Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 4 novembre 2014 à 9h30
Commission élargie

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

Cela changera peut-être pour les étudiants. Quant aux retraités, c'est très bien de vouloir que les retraités continuent à travailler, d'autant que la mesure concerne les cotisations vieillesse.

Cet après-midi ou demain, mes services vont vous envoyer des fiches répondant aux huit questions posées par la FNSEA, notamment en ce qui concerne la directive Nitrates et les contrôles. Notez que la directive Nitrates a été signée par la France, il y a longtemps, peu m'importe par quel ministre. Malheureusement, nous devons l'appliquer si nous voulons éviter un contentieux et des sanctions. Fallait-il signer cette directive en l'état ? Plutôt que de me poser cette question, je préfère m'intéresser aux possibilités de la renégocier en partie. Nous allons revoir les critères, notamment d'eutrophisation des eaux continentales, sur lesquels nous avions discuté avec la Commission européenne.

Mon objectif reste de faire baisser à la fois l'étendue des zones vulnérables concernées et les investissements nécessaires au stockage des effluents d'élevage. La première solution consiste à favoriser les fumiers pailleux, ces effluents d'élevage qui peuvent être stockés en plein champ et qui ne nécessitent pas d'investissements dans des constructions en béton. La deuxième est de garder un maximum de surfaces d'épandage, ce qui pose le problème des pentes, bien connu dans la viticulture pour l'azote. Nous allons travailler sur l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour éviter que toutes les pentes supérieures à 15 % ne soient interdites d'épandage. La troisième consiste à favoriser l'adaptation par l'auto-construction qui ne nécessite pas de lourds investissements.

En définitive, si des investissements s'avèrent nécessaires, les aides du plan de modernisation seront mobilisées. En ce qui concerne la méthanisation, il faudra penser à une gestion collective qui permettrait aux exploitations d'externaliser ces charges et aux finances publiques d'investir dans des équipements beaucoup plus durables. Quand je pense à tout l'argent dépensé, via les plans de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA), dans certaines exploitations qui ont disparu au bout de quelques années, au rythme des évolutions logiques et normales du renouvellement ! Nous devons vraiment progresser en matière de stockage collectif.

Nous allons chercher à faire baisser ce qui a été présenté comme un coût immédiat de la directive Nitrates. Nous devons tout faire pour qu'il y ait le moins possible d'exploitations concernées et pour être aux côtés des exploitants afin d'assurer le passage nécessaire au respect de la directive sans obliger tout le monde à investir dans le béton. Baisser les taux d'azote et de phosphore dans l'eau ne doit pas nous conduire à augmenter le taux de bétonnage dans le monde rural. Ce n'est pas mon choix.

Les fiches qui vous seront envoyées dans l'après-midi répondent en particulier à la question de Thierry Benoit sur les contrôles. À titre expérimental, le préfet de Bretagne a été chargé d'engager des négociations sur l'assouplissement des contrôles. Je propose que, dans une quinzaine de jours, une mission parlementaire prenne le relais de cette expérience et étudie sa généralisation. En tant qu'élus locaux, nous avons tous été confrontés à ce phénomène de rues ravinées en permanence par des creusements successifs : d'abord l'eau, puis le gaz, puis l'électricité. Comme dans ce cas-là, l'objectif est de coordonner les interventions afin d'éviter que l'agriculteur ne finisse par percevoir les contrôles comme une forme de suspicion. Ce n'est pas simple mais nous allons le faire, dans le respect de la loi.

Marc Le Fur m'a interrogé sur la déclaration annuelle des quantités totales d'azotes épandues ou cédées, qui est encore trop compliquée. Nous allons la simplifier mais elle est essentielle pour que nous puissions, le moment venu, décliner le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA) et remplacer l'azote minéral acheté par l'azote organique dont nous disposons en Bretagne. Nous devons passer cette étape au plus vite pour réaliser le projet défini dans la loi d'avenir.

Antoine Herth m'a interrogé sur la gestion des risques, un sujet majeur. Tout d'abord, je voudrais rectifier les chiffres de Philippe Le Ray concernant le plan de modernisation : il s'élève à 200 millions d'euros – 56 millions d'euros d'aides de l'État, le reste étant prélevé sur le premier pilier de la PAC. Il faut moderniser et améliorer l'efficacité énergétique de certains bâtiments, mais il faut aussi détruire ceux qui sont désaffectés. En Bretagne, il existe tout un tas de vieilles porcheries qui peuvent d'ailleurs contenir de l'amiante.

D'autres défis se profilent, notamment les risques liés au réchauffement climatique : l'intensité et la fréquence des aléas climatiques, qu'il s'agisse de sécheresse, de pluies torrentielles ou d'inondations. Depuis que je suis ministre, il y a eu tous les ans des pluies torrentielles. La mesure et la gestion du risque vont être des enjeux majeurs à l'avenir.

