Madame Apperé, plutôt que de multiplier les bornes Eurodac, je pense plus efficace de mettre en place, comme cela est prévu dans le projet de loi sur l'asile, un hébergement plus directif, afin d'éviter que les demandeurs d'asile ne se concentrent dans certaines villes, comme Rennes.
En outre, nous travaillons avec le ministère du logement à la mise en place de dispositifs de préparation au retour. Une fois ce travail abouti, je reviendrai volontiers devant vous pour en discuter.
Monsieur Richard, l'unification du système d'allocations versées aux demandeurs d'asile proposée dans le projet de loi a été conçue de manière à n'engendrer aucun surcoût. Au demeurant, l'étude d'impact ne mentionne aucune augmentation du coût, puisque le nouveau barème sera adopté par la loi réglementaire. Nous veillerons à ce que les demandeurs d'asile hébergés en CADA comme ceux qui sollicitent un hébergement sans pouvoir l'obtenir et qui perçoivent actuellement l'ATA ne voient leurs prestations baisser.
Toutefois, deux éléments viendront minorer le coût global de la nouvelle allocation : la réduction des délais, car elle aura un impact net sur le montant total de l'allocation, et la plus grande directivité de l'hébergement, qui pourra avoir de manière marginale un impact sur le nombre de bénéficiaires.
S'agissant de l'hébergement des demandeurs d'asile, le projet de loi relatif à l'asile prévoit l'instauration d'un schéma national. Une première étape, en 2015, consistera à adopter un schéma national d'orientation fixant les objectifs par région en matière d'offres d'hébergement. Ces objectifs seront définis sur le critère de population, auquel pourront s'ajouter d'autres indices, en cours d'arbitrage. Le schéma arrêté prendra en compte les capacités existantes, afin d'éviter la fermeture de CADA ou d'HUDA (hébergement d'urgence des demandeurs d'asile) sur certains territoires.
Vous réclamez la création de 10 000 places supplémentaires. Le Gouvernement a pour ambition d'augmenter dans les années qui viennent la part des demandeurs d'asile hébergés en CADA de 50 %, avec la création de 5 000 places supplémentaires, dont 1 000 par transfert de l'hébergement d'urgence. Ces places supplémentaires s'ajouteront aux 4 000 créées en 2013 et 2014. Cet effort très significatif créera les conditions de la soutenabilité de notre politique de l'asile en France.
Il m'a été demandé s'il est possible d'estimer le taux de présence des déboutés du droit d'asile en hébergement d'urgence généraliste. Comme je l'ai indiqué précédemment, cela est extraordinairement difficile.
Je vous confirme la création de cinquante-cinq postes supplémentaires au sein de l'OFPRA pour accélérer le traitement des dossiers des demandeurs d'asile. La possibilité d'ouvrir des antennes territoriales de l'OFPRA a été discutée dans le cadre de la concertation menée en 2013. Pour l'heure, cette option n'a pas été retenue. La possibilité de recourir à des missions foraines de l'Office en cas de nécessité est utilisée massivement dans un certain nombre de villes, notamment à Calais, même si c'est l'OFII qui est mobilisé en liaison avec les services de la préfecture. En la matière, nous préférons une mobilisation des effectifs de l'OFPRA, car la centralisation de l'examen des dossiers permettra d'en traiter plus et plus vite. L'expérience nous dira si nous devons apporter des modifications au dispositif.
Concernant le financement des plateformes associatives par le FER et le FAM, le nouveau dispositif a dû être adapté aux nouvelles orientations budgétaires de l'Union européenne pour la période 2014-2020. Néanmoins, nous avons demandé que les fonds soient alloués avant même que l'ensemble des documents de l'Union européenne ne soit élaboré. Nous pensons ainsi pouvoir faire face.
Je m'arrête sur le dispositif exceptionnel pour Calais. À Calais, 2 000 personnes – y compris des femmes et des enfants – sont dans une situation épouvantable, exposées au froid, à la faim, à l'exploitation des passeurs, victimes de la traite des êtres humains. La préoccupation que j'ai exprimée correspond à une réorientation de la politique de l'État conforme à mes valeurs, car ce n'est pas en laissant les gens mourir de faim ou se faire exploiter que l'on réglera le problème de l'immigration en France.
Aussi, notre première décision a-t-elle été de faire en sorte que toutes ces personnes en situation de vulnérabilité absolue et relevant du droit d'asile puissent obtenir l'asile en France, car nous voulons arracher ces personnes aux filières abjectes de passeurs. Sur ces 2 000 personnes, nous n'avons réussi à en convaincre que 150 de demander l'asile en France. Notre objectif est ainsi de lutter contre les filières de l'immigration irrégulière, domaine où nous obtenons des résultats.
