Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 27 octobre 2014 à 21h00
Commission élargie

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Voici les chiffres de la gendarmerie : l'exécution 2012 : 95 168 ETP ; exécution 2013 : 95 283 ETP ; prévision pour 2014 : 95 387 ETP. Je tiens à l'entière disposition des parlementaires ici présents l'ensemble des tableaux et des éléments statistiques qui illustrent qu'à l'exception de 2013, année marquée par une sous-exécution de 31 ETP. Cette exécution sera en 2014 de + 577 pour la police. Et pour la gendarmerie, nous sommes entre 2012 et 2013 à + 115, et la prévision pour 2014 s'élève à + 104 ETP.

En ce qui concerne les éléments qui ne relèvent pas du titre II, je vous ai fourni tout à l'heure les chiffres relatifs à l'investissement immobilier, qui ne sont pas sans compter dès lors que nous décidons de moderniser nos forces. Si les investissements dans la police ont diminué de 17 % entre 2007 et 2012, les perspectives budgétaires pour 2017 en la matière, qui se traduiront par des engagements dès 2015, prévoient une augmentation de 9,7 % des crédits de paiement et de 22 % en autorisations d'engagement. Que l'on nous reproche de ne pas en faire assez avec plus 500 ETP par an alors que l'on en a supprimé 13 000, c'est un raisonnement auquel je peux accéder à cette heure tardive, mais au prix, je le reconnais, d'un énorme effort sur moi-même !

J'en viens à présent aux statistiques de la délinquance depuis le début de l'année 2014 : ces chiffres présentent l'intérêt d'intégrer l'effet des plans engagés par le Gouvernement, et en particulier ceux du plan de lutte contre les cambriolages décidé par mon prédécesseur au mois de septembre dernier et qui donne des résultats. Comme je souhaite être exhaustif en la matière et m'interdire toute manoeuvre d'enfumage, je vous fournirai aussi bien les bons chiffres que les mauvais. Je précise que ces statistiques sont élaborées à l'aide d'un nouveau système statistique ministériel résultant d'un rapport de l'inspection générale de l'administration, celle-ci ayant pointé les incongruités du système précédent.

Les violences aux personnes se sont globalement stabilisées : au cours des premiers mois de l'année 2014, la police et la gendarmerie ont constaté 376 255 faits de violence aux personnes contre 365 534 faits au cours de la même période en 2013 – soit une augmentation de 2,93 %. Les violences physiques crapuleuses, durement ressenties par les Français, sont, elles, en très nette diminution, de 7,69 %. La délinquance crapuleuse – qui était en très nette progression depuis 2011 en raison de la hausse de certains comportements, de celle du cours de l'or et de l'intérêt des délinquants pour les smartphones – semble aujourd'hui contenue. En revanche, les violences physiques non crapuleuses augmentent et expliquent la hausse globale des violences aux personnes : il s'agit de violences intrafamiliales face auxquelles nous menons un travail interministériel : nous n'allons pas mettre un policier dans chaque famille…

Les atteintes aux biens sont globalement stabilisées : si elles étaient orientées à la hausse de 2,63 % en 2013, elles diminuent en 2014. La hausse des cambriolages a été jugulée : l'évolution est de -0,06 % entre janvier et septembre. Et depuis plusieurs mois, le nombre de cambriolages de résidences principales est orienté à la baisse, de 6 %.

J'insisterai également sur l'activité très soutenue des services. Les taux d'élucidation progressent : pour les homicides, ils sont de 84,21 % contre 79 % en 2013 ; pour les vols à main armée, de 46,13 % contre 37,21 % en 2013. Ces taux d'élucidation ont également progressé pour les cambriolages. Ces chiffres témoignent du très fort engagement des services de police et de la gendarmerie pour réduire les faits de délinquance constatés. Et comme je me suis engagé à vous rendre compte tous les six mois des statistiques de la délinquance élaborés à l'aide de notre nouveau système statistique ministériel, vous aurez la possibilité de mesurer au long cours le décalage qui peut exister entre les objectifs que nous nous assignons et les résultats que nous obtenons.

Je conclurai ma réponse à MM. Zumkeller et Ciotti en insistant sur trois points : premièrement, les effectifs augmentent ; deuxièmement, nos crédits d'investissement sont en hausse ; et troisièmement, depuis le début de l'année 2014, notre politique ainsi que plusieurs plans transversaux, tels que le plan de lutte contre les cambriolages, commencent à produire leurs effets, de sorte que les résultats en matière de prévention de la délinquance ne sont pas négligeables.