La mise en place d'un système assurantiel général a pris du retard et nous devons mobiliser les grandes compagnies privées, les réunir autour de la table. La présentation du dispositif, qui devait avoir lieu avant la fin de l'année, a été reportée au début de l'été 2015. Nous définissons les produits et nous calons les dispositifs de dotation pour investissements (DPI) et dotation pour aléas (DPA). Il s'agit de favoriser la constitution de provisions dans le domaine agricole par des mesures d'assouplissement, notamment en ce qui concerne les taux d'intérêt de retard. Tout va être fait pour que l'agriculteur qui réalise un bon résultat une année donnée puisse faire des provisions pour les années suivantes.

Si les choses s'améliorent, nous pourrons envisager de reprendre une partie des aides du premier pilier de la PAC pour financer un système d'assurance global. L'idée est que les agriculteurs mutualisent le risque via le fameux contrat-socle et qu'ils soient tous assurés. C'est très compliqué mais nous avançons pied à pied, car c'est nécessaire : notre avenir dépend en partie de notre capacité à gérer ce risque d'aléas climatiques.

On m'a aussi questionné sur les abeilles et le frelon asiatique. Quand je suis arrivé au Gouvernement avec Delphine Batho, nous avons considéré le frelon asiatique comme un nuisible alors qu'il était protégé au nom de la biodiversité que lui-même détruisait ! Il est passé en catégorie 2 et se pose la question de son passage en catégorie 1, compte tenu de sa prolifération, ce qui ne va pas sans poser des problèmes budgétaires.

L'apiculture a-t-elle besoin d'aides ? Oui, et nous avons mis au point un plan de 30 millions d'euros sur trois ans. Il faut restructurer et organiser le secteur qui regroupe des amateurs et des professionnels dont les ruchers sont de tailles très différentes, mais qui sont tous concernés par la baisse de la production : elle atteint à peine 10 000 tonnes de miel alors que la consommation se situe à 40 000 tonnes par an. Cette baisse s'explique aussi par les aléas climatiques, par le fait que le printemps et les floraisons soient décalés, et par l'usage des produits phytosanitaires.

Avec la direction générale à l'alimentation, nous discutons des modifications liées aux recommandations de l'ANSES sur les épandages de produits phytosanitaires visant à protéger les abeilles. Reporter ces épandages le soir, deux heures avant le coucher du soleil, n'est pas toujours évident mais permet de protéger les abeilles au moment où elles vont polliniser. Je suis évidemment favorable aux chartes qui sont signées, département par département. Nous devons gagner cette bataille.

Les chambres d'agriculture, comme le CNPF et tous les établissements publics, doivent participer à l'effort budgétaire. Nous avons accumulé des fonds de roulement parce que nous avons été de bonnes gestionnaires, disent-elles, à juste titre. Pour autant, la vocation d'un établissement public n'est pas d'accumuler de l'épargne mais de relayer la politique publique définie par le Parlement et le Gouvernement. Les fonds de roulement de ces établissements publics seront donc mis à contribution lorsque leurs montants seront supérieurs aux deux mois d'activité réglementaires. Ils conserveront un fonds de roulement de deux mois et l'excédent sera ponctionné pour faire des économies.

Contrairement à ses dires, relayés par certains d'entre vous, le CNPF ne va pas passer au-dessous de la ligne de flottaison, il aura parfaitement les moyens de finir l'année et il retrouvera sa dotation l'année prochaine. Comme tous les autres, il devra aussi réduire de 2 % ses coûts de fonctionnement. L'État fait aussi des efforts, et vous êtes d'ailleurs les premiers à me reprocher la baisse du budget du ministère de l'agriculture. Pourquoi demanderait-on à l'État des efforts dont seraient exonérés les opérateurs ?

Parmi les chambres d'agriculture, il y a des différences : certaines sont « aisées » et elles ont dégagé des fonds de roulement très importants ; d'autres rencontrent des difficultés de fonctionnement en raison de la faiblesse de leurs ressources. D'où l'existence d'un fonds de péréquation doté de 25 millions d'euros. Les chambres d'agriculture jouent un rôle de relais et elles doivent couvrir tout le territoire. L'effort demandé ne remet en cause ni leur rôle ni leur capacité à agir.

Quant à la simplification, c'est un processus en cours qui va se poursuivre. Ayez conscience qu'il est mené en même temps que le changement de la PAC. L'administration et l'Agence de services et de paiement (ASP) ont réussi à financer les avances d'aides de la PAC en temps et en heure à 92 % ou 95 % – c'est-à-dire que pratiquement toutes les avances ont été faites – tout en travaillant sur le nouveau logiciel de la prochaine PAC, avec des sujets liés au verdissement et à des questions techniques telles que l'emblavement avant le 1er juin, etc.