Deuxièmement, nous avons décidé la mise en place d'un accueil de jour à Calais. Les 3 millions d'euros dont vous parliez correspondent à l'accueil de jour ajouté au centre d'hébergement pour les personnes vulnérables : 300 000 euros sont consacrés à l'augmentation des capacités d'accueil existantes à destination des personnes vulnérables, accueil réalisé par une association de façon remarquable ; et un peu plus de 2,8 millions sont prévus pour le centre de jour, grâce notamment aux fonds européens.
Troisièmement, nous voulons démanteler les filières de l'immigration irrégulière. Dans cet objectif, j'ai donné des consignes claires aux forces de l'ordre, dont j'ai augmenté les effectifs à deux reprises cet été, auxquels se sont ajoutées 100 personnes supplémentaires au cours des dix derniers jours. Les forces de l'ordre font à Calais un travail extraordinairement difficile, mais avec beaucoup d'humanité.
S'agissant des personnes relevant de l'immigration irrégulière et non de l'asile, nous procéderons à des reconduites à la frontière. Faute de quoi, notre politique ne sera pas soutenable sur le plan humain.
Enfin, deux sujets concernant Calais sont très importants.
D'abord, la coopération franco-britannique, comme l'a souligné Mme Bechtel. Malgré les accords du Touquet, les Britanniques n'ont pas apporté la preuve de leur mobilisation. Aussi, la maire de Calais m'a-t-elle demandé de dénoncer ces accords. Je ne les ai pas dénoncés, car les migrants, une fois arrivés en Grande-Bretagne, nous auraient été de toute façon retournés le lendemain, ce qui aurait contribué à densifier plus encore les flux. En revanche, j'ai demandé aux Britanniques de contribuer à hauteur de 15 millions d'euros sur trois ans à la sécurisation du port et aux actions humanitaires que nous menons. Surtout, j'ai demandé, non pas des policiers britanniques à Calais, comme une erreur de traduction de mon interview à la BBC a pu le laisser croire, mais la création d'un bureau franco-britannique.
À Calais, se pose aussi la question de l'origine des migrants et de la nécessité de contrôler les flux. J'entends, monsieur Larrivé, celui qui veut devenir le nouveau responsable de votre organisation politique demander un Schengen 2 afin de régler tous les problèmes de l'immigration. Je constate qu'au cours des dernières années, particulièrement de 2007 à 2012, le nombre des migrants qui venaient en France n'était pas moins important que celui d'aujourd'hui. Je demande que l'on s'entende sur les chiffres relatifs aux demandes d'asile –60 000 a indiqué M. Ciotti –, car ils sont comparables, enregistrant même une baisse de 4 % cette année. Pour ce qui concerne l'immigration hors asile, les chiffres sont identiques en France pour ces dernières années. Il n'y a donc pas de flambée de l'immigration, et, même si M. Bompard n'a pas posé de question, je souhaite tout de même lui répondre qu'il n'est pas raisonnable d'alimenter de tels phantasmes.
J'observe encore que rien n'a été obtenu au cours des cinq dernières années jusqu'à notre tournée européenne. Au moment des printemps arabes, les migrants persécutés chez eux arrivaient en nombre identique sur le territoire de l'Union européenne, en Italie, sans que nous ayons jamais obtenu la moindre implication de Frontex pour contrôler les frontières extérieures de l'Union. Nous l'avons obtenue en substitution de l'opération Mare Nostrum, par un accord avec les Italiens et avec les pays l'Union Européenne. Il n'y aura pas de maîtrise des flux migratoires sans contrôle des frontières européennes. C'est précisément ce que nous avons obtenu de l'Union européenne.
En ce qui concerne le nombre des filières d'immigration irrégulières démantelées, j'ignore d'où proviennent vos chiffres. Quant aux chiffres officiels, ils indiquent que 30 % de filières supplémentaires ont été démantelées en 2013 par rapport à 2012, soit 250 filières, et encore 30 % de plus entre 2013 et 2014. Nous savons que ce nombre sera encore supérieur cette année. J'avoue mal comprendre ces campagnes relatives à l'immigration. Mme Le Pen s'est rendue à Calais pendant quelques minutes pour dire que nous ne faisions rien alors qu'on n'a jamais fait autant. Je m'étonne de vous entendre reprendre ce discours sur l'immigration irrégulière, qui ne correspond pas à la réalité. Sur ce sujet, nous faisons des efforts considérables grâce à la mobilisation de nos forces, en étroite liaison avec les services et les polices des autres pays. Vous finirez par décourager ceux dont vous pensez qu'ils votent pour vous à force de dire cela. Nous démantelons les filières de trafic des êtres humains de façon massive.
