Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous retrouver pour la troisième fois dans le cadre de ces commissions élargies. Sur les crédits de la présente mission, nous avons confié le travail à deux piliers de la commission des lois, Mme Marianne Chapdelaine et M. Éric Ciotti.
Mme Chapdelaine, qui va rapporter sur les crédits du programme « Immigration, intégration et accès la nationalité française », a mené une véritable enquête de terrain pour voir si les efforts menés par l'administration préfectorale pour améliorer l'accueil des étrangers en préfecture avaient porté leurs fruits. Je crois qu'elle nous dira le bien qu'il faut penser de ce travail, et sans doute quels progrès restent à accomplir.
De son côté, M. Ciotti a travaillé sur les crédits du programme « Asile », notamment sur le coût de la prise en charge des demandeurs d'asile, que ce soit l'hébergement ou l'allocation temporaire d'attente (ATA) – coût qu'il qualifie d'« explosif ».
Je ne doute pas que ces éléments nous permettront d'entrer dans le débat, que nous approfondirons dans les semaines qui viennent avec Sandrine Mazetier, rapporteure du projet de loi sur l'asile que vous aurez l'amabilité de venir nous présenter le mardi 25 novembre devant la commission des lois.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances. Pour 2015, la mission « Immigration, asile et intégration »s'efforce de concilier efforts d'économies nécessaires au rééquilibrage des finances de l'État et rebasage budgétaire pour tenir davantage compte de la réalité des besoins.
Au final, ses dotations repartiraient à la hausse, en dépassant les prévisions pour 2014 de 8,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 1,3 %) et de 7,3 millions en crédits de paiement (+ 1,1 %), pour s'élever respectivement à 655,9 et 666,1 millions d'euros. Elles resteraient toutefois en deçà du niveau global voté en loi des finances initiale pour 2013, grâce au complément de 36,8 millions d'euros attendu des fonds de concours européens, eux-mêmes en hausse de 10 millions d'euros par rapport aux anticipations pour 2014. L'ensemble retrouverait ainsi le niveau prévu en 2013 et serait cohérent avec la consommation de crédits de paiement constatée sur cet exercice. En revanche, il serait en retrait de 22,5 millions d'euros par rapport aux dépenses totales d'autorisations d'engagement.
Même si l'évolution des huit actions de la mission est diverse, c'est encore le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française »qui supportera l'essentiel des économies. Je regrette cette diminution des moyens alloués aux dispositifs qui visent à lever les difficultés linguistiques, professionnelles ou culturelles pour favoriser une plus grande autonomie et une meilleure insertion des personnes étrangères dans notre société – politiques qui ont fait l'objet de mon contrôle cette année.
Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, des arbitrages sont indispensables et assortis d'un double enjeu pour le Gouvernement : réussir à stabiliser et, à terme, faire décroître les dépenses d'asile, d'un côté ; optimiser l'utilisation des moyens réduits alloués aux politiques d'intégration, de l'autre.
Monsieur le ministre, j'ai cinq questions à vous poser.
Premièrement, le projet de loi relatif à la réforme de l'asile déposé par le Gouvernement vise à améliorer les droits des demandeurs d'asile, mais aussi à écarter plus rapidement les demandes infondées qui engorgent le dispositif et engendrent d'importants surcoûts. Je ne parlerai pas des difficultés en préfecture. En attendant son éventuelle adoption, le Gouvernement a d'ores et déjà pris plusieurs mesures pour améliorer le fonctionnement du dispositif et la maîtrise de ces dépenses. Il a ainsi autorisé la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à recruter de nouveaux agents instructeurs et transféré la gestion de l'ATA de Pôle emploi à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Si l'on peut espérer de ces mesures une stabilisation des dépenses, voire des économies, les prévisions budgétaires pour 2015 me semblent toutefois très insuffisantes. Par rapport aux consommations de 2013, qui donnent une idée du niveau des besoins réels, les crédits prévus pour l'hébergement d'urgence seraient en retrait de plus de 17 millions d'euros et ceux de l'ATA d'au moins 39 millions. En outre, selon vos services, il manquerait 135 millions d'euros pour boucler les besoins en allocation en 2014. Si l'on se réfère aux prévisions d'exécution pour 2014, les dotations de l'ATA en 2015 seraient sous-budgétées de 160 millions d'euros. Comment expliquez-vous l'optimisme de ces prévisions ?
Deuxièmement, cette même réforme de l'asile comprendrait la transformation d'une partie des places d'hébergement d'urgence en places de centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA). Or le projet de budget pour 2015 ne prévoit d'augmenter ni les places en CADA ni les dotations correspondantes, même par transfert des crédits alloués à l'hébergement d'urgence dédié. Comment comptez-vous procéder pour donner sa pleine mesure au Projet de schéma national de l'hébergement des demandeurs d'asile, qui doit assurer une meilleure prise en charge tout en permettant une orientation directive des arrivants ?
Troisièmement, le Gouvernement a déposé un second projet de loi relatif aux droits des étrangers, en vue de renforcer l'accompagnement des étrangers primo-arrivants pour favoriser leur intégration plus rapide dans la société française. Cette réforme devrait faire évoluer sensiblement les missions de l'opérateur central de ce dispositif, l'OFII. Celui-ci verra également ses charges affectées par la réforme de l'asile, mais pas de renforcement de son budget et son plafond d'emplois. Comment l'OFII pourra-t-il faire face à ses futures charges, surtout s'il conserve la gestion du contrôle médical des primo-arrivants, alors que les postes correspondants devaient être redéployés ? La décision ne semble pas encore avoir été arrêtée. Il est important d'éclairer le Parlement sur cette question.
Quatrièmement, dans le champ de l'intégration comme dans celui de l'accueil des demandeurs d'asile, la plupart des intervenants sont des associations dont l'équilibre financier est très souvent dépendant des ressources publiques. Elles sont alors particulièrement sensibles aux retards de paiement des fonds de concours européens, nombreux, comme à la complexité du suivi des dossiers et aux remboursements qui leur sont parfois demandés. Il serait regrettable que ces difficultés mettent en danger des acteurs indispensables ou dissuade ceux-ci de solliciter des financements utiles. Comment le Gouvernement travaille-t-il à faciliter l'utilisation, par ces intervenants, du nouveau fonds de concours européen « Asile, migration, intégration » (FAMI) programmé pour 2014-2020 ?
Cinquièmement, en juillet 2013, une mission d'information initiée par le Président de l'Assemblée nationale avait montré la fragilité de la condition sociale de nombre d'immigrés âgés pourtant installés depuis longtemps dans notre pays, et recommandé des actions publiques fortes. Or, recentrés sur l'accompagnement des étrangers primo-arrivants, les crédits de la mission ne devraient plus assurer le financement des actions, nationales ou locales, développées en faveur de ces publics. Qui plus est, les dispositifs de droit commun ne sont pas nécessairement adaptés à la spécificité de ces populations. Avec quels financements le Gouvernement compte-t-il traiter ces difficultés ?