Intervention de Denis Baupin

Réunion du 6 novembre 2014 à 8h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Monsieur le professeur, je vous remercie de cette intervention décapante.

Une remarque : quand on connaît la part prise dans les investissements par la bourse, où domine le temps court, pensez-vous qu'on puisse vraiment opposer le temps court des politiques au temps long des investisseurs ? Ce monde idéal de l'économie et des investisseurs que vous nous avez présenté me semble bien éloigné de la réalité. Il serait du reste souhaitable que le temps long guide à la fois le politique et l'économique.

Selon vous, le libre marché assurerait le fonctionnement idoine du secteur de l'électricité : quid des coûts d'investissement ? À l'heure actuelle, du fait de l'absence de visibilité et d'un prix du marché très bas, l'investissement n'est rentable ni dans le nucléaire, ni dans le gaz ni dans les énergies renouvelables, ce qui n'est pas sans incidence, notamment pour gérer la pointe. Quelles mesures préconisez-vous en la matière ?

Sur l'effacement, vous vous êtes, me semble-t-il, contredit : vous avez affirmé que l'effacement n'avait d'autre intérêt que de gérer la pointe après avoir souligné qu'il entrait également dans la question des énergies variables, ce qui me semble exact, l'effacement ayant un rôle à jouer dans la gestion de la variabilité de l'approvisionnement. Pourquoi conviendrait-il par ailleurs de choisir entre l'effacement et les mécanismes de capacité ? Vous avez affirmé qu'il est inutile de disposer à la fois d'une ceinture et d'une paire de bretelles et qu'il faut donc choisir entre les deux. Soit. Mais si on a besoin de 500 ceintures ou de 500 paires de bretelles, ne peut-on faire le choix de disposer de 250 ceintures et de 250 paires de bretelles ? Les besoins du pays ne conduisent-ils pas à faire le choix mixte de l'effacement et du mécanisme de capacité ? Effacement et mécanisme de capacité ne se complètent-ils pas ?

Vous avez évoqué le prix du CO2 : la puissance publique doit-elle imposer de manière dérogatoire au marché un prix à ces externalités négatives sur le climat que sont les émissions de gaz à effet de serre ? J'observe que les mécanismes actuellement en place engendrent un prix du carbone bien trop faible pour infléchir les investissements dans le sens souhaité par les politiques publiques.

Personnellement, je ne suis pas opposé à ce que des décideurs différents travaillent ensemble pour dégager des solutions, surtout dans les périodes de transition. Vous êtes au contraire favorable à ce qu'il n'y ait qu'un seul décideur, tout en notant que les réseaux tendront à être de plus en plus locaux : cela signifie donc que, d'après vous, les décideurs seront locaux. Quid dans ces conditions de la péréquation ? Une multiplication de décideurs locaux n'est-elle pas un obstacle irréversible à la péréquation ? Faut-il supprimer la péréquation comme étant d'un autre âge ?

Vous avez évoqué un passif de 41 milliards dans le bilan de ErDF : or ces 41 milliards sont la propriété des collectivités locales. Que l'argent des collectivités locales apparaisse dans le bilan d'une société qui est la filiale d'une société cotée en bourse ne vous choque-t-il pas ?

Je ferai une dernière remarque : c'est vrai, les pouvoirs publics ont prévu un tarif de rachat des énergies renouvelables trop élevé. Je tiens toutefois à rappeler que cette erreur d'appréciation, que nous paierons durant vingt ans, et qui a été commise dans le cadre du plan Borloo pour le développement des énergies renouvelables, était liée à une politique volontariste de promotion de nouvelles sources d'énergie qui avait sa légitimité. Une bonne partie du coût actuel de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) est donc liée à des erreurs passées et non au coût actuel de production des énergies renouvelables – vous l'avez souligné, en évoquant le coût du photovoltaïque dans le sud de la France.

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