Protection des frontières extérieures, démantèlement des filières de l'immigration irrégulière, mais aussi application des règles de Dublin et Schengen en Italie, ce qui n'était pas le cas. J'ai dit à mon homologue italien que tout le monde arrive en Italie mais que les gens en partent pour l'Allemagne, la France, ou ailleurs. Si les migrants ne sont pas enregistrés en Italie, sur la base Eurodac, si les empreintes ne sont pas prises, les dispositifs de réadmission de Dublin ne peuvent pas fonctionner, faute de quoi, Schengen demeure sans effet. Aussi, avant de demander Schengen 2, il conviendrait de s'employer à faire fonctionner Schengen 1. C'est ce que nous essayons de faire aussi à Calais.
Monsieur Dollez, la circulaire du 6 juillet 2012 a permis la division par dix du nombre de placements en rétention de familles avec enfants entre 2012 et 2013. Je reste très vigilant sur ce point. Quant à la circulaire du 11 mars 2014 relative à l'éloignement, je n'envisage pas de la modifier, mais j'ai compris que vous n'aviez pas le souhait d'être en accord sur tout avec la politique du Gouvernement.
En ce qui concerne les populations roms, nous avons mis en place la fin des aides au retour, les diagnostics sociaux d'hébergement et d'évacuation, et réduit de 30 % le nombre des campements illicites en France. M. Goujon m'a interrogé sur les Roms qui doivent aussi pouvoir vivre dans leur pays. Ce n'est pas leur être hostile que de dire que beaucoup d'entre eux ne partent pas de leur plein gré et que les pays d'origine n'utilisent pas à bon escient les fonds européens qu'ils perçoivent. J'avais fait, à l'époque où j'étais ministre des affaires européennes, avec M. Valls, le voyage en Bulgarie et en Roumanie où nous avions proposé tout notre soutien et notre savoir-faire. C'est la seule politique que nous conduisons en France à l'endroit de ces populations, en coopération avec les gouvernements et en mobilisant les fonds européens, afin que ces population soient alphabétisées, logées, accompagnées et soutenues dans leur pays d'origine. Cette politique n'est pas infâmante et nous l'assumons totalement.
Mme Mazetier veut savoir si le programme Accelair va être étendu à toute la France. Ce programme a été décidé en 2002 sur la base du programme européen axé sur l'aide à l'emploi ; le principe autour duquel s'articule la méthode de ce programme est de ne pas séparer les questions du logement et de l'emploi en apportant un accompagnement adapté à ceux qui souhaitent accéder à l'emploi. Notre objectif est de développer et de soutenir ce programme.
En réponse à la question de M. Binet relative aux logiciels AGDREF 1 et AGDREF 2, l'appropriation de la nouvelle application par les utilisateurs a été facilitée au cours des derniers mois par le maintien du logiciel antérieur AGDREF 1 qui, malgré son ancienneté, a prouvé son efficacité et sa robustesse. Pour garantir l'aspect opérationnel du système, une modernisation progressive a été arrêtée et nous allons tenter d'améliorer son ergonomie applicative en refondant l'interface hommemachine et en ajoutant des fonctionnalités nouvelles, sans pour autant nuire à l'efficacité du système. Le dispositif sera complété par de nouvelles fonctions biométriques, avec la base centrale de données pour les empreintes, et statistiques, avec la rénovation du module AGDREF 1. Un travail en profondeur sera entrepris sur l'architecture applicative du logiciel afin de gagner en efficacité.
Mayotte a été le premier territoire ultramarin dans lequel je me suis rendu, alerté par la situation humaine très dégradée des réfugiés. J'ai d'ailleurs été choqué par ce que j'y ai vu. Le CRA sera entièrement reconstruit en 2015 et comptera 410 places. Tout à fait moderne, il offrira des conditions d'accueil bien meilleures que par le passé. Les territoires d'outre-mer bénéficieront des dispositions de la loi relative à l'immigration, qui permettront aux préfectures d'avoir une gestion administrative beaucoup plus souple. Si le programme 104 ne comporte pas de fléchage précis pour les crédits des départements d'outre-mer, ceux-ci ne bénéficient pas moins pleinement de l'ensemble des crédits dévolus à l'intégration.
En réponse à la question de M. Heinrich au sujet des mineurs étrangers isolés et la protection judiciaire de la jeunesse, l'État participe aux mesures en faveur des mineurs isolés, dans le cadre de ses compétences. Des discussions interministérielles sont en cours pour fixer les compétences de l'État dans ce domaine, la principale relevant des départements. Mais nous restons présents et sommes prêts à faire tout ce qui nous revient.