M. Luc Belot m'a interrogé sur le défi technologique auquel sont confrontées les forces de sécurité intérieure. Par le biais d'une lettre de mission du 19 septembre 2013, signée par le directeur général de la police nationale, nous avons créé un groupe de travail chargé d'identifier les apports des technologies dans la modernisation des forces de sécurité intérieure. Ce groupe était composé de représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, de la direction générale de la gendarmerie nationale et de la direction générale de la police nationale, auxquels ont été associés des experts extérieurs. Le groupe de travail propose que la modernisation technologique du ministère se concentre sur quatre enjeux stratégiques. Le premier consiste à répondre à une société de plus en plus numérique par une proximité renouvelée ; il s'agit d'utiliser les technologies numériques pour favoriser la proximité entre la police, la gendarmerie et les citoyens, d'unifier les plateformes d'appel du 15, du 17, du 18 et du 112 en raison de l'augmentation constante du volume d'appels en lien avec la multiplicité des sources, et de développer un réseau social de l'intérieur réservé aux seuls agents. Le deuxième axe consiste à améliorer l'efficacité du primo-intervenant ; le troisième, à développer les capacités d'anticipation et de conduite opérationnelle ; le quatrième axe enfin, à lutter contre la criminalité à l'aide de moyens technologiques mieux adaptés à la menace. Nous vous transmettrons une fiche présentant avec précision la totalité des actions que recoupent ces quatre axes prioritaires.

Monsieur Dosière, les forces de sécurité outre-mer s'élèvent globalement à 8 360 policiers et gendarmes : dont 3 500 personnels permanents pour la gendarmerie, renforcés par près de 1 500 gendarmes mobiles et environ un millier de réservistes. L'évolution globale des effectifs de la police nationale dans les DOM-COM est marquée par une hausse de quatre-vingt-huit unités entre le 31 décembre 2008 et le 30 septembre 2014 – la dotation passant de 4 772 à 4 860, soit un gain d'effectifs de 1,8 %. La police de l'air et des frontières enregistre une forte progression, avec quarante-trois agents supplémentaires ; vient ensuite la sécurité publique hors services de renseignement territorial, avec une hausse de vingt-quatre.

Les forces de sécurité outre-mer font face, dans les départements que vous avez mentionnés, à des formes de délinquance très variées et à des phénomènes de violence bien supérieurs à ceux constatés en France métropolitaine. Les violences crapuleuses et homicides commis à l'aide d'armes à feu sont notablement surreprésentés dans les Antilles et en Guyane. Et les violences non crapuleuses sont partout très présentes, y compris en Nouvelle Calédonie, à La Réunion et en Polynésie française. Nous avons alloué des moyens supplémentaires à la lutte contre la délinquance économique et financière (DEFI) à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, tels les enquêteurs DEFI à la brigade de recherche de Saint-Martin. De même, peut intervenir la section de recherche de Guadeloupe de la DIPJ aux Antilles ou du GIE. Il est certain que les unités de recherche se concentrent sur les phénomènes les plus violents puisque l'on approchera sans doute en 2014 la centaine de vols à main armée sur la seule partie française de Saint-Martin. Par ailleurs, je me rendrai très prochainement en Guyane afin de définir les modalités d'adaptation du dispositif existant, compte tenu des actes de délinquance qui ont pu y être constatés.

M. Larrivé m'a interrogé au sujet de l'arrêt de la CEDH condamnant la France pour avoir rendu le syndicalisme incompatible avec le statut militaire. Notre approche est très pragmatique sur ce point : des instances de dialogue existant déjà au sein de la gendarmerie, elles ne sont plus à inventer. Elles ont évolué en profondeur depuis quatre ans et ont permis de renforcer le dialogue interne au sein de la gendarmerie nationale. Notre objectif est donc de valoriser l'existant pour apporter la démonstration que nous avons depuis longtemps intégré les préoccupations de la CEDH, que nous avons constamment développé le dialogue au sein de la gendarmerie nationale et que le point auquel nous en sommes arrivés nous paraît une réponse adaptée à ces préoccupations.

