Le SCA, qui existe depuis bientôt quatre ans, vit une deuxième transformation depuis le 1er septembre dernier.
Le SCA « historique » a été créé le 1er janvier 2010 par regroupement partiel des commissariats d'armée. Sur les 11 500 personnes composant ces derniers, 6 700 ont été transférés au commissariat des armées avec l'objectif, au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de parvenir à 4 000 personnes en 2014.
On m'a par ailleurs confié une centaine d'établissements ou organismes, que je devais ramener à quarante, défi qui n'était pas évident à relever.
Cette réforme s'imposait car les commissariats, qui étaient encore dans une logique de type conscription, devaient passer à une logique d'armée de métier – ce que nous avons fait en quatre ans.
Notre objectif, au début de 2010, était d'interarmiser, ce qui n'était pas simple compte tenu de la diversité des cultures entre les commissariats. Nous l'avons poursuivi de différentes façons. D'abord, en mutualisant les moyens : nous avons aujourd'hui 41 établissements sur une cible de 40. Deuxièmement, en rationalisant et en simplifiant les processus et les systèmes d'information, autrement dit en tentant, chaque fois que possible, de définir un processus commun : j'ai ainsi souhaité ramener les 100 systèmes hérités des trois armées à 15 d'ici 2015, sachant que nous en avons encore 20 aujourd'hui. Troisièmement, professionnaliser en faisant émerger une logique de métiers, nécessaire pour pouvoir tenir nos objectifs d'expertise. Ces métiers portent sur les achats, les finances, le droit, l'expertise comptable, le contrôle interne ou la logistique. L'État se modernise puissamment depuis quinze ans : il nous appartient de l'accompagner.
Deux grands axes recouvrent cette logique de professionnalisation. En premier lieu, tous nos centres experts ont été concentrés autour de nos métiers : si nous voulons être capables de payer les factures dans les délais fixés par Bercy, nous devons devenir des professionnels de Chorus. Le seul moyen était de les rassembler, de les former et d'élever leur niveau d'expertise. Nous sommes ainsi passés d'une quasi-incapacité à payer nos factures en 2011 à un délai de traitement gestionnaire de dix-huit jours.
Nos centres de services partagés, qui s'appellent des plateformes achats-finances, représentent deux milliards d'euros de dépenses et 300 000 factures. Le centre chargé du paiement des changements de résidence et des frais de déplacement a 135 millions d'euros de dépenses pour près d'un million d'opérations par an. Le service des transports, qui achète et affrète les déplacements, réalise près de 550 millions d'euros de dépenses et à une centaine de milliers de paiements par an. Si nous n'avions pas fait le choix délibéré de cette expertise, nous n'aurions pas été au rendez-vous du bon fonctionnement de nos systèmes.
Le second axe est la création d'un corps unique, qui va plus loin que celle d'un service unique, car elle modifie une histoire multiséculaire. Cette décision a été prise par plusieurs ministres successifs et ce corps existe depuis le 1er janvier 2013. Je suis surpris aujourd'hui de la vitesse à laquelle une cohésion et une culture commune se mettent en place en son sein, ce qui tient peut-être aussi à la qualité de son personnel.
En conclusion partielle de ces éléments introductifs, le SCA a permis de passer du monde artisanal des commissariats d'armée, très proches de leur état-major et réactifs, au monde industriel du commissariat des armées, ce qui induit des processus et une culture différents.
Cela étant, cette logique de succès ne s'applique pas à la fonction solde ni, dans une moindre mesure, à la fonction habillement, qui a vécu plusieurs avatars, dont une tentative d'externalisation qui n'a pas fonctionné. C'est probablement dans ce dernier domaine que les cultures d'armée sont les plus fortes et que nous avons le plus de mal à mettre en place une logique nous permettant de fournir des prestations efficaces au profit des forces. Nous devrions être en difficulté en la matière au moins jusqu'en 2017.
À partir de 2013, le cabinet du ministre a souhaité qu'on lui explique le modèle des soutiens, qui était alors difficile à exposer clairement. Les soutiens spécialisés – infrastructure, santé, systèmes d'information et de communication (SIC) – étaient organisés en « bout en bout », bénéficiant ainsi d'un lien direct entre leur échelon central et les unités sur le terrain, alors que l'administration générale et le soutien commun (AGSC) reposait sur deux acteurs : le commandement, d'une part, avec son centre de pilotage, le centre de pilotage et de conduite des soutiens (CPCS), et des commandants de base de défense (COMBdD) sur le terrain, et, d'autre part, le SCA, en position « hors sol », sans lien direct avec le terrain. Ce modèle a toujours surpris le ministre et son cabinet : il a donc décidé de faire rentrer le soutien commun dans l'architecture des soutiens spécialisés, c'est-à-dire selon une logique de bout en bout. C'était une décision réaliste et de bon sens. L'architecture est désormais uniforme, parfaitement lisible et permet de vérifier son efficacité.