Contrairement à ce que disait l'un des députés de la Mayenne, la baisse des prix n'est hélas ! Pas imputable aux lourdeurs de l'administration et au manque de simplification. Si ce n'était que cela, je serais sûr de pouvoir régler le problème de la baisse des prix mais, malheureusement, l'embargo russe vient aggraver un contexte déjà bien compliqué.

Prenons l'exemple du lait. Il y a un an et demi, je n'arrêtais pas de sonner l'alerte lors des conseils des ministres européens – tous les comptes rendus en témoignent – sur les dangers de créer une surproduction. Aujourd'hui, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis ont augmenté leur production respective de 12 % et 4 %, et le marché international de la poudre de lait se trouve en difficulté. Il faut néanmoins maintenir la production. Je vais passer un contrat avec la Fédération nationale des producteurs de lait pour essayer de structurer le secteur afin qu'il puisse amortir les chocs les plus difficiles. À l'échelle européenne, je vais me battre pour faire comprendre qu'il faut anticiper, notamment la fin des quotas. Jusqu'à présent, il était impossible de discuter de l'après-quotas, tant qu'on pouvait gagner de l'argent. Maintenant, même les grands pays qui ne voulaient entendre parler de rien veulent discuter.

En ce qui concerne l'embargo russe, nous nous étions mobilisés dès l'été, et la Commission avait pris des décisions pour soutenir le marché des pêches et des nectarines avant de tout arrêter quand la Pologne a voulu absorber une bonne partie de l'enveloppe. Hier, la Pologne a réduit ses prétentions de 140 millions d'euros à 28 millions, ce qui est plus raisonnable. Nous allons pouvoir gérer les aides – à la promotion commerciale, à l'exportation ou au retrait – de manière plus cohérente à l'échelle européenne. Il faut éviter le côté « guichet ».

Cela étant, nous allons avoir un vif débat sur le financement de ces mesures. Avec l'Allemagne, l'Espagne et d'autres pays, nous préparons une lettre dans laquelle nous demandons que le financement ne soit pas prélevé sur le fonds de gestion de crise, c'est-à-dire sur la PAC. Le budget européen voulait récupérer les super-prélèvements payés par les pays qui ont dépassé leurs quotas laitiers. Nous allons nous battre pour que tout l'argent de l'agriculture reste à l'agriculture. Si besoin est, il faudra aller chercher ailleurs parce que l'agriculture n'est pas responsable de l'embargo russe.

André Chassaigne a évoqué la restauration hors foyer. Je vais faire une proposition pour développer l'achat de produits français par ces restaurants, qu'ils appartiennent au secteur public ou au secteur privé. À tous les députés et à tous les maires, je vais envoyer un guide fixant des critères conformes aux règles des marchés publics et au droit de la concurrence, permettant d'acheter local. Ce vade-mecum sera envoyé dans une quinzaine de jours et, avec le Premier ministre, je le présenterai lors du congrès des maires, afin d'avoir la tribune la plus large possible.

Dominique Potier m'a interrogé sur les produits phytosanitaires. Nous allons attendre le rapport mais nous devons être offensifs. Il faut sortir de la logique du contrôle sur les moyens utilisés pour passer à celle du contrat sur les objectifs fixés. Je souhaite que l'Assemblée nationale soit à nos côtés, comme elle l'a toujours été, pour créer cette nouvelle logique de contrat d'objectifs.

S'agissant de la COP 21, la France a fait un rapport sur le rôle de l'agriculture et des forêts dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il était tellement bon qu'il a été intégralement repris par le conseil de l'agriculture européen et que l'accord passé récemment sur la diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en reprend trois phrases. Il dit une chose très importante pour le débat : ce secteur émet des gaz à effet de serre mais il est aussi, grâce à la photosynthèse, une pompe à carbone. Dans son dernier rapport, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) reprend cette analyse pour parler de la place et du rôle du secteur des terres – un bien joli nom – dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le jour où un marché du carbone existera, le secteur des terres étant stockeur, nous aurons alors à discuter avec les financiers de l'abondement du fonds stratégique.

Vous m'avez questionné sur les maisons familiales rurales. Partisan de la diversité qui existe et qui fonctionne, je suis allé dans les maisons familiales à l'occasion de la rentrée. Je vous rappelle que nous avons passé un accord avec l'ensemble de l'enseignement privé. Le protocole signé avec l'Union nationale des maisons familiales rurales (UNMFR) prévoit un financement de 205 millions d'euros par an jusqu'en 2016.

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