M. de Courson m'a interrogé sur la substitution progressive de financements communautaires aux crédits nationaux dans la politique agricole. La prime nationale à la vache allaitante, qui représentait 165 millions d'euros, est dorénavant financée par le budget européen, à hauteur de100 millions d'euros en 2014 et 65 millions en 2015. C'est le fruit de la bataille que j'ai menée au niveau européen sur le couplage des aides. Le taux de cofinancement s'est également accru à hauteur de 75 % pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), soit une économie pour le budget de l'État de 90 millions d'euros en 2014, chiffre que nous entendons porter à 100 millions d'euros en 2015. Le taux de cofinancement est de 80 % pour la politique d'installation, soit, ici, une cinquantaine de millions d'euros d'économies.
Le plan de modernisation est un choix stratégique. Il consiste à prendre 1 % des aides du premier pilier de la PAC pour financer la modernisation de l'élevage de manière générale. On pourra, dans ce cadre et en temps voulu, discuter des aides aux élevages concernés par la directive Nitrates. Les 200 millions d'euros du plan de modernisation alimenteront le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui permettra ensuite de développer des politiques relevant du deuxième pilier. Le financement apporté par l'État passera de 30 à 56 millions d'euros. En 2016 seront discutées les évolutions nécessaires du premier pilier, en particulier le fameux paiement redistributif. À ce moment-là, si la modernisation des exploitations est considérée comme acquise, on pourra envisager que le premier pilier serve à des politiques structurelles du deuxième pilier, comme l'assurance contre les risques agricoles. C'est, a priori, la piste qui s'ouvrira demain. Pour poursuivre cette modernisation, nous avons également mobilisé le programme d'investissements d'avenir (PIA 2), pour la première fois de manière significative pour l'agriculture, à savoir à hauteur de 40 millions d'euros pour 2015.
Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques, remplace M. François Brottes à la présidence.
D'un point de vue macroéconomique, le CICE bénéficie à plein au ministère de l'agriculture pour une raison simple : la base de calcul du CICE est de deux fois et demie le SMIC. Grâce au CICE et au pacte de responsabilité, plus de 730 millions d'euros appuieront la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Si bien que, même si les crédits de la mission baissent de 200 millions d'euros par rapport à 2014, on dispose in fine d'un « plus » de dépenses budgétaires nationales de 500 millions d'euros.
Nous avons déjà eu de nombreuses discussions à propos des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE) et des ETARF. Il est vrai que nous considérons qu'en instaurant un système de lissage du temps de travail, en particulier dans le secteur de la forêt, on éviterait un recours excessif au travail saisonnier. Je rappelle d'ailleurs que, dans ce domaine, le CICE représente autour de 13 millions d'euros de soutien.
FranceAgriMer est un vrai sujet. J'ai toujours défendu l'idée d'un pilotage interprofessionnel. Je vous renvoie au plan stratégique proposé par FranceAgriMer et les interprofessions. La baisse du budget, ici, est compensée, outre le programme 154 et le CASDAR, par le PIA à hauteur de 40 millions d'euros par an, qui donneront les moyens nécessaires d'agir à FranceAgriMer. Au total, entre 2014 et 2015, le budget d'action de FranceAgriMer ne baisse « que » de 4 millions d'euros. Reste la question, que nous pourrons clarifier en séance, des 6 millions d'euros du PIA dont devraient bénéficier en 2015 la filière canne-sucre et la diversification dans les départements d'outre-mer.
Monsieur de Courson, le CNPF fera des efforts, comme tous les opérateurs. Il avait un fonds de roulement de plus de sept mois ; nous le ramenons à deux mois, règle que nous appliquons à tous les fonds de roulement, y compris ceux des chambres d'agriculture. Tout a été fait pour garantir au CNPF les moyens de son fonctionnement. La fusion que vous évoquiez entre les chambres et le CNPF est diversement envisagée : les premières l'appellent de leurs voeux, tandis que les professionnels de la forêt privée ne la souhaitent pas, sauf dans l'Est de la France. On peut concevoir, certes, une telle fusion comme un élément de rationalisation du dispositif, mais je ne suis pas du tout convaincu de notre capacité à mener cette réforme à bien.
Pour ce qui est du régime forestier, notre objectif est bien de le maintenir. M. Chassaigne a fort justement rappelé qu'il permet la mutualisation et la solidarité entre des forêts économiquement productives, la vente de bois assurant le financement de l'entretien global de la forêt par le biais de l'ONF, et des forêts qui n'ont pas cette capacité. Je reste favorable à l'idée de la forêt française appréhendée dans sa globalité. Il n'empêche que, dans le même temps, nous devons engager des efforts : ce sont la prise en charge par l'ONF d'une baisse de dotation de 20 millions d'euros et la renégociation du COP qui, tout en garantissant le régime forestier, doit permettre d'adapter son fonctionnement et son coût à un contexte contraint.
Il faut surtout aller dans le sens du développement. La forêt française a son histoire avec, d'un côté, les grandes forêts arboricoles de l'Est et des Landes, et, de l'autre, une forêt qui s'est développée sur la déprise agricole. Dans certains départements du centre, la surface forestière ainsi développée peut atteindre jusqu'à 70 % de la surface agricole utile, ce qui pose le problème de la reconquête de ces surfaces pour l'agriculture. Reste qu'il y a là une biomasse très importante et inutilisée. J'ai donc demandé à l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) de travailler sur la valorisation en énergie des taillis. C'est ainsi que nous avons signé, dans le Larzac, la prolongation d'un bail, moyennant quoi une filière pellet a été créée qui assure le chauffage d'une grande partie des fermes environnantes. C'est là une stratégie qui vise à aider les communes ne disposant que des moyens d'entretenir leur forêt, à valoriser celle-ci. Elle est conforme à l'essence du régime forestier, à laquelle je suis attaché. Le COP sera renégocié dans la perspective de son maintien. D'ailleurs, si l'effort de 20 millions est important pour l'ONF, il ne faut pas oublier que, en 2012, 2013 et 2014, l'Office a reçu 100 millions d'euros de plus que prévu dans le COP précédent.