Depuis le 1er septembre 2014, les groupements de soutien de base de défense (GSBdD), qui sont en charge du soutien sur le terrain, sont subordonnés au directeur central du commissariat. La modification par degré est en fait une modification par nature : nous passons de 4 500 personnes à 26 000 – ce qui n'implique pas la même manoeuvre RH –, et de 40 établissements à 105, avec de petites entités de 30 personnes et de très grandes, de 1700, comme pour les deux grands ports de Brest et Toulon.
Cette nouvelle donne conduit à une déflation de 5 750 personnes sur la période 2014-2018. Nous sommes dans le droit fil de la loi de programmation militaire (LPM), qui tend à sanctuariser les forces grâce à un effort particulier sur le soutien. Nous l'acceptons et le comprenons : chaque équivalent temps plein (ETP) gagné dans le soutien est un ETP gagné dans les forces. Nous ferons donc des efforts considérables pour nous mobiliser et obtenir un modèle permettant de tenir nos objectifs de déflation.
Pour ce faire, nous allons d'abord capitaliser sur les réussites du SCA « historique », en complétant l'approche métiers par une approche fonctionnelle: il ne faut pas que nos agents aient le sentiment d'un entassement des réformes les unes sur les autres – des réformes auxquelles ils ne comprennent parfois plus grand-chose et auxquelles ils ont du mal à adhérer. Nous privilégierons un modèle simple, performant et lisible – ce qui est essentiel pour la conduite du changement. Enfin, nous préserverons l'indispensable « militarité » du service : nous servons les armées, que nous accompagnons au combat, en projection et dans leurs grands exercices en métropole.
Ce modèle SCA 21 n'est donc pas une révolution, mais la continuation des efforts engagés à partir de 2010, avec encore plus de cohérence.
Nous avons pris deux décisions stratégiques à cet égard. D'abord, faire émerger, en plus de la logique de métiers, une logique de filières verticales, qui permet d'identifier nos grandes fonctions : restauration, hôtellerie, loisirs, habillement, salaires, formation, soutien de l'homme et ce que nous appelons gestion base vie, qui couvre tout le reste (transports, gardiennage, entretien des locaux, reprographie, etc.).
Une filière sert d'abord à accompagner la logique de bout en bout : notre objectif est de mettre en place un dispositif permettant à l'administration centrale de pouvoir agir sur le terrain de manière très rapide et fluide, sans dégradation d'énergie entre cette administration et le terrain. Elle sert aussi à favoriser ce qu'on pourrait appeler la « qualité client » : un soutenant ne doit être tourné que vers le bien-être du soutenu ; il s'agit de satisfaire autant que possible, avec les moyens qui nous sont consacrés, les forces ainsi que les militaires et civils du ministère. Elle permet également de responsabiliser les acteurs, c'est-à-dire n'avoir à tous les niveaux qu'un seul responsable de filière. Nous ne donnons pas à nos responsables de capacité d'éviction. Par ailleurs, il faut bien identifier et mieux gérer la ressource par filière, faute de quoi nous aurons du mal à la piloter. Enfin, la filière favorise une logique de performance : elle permettra la réduction des budgets sur les dépenses de fonctionnement (titre 3) et la déflation des effectifs. Chaque patron de filière sera responsable de sa propre performance, c'est-à-dire de réduire le dispositif sans dégrader les prestations.
La deuxième décision consiste à simplifier l'organisation sur le terrain – qui est largement encore le résultat de ce qu'était le soutien d'autrefois, très déconcentré, autrement dit au plus près des forces, simple et pléthorique, avec les appelés du contingent –, en regroupant toutes les fonctions support dans un back office.
L'organisation actuelle par exemple de la fonction restauration-hôtellerie impose 25 % de support sur le terrain, qui ne sont pas absolument utiles si on change de modèle. De même, nous ne sommes plus obligés d'avoir autant de trésoriers militaires. S'agissant de la fonction achats, sur le terrain, les groupements de soutien (GS) passent entre 25 000 et 30 000 actes : on peut probablement regrouper une partie d'entre eux dans le back office et les traiter de façon plus experte et efficace.
La restauration-hôtellerie représente 350 restaurants, 53 000 lits, 40 000 chambres, 40 millions de repas et un milliard d'euros d'actifs : nous sommes le quatrième restaurateur et le troisième hôtelier de France. L'habillement génère quant à lui 200 millions d'euros d'achats par an et un milliard de stocks, qu'il va falloir réduire. Dans le transport, nous avons 13 000 véhicules de la gamme commerciale et 1 300 bus, ce qui impose là aussi de porter un regard critique sur la gestion des actifs pour l'améliorer, en essayant d'économiser une part des annuités d'amortissement.
