationnelle entre la gendarmerie et la sécurité civile monte en puissance. Elle est déjà effective au centre de maintenance de Nîmes-Garons. En visitant cette base cet été, j'ai pu constater que les hélicoptères bleus et rouges étaient désormais entretenus par des équipes intégrées qui font un travail remarquable. Les techniciens échangent leur expérience et suivent des formations communes. Il convient de conforter ce centre de maintenance et de faire en sorte que l'expérience continue à se développer positivement. Je souhaite d'ailleurs aller plus loin encore dans la mutualisation de la maintenance des flottes d'hélicoptères qui concourent à la sécurité civile, en intégrant notamment les hélicoptères blancs. Il n'y a pas de raison de ne pas le faire à un moment où l'argent public est rare. J'ai saisi le Premier ministre par lettre en ce sens.

En ce qui concerne la modernisation des moyens nationaux, je ne reviens pas sur le transfert de la base de Marignane à Nîmes-Garons que j'ai déjà évoquée. Par ailleurs, je vous confirme que le renouvellement des contrats de maintenance est en cours. Il doit permettre d'améliorer le taux de disponibilité opérationnelle et de réaliser des économies. Les discussions avec les différents prestataires s'étant révélées insatisfaisantes, le marché a été déclaré infructueux. Cependant, nous relançons le processus de manière à aboutir à un dispositif conclusif. Pour ce qui est du renouvellement de la flotte de bombardiers d'eau Tracker d'ici à 2020, le choix interviendra en 2015.

Je sais, monsieur Boisserie, à quel point le budget de la gendarmerie vous tient à coeur. Vous vous mobilisez en permanence et de manière très efficace sur ce sujet. S'agissant de la mise en réserve des crédits de la gendarmerie, je suis comme vous obsédé par le dégel, avant même que le gel n'intervienne : je tiens à m'assurer que les crédits votés par le Parlement sont utilisés en totalité. Je partage votre analyse sur ce point. Chaque année depuis 2012, nous avons obtenu des dégels importants pour la gendarmerie nationale : 64 millions d'euros en 2012, 69 millions en 2013, 52 millions en 2014. Pour 2015, nous devrons à nouveau nous mobiliser. Les discussions auront lieu le moment venu et je ne peux pas vous indiquer aujourd'hui le niveau des crédits mis en réserve ni les conditions dans lesquels le dégel pourra intervenir. Je peux simplement vous dire que, jusqu'à présent, nous avons réussi à faire en sorte que les crédits nécessaires à l'exercice de leur mission par nos forces soient débloqués dans de bonnes conditions. Tel a notamment été le cas en septembre dernier.

La création du SAELSI a permis d'optimiser les achats. Néanmoins, ainsi que vous l'avez relevé, la massification des marchés n'est qu'un des leviers de la performance en matière d'achats. Les gains issus de cette massification pour les marchés notifiés en 2014 notamment par le SAELSI ne représentent qu'un peu plus de 20 millions d'euros sur les 88 millions qui ont déjà été enregistrés. Mais nous espérons que la montée en puissance de la mutualisation et de la politique des achats permettra d'obtenir des résultats plus significatifs.

La protection des centrales nucléaires est un sujet que j'ai eu à connaître à Cherbourg. Les centres nucléaires de production d'électricité sont classés « points d'importance vitale ». La création d'un délit spécifique d'intrusion à l'intérieur des CNPE fait l'objet de réflexions au sein de différents ministères, en particulier de ceux de l'intérieur et de la justice. La coordination interministérielle est menée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Monsieur Popelin, l'objectif de convergence des logiciels de rédaction des procédures de la police et de la gendarmerie est pertinent. Mais, si les deux logiciels ont le même usage en front office – la rédaction des procédures –, tel n'est pas le cas en back office : à la différence du LRPGN, le LRPPN sert également à l'élaboration des statistiques de la police nationale. De même, l'organisation des deux logiciels est différente. Nous devons donc prendre un minimum de précautions en matière de convergence.

La formation continue est un domaine intéressant pour la mutualisation, en même temps qu'un sujet sensible. Si la formation initiale doit rester du ressort de chaque force, il est possible d'aller beaucoup plus loin – j'en suis convaincu – dans la mutualisation de la formation, notamment des formations spécialisées que vous avez citées, monsieur Popelin. Il convient de s'appuyer sur les pôles d'excellence de chaque force et d'identifier les économies potentielles en termes d'investissement, notamment dans l'immobilier. Ce chantier doit être relancé, sans renoncer à chercher des éléments de mutualisation avec d'autres ministères, notamment avec celui de la défense en matière de cynotechnie ou d'interventions en montagne, comme cela se pratique déjà dans le domaine de la plongée. Des travaux ont été engagés et vont se poursuivre pour certaines formations techniques, notamment pour celle des unités motocyclistes et celle des unités cynophiles.

La CORAT a pour objectif de renforcer l'efficacité des forces de gendarmerie et de police dans le respect des compétences et de la culture professionnelle de ces forces, notamment dans les zones limitrophes jouxtant la zone gendarmerie nationale et la zone police nationale, ainsi que dans les zones de sécurité prioritaires mixtes. Concrètement, cela passe par plusieurs éléments : l'approfondissement de la coopération opérationnelle au niveau des responsables départementaux ; le renforcement de la coordination dans le domaine judiciaire ; le partage de l'information opérationnelle en temps réel ; l'amélioration de la coordination en matière d'emploi des moyens spécialisés et dans les situations d'urgence. Nous sommes déterminés à avancer sur l'ensemble de ces sujets.

En ce qui concerne les salles de commandement départementales, je suis très favorable à l'extension du traitement des appels par des plates-formes communes, afin que chaque centre opérationnel n'ait à traiter que ce qui le concerne.

Le maillage territorial de la police et de la gendarmerie doit continuer à évoluer. Nous procédons à des redéploiements réguliers et permanents à l'échelle nationale. Je souhaite qu'ils puissent se faire dans la concertation, afin d'éviter les heurts. Nous déployons des policiers là où intervenaient auparavant des gendarmes, et inversement, afin de tenir compte de la spécificité d'un certain nombre de zones et d'être ainsi plus efficaces. Les redéploiements assez significatifs que nous avons effectués cette année ont fait peu parler d'eux, car ils ont été conduits dans le cadre d'un dialogue aussi étroit que possible avec les personnels. Nous poursuivons les redéploiements sur plusieurs axes routiers, notamment sur l'autoroute A 36.

Nous avons engagé la mutualisation entre la police et la gendarmerie au moyen de trois grands outils : le SAELSI, les SGAMI et le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure dit STSI2. Nous allons poursuivre ces efforts. En 2015, la mutualisation pourrait s'intensifier dans deux domaines : la cybercriminalité et la police scientifique et technique. La mise en commun de certains outils peut permettre non seulement de réaliser des économies et de dégager des marges de manoeuvre, mais aussi de faciliter le travail d'élucidation.

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