En ce qui concerne la concurrence, avec le ministre de l'économie Emmanuel Macron, nous avons discuté avec l'ensemble de la filière puis publié les décrets d'application de la loi Hamon sur la renégociation des accords commerciaux en cas de modification des coûts de production, en particulier dans le secteur agricole. L'Autorité de la concurrence a été saisie afin de vérifier que les regroupements de centrales d'achats de la grande distribution sont compatibles avec le droit de la concurrence, afin aussi d'exercer une pression pour que ces regroupements ne se traduisent par une baisse des prix à la production. Il n'est pas question de nier l'existence de la grande distribution, d'autant qu'elle sert de débouché à de nombreuses productions ; mais elle ne saurait entrer dans une concurrence telle qu'elle participe à la déflation générale. Il y a d'autres moyens pour les grandes enseignes de gagner des parts de marché ; la plus grande y est parvenue, non pas grâce à la baisse des prix, mais en développant les supermarchés de proximité.
M. de Courson m'a également interrogé sur la place du numérique. Grâce au TéléPAC que nous avons mis en place, 86 % des dossiers sont remplis désormais sous forme numérique. Je vais proposer une simplification administrative spécifique pour l'agriculture afin de gagner en efficacité, même si le monde agricole est tout de même contraint par des contrôles européens. Nous avons par ailleurs lancé l'objectif « une demande-une réponse », et nous appliquerons le principe selon lequel l'absence de réponse de l'administration vaut accord.
Par ailleurs, j'entends souligner le fait que, pour la première fois depuis près de dix ans, on relèvera une création nette d'emploi dans le secteur sanitaire avec la création de soixante postes de vétérinaires. Ce chiffre correspond tout à fait aux objectifs que je m'étais fixés, après la prévision de suppression, en 2013, de 120 postes ramenée à soixante puis la stabilisation des effectifs en 2014.
Le transfert à l'ANSES des décisions d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes avait fait l'objet de longs débats, en particulier s'agissant de l'allocation des moyens correspondants. Antoine Herth, qui s'est toujours montré dubitatif, devra bien constater que le budget de fonctionnement de l'ANSES reste stable, à près de 63 millions d'euros, que dix postes sous plafond vont être créés en 2015 pour absorber le transfert des nouvelles missions, et que la gestion des recrutements hors plafond jouira d'une certaine souplesse pour faire face aux pics d'activité des AMM, puisque l'ANSES les fait financer par ceux qui les demandent. Nos objectifs sont donc atteints.
L'autocontrôle doit absolument être développé. Pour que le système soit fiable et parce que l'on ne peut pas tout contrôler, les entreprises elles-mêmes doivent être en mesure d'assurer la responsabilité qui leur incombe en la matière. Néanmoins, des emplois publics ont été créés dans ce secteur pour que la puissance publique fixe la règle et la fasse appliquer.
Les dispositions relatives au bien-être animal résultent d'une harmonisation entre code rural et code civil. Si je me prononce clairement pour assurer le bien-être animal, je m'oppose à ceux qui considèrent qu'on devrait se passer de viande parce que sa production coûte cher et parce qu'on doit abattre des animaux pour pouvoir en manger. L'élevage, aujourd'hui en France, c'est treize millions d'hectares qui, sans cela, ne seraient pas valorisés. Je m'opposerai donc farouchement à ce que l'on remette en cause l'ensemble de la filière. Je suis prêt à reconnaître que les animaux sont des êtres sensibles dont il faut tout faire pour améliorer le bien-être, mais je n'accepterai aucun interdit alimentaire qui serait susceptible d'aboutir à la fin de l'élevage.
En matière d'agro-écologie, Dominique Potier doit rendre son rapport sur le plan Écophyto début décembre. Dans ce domaine, nous devons sortir de la logique de la norme et adopter une logique d'objectifs, qui s'appuie sur les mesures agroenvironnementales (MAE) que nous avons mises en place, notamment dans le réseau des fermes qui ont déjà diminué leur recours aux produits phytosanitaires et dont l'ensemble des agriculteurs devraient s'inspirer, dans le cadre d'une diffusion des bonnes pratiques. Ne faisons pas comme aux États-Unis où, la résistance au glyphosate étant de plus en plus forte, les cultivateurs ont été obligés de revenir aux composés organochlorés, c'est-à-dire aux DDT. En effet, la mutagenèse étant ce qu'elle est, plus les produits utilisés sont puissants, plus les résistances à ces produits se développent, avec tous les risques que l'on sait. D'où l'importance de changer de stratégie et de se tourner vers l'agro-écologie, pour éviter de se trouver emportés, avec l'utilisation de produits phytosanitaires de plus en plus durs, dans une sorte de course aux armements qui mettra, à terme, notre modèle agricole en danger. Je vous donne rendez-vous le 15 janvier prochain, pour une journée consacrée au comité national d'orientation et de suivi du plan Écophyto et à la mise en oeuvre du projet agro-écologique pour la France.
Nous avons augmenté les moyens consacrés à l'installation des agriculteurs : 100 millions d'euros ont été prévus pour favoriser le renouvellement des générations dans l'agriculture.