Madame Bechtel, on ne demande pas l'asile à Calais, Cherbourg ou Nantes mais à la France. Si nous voulons avoir des capacités d'accueil dignes réparties sur l'ensemble du territoire, il faut éviter les processus de concentration tels qu'on a pu les constater à Calais. La directivité de l'hébergement demeurera et, dans un dialogue attentif, conditionnera l'attribution des prestations correspondantes.
S'agissant de l'interdiction du territoire pour certains ressortissants de l'Union européenne dans le cadre de la loi relative au terrorisme, j'ai lu dans la presse des interprétations curieuses. Voilà bien un procès faux, absurde et stupide : notre intention n'a jamais été de fermer nos frontières aux ressortissants bulgares et roumains. Il s'agit d'empêcher le retour sur le territoire national d'étrangers qui ont commis des actes terroristes et sont susceptibles de mettre en danger nos ressortissants.
Monsieur Goujon, je déduis de votre allusion aux six mesures coercitives prises en un mois à l'encontre de jeunes Roumains par le parquet pour mineurs de Paris que vous vous interrogez sur l'action de la justice après que la police a neutralisé les intéressés, ce qui constitue un sujet récurrent dans vos questions. Il s'agit d'une question de politique pénale qui implique en premier lieu les autorités judiciaires. À cet égard je voudrais souligner la difficulté qu'il y a à apporter une réponse pénale et sociale adaptée dans un domaine qui concerne des mineurs étrangers et isolés. Pour éviter la récidive, il faut les mettre à l'abri des réseaux qui les exploitent, car beaucoup des intéressés ont subi des pressions ou ont été martyrisés pour pratiquer la mendicité agressive. Nous travaillons, en collaboration avec la justice, les acteurs sociaux, les conseils généraux, les collectivités territoriales et la ville de Paris, à arracher ces mineurs aux réseaux d'immigration illégale. Par une politique volontariste, nous voulons démanteler les filières de la traite des êtres humains. Nos résultats sont bons, ainsi que l'ai dit tout à l'heure à M. Larrivé, avec un niveau de judiciarisation des affaires traitées extrêmement fort.
Madame Louwagie, l'AME est conforme à nos valeurs : on ne peut pas laisser les étrangers gravement malades sans perspective de soins. Nous n'en sommes pas moins déterminés à lutter résolument contre les fraudes, et Mme Marisol Touraine est engagée dans ce travail indispensable. Il faut accroître le démantèlement des filières et, sur ce point, je vous renvoie aux résultats que nous obtenons.
M. Bacquet a évoqué le lien entre politique migratoire et aide au développement, comme M. Myard. C'est un sujet central qui doit être traité au plan européen. Parmi les propositions que j'ai faites à l'Union européenne au mois d'août, qui ont été retenues par le Conseil, figure la constitution d'un coordonnateur européen pour les migrations en Méditerranée centrale. La volonté existe pour que les services de l'Union européenne, en coordination avec le Haut comité aux réfugiés (HCR), puissent aller dans les pays de provenance pour voir ce qui relève de l'asile. Dans ces pays où sont concentrés les demandeurs, nous souhaitons établir des procédures d'asile accélérées, ce que nous faisons avec les minorités concernées en Irak et en Syrie. Par ailleurs, il faut que nous puissions développer avec eux des programmes permettant d'accueillir, dans la bande nord-africaine, les réfugiés économiques, de les garder en développant des plans d'alphabétisation, l'accès à l'emploi et le développement d'activités. Je suis extrêmement favorable à ces politiques qu'il convient de développer. L'Union européenne prend le problème à bras-le-corps, la France a été entendue et un accord obtenu. Demain à Paris, se tiendra la réunion du G6 qui rassemblera les ministres de l'intérieur de l'Italie, de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Espagne et de la Pologne, avec des représentants des États-Unis, du Canada et de la Turquie. Cette réunion, pour son volet européen, permettra d'approfondir les propositions françaises sur ces sujets.
Enfin, s'agissant des ressortissants érythréens, ils sont parmi les nationalités très représentées à Calais, avec les Somaliens, les Soudanais et les personnes en provenance d'Irak et de Syrie. Pour traiter ces cas, notre objectif est de recourir à la procédure accélérée avec un traitement rapide des dossiers et l'augmentation des moyens de l'OFII à Calais. Il s'agit de créer le plus rapidement possible les conditions de l'asile et de répartir les intéressés sur le territoire national dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile que nous avons financés.