Madame Troalic, les services territoriaux peuvent bénéficier de l'appui des compagnies républicaines de sécurité là où elles sont implantées dans le cadre de la lutte contre la délinquance. Ce renfort de forces peut s'effectuer de deux manières : tout d'abord, dans le cadre du principe de la zonalisation des forces mobiles, le préfet de zone peut décider de l'affectation des unités du ressort de sa compétence. Cela correspond au dispositif zonal de sécurisation ; en complément de celui-ci, à la demande de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et dans le cadre d'un dispositif centralisé, la DGPN peut mettre à disposition de l'autorité l'emploi d'unités de forces mobiles. C'est ce que nous avons fait cet été à Calais, ainsi que dans les villes soumises à des risques de débordements au terme de manifestations sportives ou accueillant de grands événements justifiant que l'on renforçât les moyens de sécurité publique pour assurer le bon déroulement de ces événements, comme lors du 70e anniversaire du débarquement.

MM. Goujon et Moyne-Bressand m'ont interpellé sur l'importance des tâches qui seront confiées à la police nationale en raison des multiples réformes et de la complexification des procédures. J'ai eu l'occasion, à la faveur du discours que j'ai prononcé devant les forces de sécurité il y a quelques semaines, en présence du président Urvoas, d'exprimer ma préoccupation de voir ces procédures et ces réformes ne pas alourdir le travail de la police nationale. Je propose pour ce faire de travailler dans deux directions dans le courant de l'année 2015, d'abord en associant très étroitement le ministère de l'intérieur à l'élaboration des textes d'application de la réforme Taubira de manière à ce que le contenu de ces textes d'application donne toutes garanties à nos forces sur les conditions dans lesquelles elles exerceront les missions qui leur sont confiées au titre de cette réforme pour ne pas alourdir leurs tâches ; ensuite en vérifiant si, dans le cadre de la réflexion conduite par le président de la République sur la simplification, on pourrait adopter des ordonnances de simplification dans les domaines là où cela est juridiquement possible. Nous pourrons ainsi alléger les tâches de notre police.

Madame Pochon, s'agissant des nuisances occasionnées par les quads et les mini-motos, je vous transmettrai des éléments précis par écrit : cette question très pointue appellerait des développements très longs sur le port des équipements de sécurité, le respect des règles de circulation, la mobilisation de moyens de lutte contre les nuisances sonores et les conditions d'engagement de nos forces pour répondre à ces enjeux et la prévention.

Monsieur Decool, l'hôtel de police de Dunkerque va faire l'objet d'un investissement de 580 000 euros dont 250 000 en 2015, notamment au titre de la rénovation de son accueil.

Monsieur Reitzer, je vous fournirai également une réponse détaillée et chiffrée par écrit sur la CSP de Saint-Louis. D'ici au 31 décembre 2014, deux départs devraient intervenir ; quatre gradés et gardiens de la paix doivent également arriver. À la fin de l'année 2014, la dotation d'agents du corps d'encadrement et d'application (CEA) se situera ainsi légèrement au-delà des effectifs de référence.

En ce qui concerne l'affectation d'agents d'origine d'outre-mer dans les DOM-TOM, monsieur Lebreton, le droit en vigueur offre la possibilité d'opter, selon le lieu de naissance, pour un régime commun ou un régime dérogatoire. Nous avons évoqué cette question à l'occasion de mon déplacement à La Réunion. Les candidats métropolitains comme ultramarins au concours de recrutement de sous-officier sont soumis, depuis l'instauration du concours national en 2012, aux principes d'égalité de traitement et d'égalité d'accès à la fonction publique. Si nous modifiions le dispositif existant, nous courrions le risque considérable de voir certains fonctionnaires ultramarins pénalisés.

Monsieur Marleix, la gendarmerie possède au 1er juillet 2014 30 155 véhicules dont 1 537 proviennent du marché de l'externalisation pour lequel l'option d'achat a été levée. Les véhicules légers sérigraphiés et deux-roues du parc opérationnel ont en moyenne sept ans d'ancienneté et 175 000 kilomètres au compteur. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules pour un montant de 60 millions d'euros. Or il n'est plus satisfait à une telle exigence depuis quatre ans. En 2014, la construction initiale du budget de l'équipement prévoyait 40 millions d'euros de crédits au titre du renouvellement du parc automobile. L'ensemble de ces crédits a fait l'objet d'un gel dans le cadre de la mise en réserve. Toutefois, 12 millions d'euros ont été annulés au titre de la loi de finances rectificative pour 2014 sur cette même enveloppe – ramenant celle-ci à 28 millions d'euros. Au 30 septembre 2014, nous avons obtenu le dégel de 51,8 millions dont 28 millions au titre de l'acquisition de 1 400 véhicules.

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