Ce modèle est notre principale force aujourd'hui : il nous permet de travailler ensemble. Cependant, nous n'avons pas encore de système d'information interarmées ni calé les grands processus pour les différents acteurs.
Ce modèle a plusieurs atouts : son intégrité, avec une seule fonction pour un seul objectif ; la responsabilité, celle-ci étant peu partagée transversalement ; et la fluidité – ce qui permet de traiter une question importante, « montante » ou « descendante », dans des délais rapides, sans aucune rupture de charge, ni aucun blocage pour l'empêcher d'arriver au bon niveau. L'objectif est de respecter la subsidiarité : si chacun ne restait pas à sa place, il pourrait en effet y avoir un risque de thrombose. Cela étant, quelques fonctions transverses feront l'objet d'un partage de responsabilités.
Je souhaite enfin attirer votre attention sur la cartographie des risques, qui concerne cinq domaines. En premier lieu, l'accompagnement du changement, qui est la problématique principale. Nous ne pouvons pas laisser penser au terrain qu'il s'agit de la réforme de plus, voire de trop. Nous faisons donc un effort de pédagogie constant vis-à-vis notamment des GSBdD pour les accompagner et leur expliquer cette réforme : il faut rassurer les acteurs en leur expliquant qu'elle tend plutôt à les aider.
En deuxième lieu, nous ne pouvons pas rater notre manoeuvre RH. Plusieurs éléments sont importants à cette fin. D'abord, il faut une cohérence entre organisation et gestion, ce qui suppose une gestion très fine des sureffectifs : une réduction de 5 750 personnes impliquera une baisse de plus de 1 000 personnes par an avec un partage entre civils et militaires. Deuxièmement, le rééquilibrage entre personnel militaire et personnel civil, qui concerne au premier chef les soutiens : nous nous y emploierons dès 2015. Enfin, la formation, avec deux objectifs : élever notre niveau d'expertise et motiver nos agents. Nous organisons en effet environ 3 000 actions de formation par an pour nos 4 000 agents et continuerons ainsi avec les 26 000 dont nous disposons désormais. J'envisage de demander des moyens à cette fin au chef d'état-major des armées (CEMA) et au directeur des ressources humaines.
En troisième lieu, s'agissant de l'état des actifs, nos infrastructures de soutien de l'homme et nos matériels ne sont pas en bon état et ils sont amortis depuis longtemps. Nous estimons, par exemple, la remise en état des actifs dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie à environ 500 millions d'euros au moins. Or, un restaurant en très mauvais état finit toujours par être fermé, pour de simples raisons de sécurité. Le même problème se pose probablement pour nos matériels : 60 à 70 % de nos bus ne passeront pas l'année 2015, faute de pouvoir les équiper selon les conditions de sécurité définies au niveau national. Il nous faudra donc trouver d'autres solutions pour régler ces difficultés.
Quatrièmement, les systèmes d'information qui recouvrent deux problématiques. D'une part, les systèmes d'information métiers – la solde, la logistique ou la restauration –, qui sont dédiés aux soutenants, n'existent guère sur un mode interarmées. Nous faisons un effort considérable depuis 2011 pour en mettre en place : ils sont indispensables à notre activité et au bon travail des soutenants. Nous escomptons un résultat global fin 2017 en la matière. D'autre part, la volonté du Premier ministre de mettre en place une logique numérique s'applique de façon directe aux soutiens : nous devons simplifier notre administration par ce biais, notamment grâce aux applications sur smartphone notamment (i.e. « administration en 3 clics »).
Enfin, l'architecture budgétaire : la décision du ministre a été de confier au SCA la quasi-totalité des ressources budgétaires dans les filières, ce qui implique de bien gérer ces ressources et d'engager une nouvelle relation, si possible de grande confiance, avec les états-majors d'armée, qui auront à exprimer des besoins précis, auxquels nous nous efforcerons de répondre au mieux.
En conclusion, le chemin 2014-2018 sera long et compliqué, en raison de la déflation de 5 750 personnes et de la nécessaire amélioration de notre expertise. Mais je suis optimiste car je pense que ce chemin est plutôt plus aisé que celui auquel nous étions confrontés en 2010, car nous avons l'expérience du SCA « historique » et que nous pouvons désormais capitaliser sur l'existence d'un corps unique. Il n'y a donc pas de raison que nous n'atteignions pas les objectifs fixés par le ministre.