Madame la rapporteure, il y a un grand débat pour savoir si la concurrence est le meilleur moyen d'organiser le marché de l'électricité, par opposition au monopole tel que nous l'avons connu dans le passé. Ce qui est sûr, c'est qu'une organisation complètement intégrée et monopolistique dégage des synergies. Mais un certain nombre de pays, notamment la Grande-Bretagne, ont considéré qu'un tel monopole était inefficace, peu productif, et cette école l'a finalement emporté sur l'autre. Je ne prendrai pas parti ici pour un modèle ou pour l'autre, chacun d'entre eux ayant ses vertus. Il est certain que la mise en place de la concurrence impose une sorte de désoptimisation à l'instant T d'un système très intégré. Nous espérons que la mise en concurrence stimulera les offres pour les clients, l'innovation, la compétitivité, etc.
À ce jour, le marché n'est pas complètement bien organisé, on est un peu au milieu du gué. Ceux qui sont favorables à l'ouverture à la concurrence totale considèrent que si le marché ne fonctionne pas bien dans un pays comme le nôtre, c'est parce qu'il existe encore des barrières, des tarifs réglementés de vente. Il est encore plus compliqué de le faire en France en raison du nucléaire, d'où la mise en place de l'ARENH, qui avait une vocation transitoire, ouvrant à d'autres solutions plus industrielles sur la concurrence, y compris dans le domaine nucléaire. Tout à l'heure, j'ai insisté sur le fait que la partie concurrentielle est extrêmement réduite puisqu'elle représente 10 % de la valeur globale payée par le client, les autres composantes étant l'ARENH, le transport, la distribution, la CSPE et les autres taxes.
S'agissant de la sécurité d'approvisionnement, l'un des problèmes réside dans le fait que les coûts fixes sont très importants et que l'équilibre du système impose de délivrer une puissance à tout instant. Or le marché de l'énergie ne donne pas les signaux économiques permettant d'investir dans des moyens de pointe, même de semi-base, on le voit avec les cycles combinés gaz. C'est pourquoi nous avons promu l'introduction d'un marché de capacité. Nous pensons que le marché de capacité participera à l'amélioration de l'organisation et du fonctionnement du marché de l'électricité en France.
Pour vous répondre à propos de l'évolution à long terme des coûts et des tarifs, je reprendrai mon second schéma. Les chiffres indiqués proviennent soit de la Cour des comptes, soit de la CRE ; nous sommes donc sûrs de nos références. Pour notre part, nous faisons seulement une ou deux hypothèses mais elles sont très peu prégnantes dans le résultat global. Actuellement, l'ARENH est de 42 euros par mégawattheure. La CRE a annoncé qu'il devrait passer à 44 ou 46 euros. La Cour des comptes considère que le coût complet du nucléaire est de l'ordre de 50 euros par mégawattheure, voire 55 euros si l'on introduit le grand carénage, c'est-à-dire la prolongation de l'exploitation des centrales nucléaires. Tout dépend de ce que vous prenez dans l'ARENH. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est une base, un ruban. En France, vous le savez, le nucléaire est modulé, cela fait une petite différence entre le coût complet et le coût pris dans la base nucléaire qui sert au sourcing des concurrents.
Comme l'ARENH a été créé pour faciliter la concurrence, il est normal que le président de l'ANODE demande qu'il soit le plus bas possible. Il le souhaite d'autant plus si le tarif réglementé de vente ne crée pas un espace concurrentiel. Un nouveau concurrent est obligé de proposer une offre plus basse que le tarif réglementé de vente, sans quoi le client n'a aucun intérêt à changer d'opérateur. En tout cas, ce qui compte, ce sont les vrais coûts économiques et comment faire en sorte d'avoir à la fois un espace concurrentiel et une bonne couverture des coûts, afin qu'il n'y ait pas de perdants, si je puis dire.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le complément pèse assez peu. Il est valorisé par rapport au prix du marché de gros. Il est bas et il est encore plus bas en Allemagne – il y a dix euros d'écart. Actuellement, en France, il est un peu plus bas que l'ARENH, ce qui est paradoxal car, normalement, les moyens de semi-base et de pointe sont plus chers au mégawattheure que le nucléaire. Mais, en raison de la surcapacité et des subventions massives aux énergies renouvelables, le prix du marché de gros connaît une dépression. Logiquement, si l'on corrige le marché et qu'il redevient représentatif des coûts, cette partie-là augmentera. Inversement, si l'on continue à développer des énergies renouvelables électriques alors qu'il n'y a pas de demande en électricité, on crée de la surcapacité et des coûts économiques échoués dans le système. Bien sûr, il ne faut pas arrêter les EnR électriques mais faire en sorte que leur développement soit piloté en fonction de l'évolution de la demande. Il faut donc organiser massivement des transferts d'usage entre le pétrole et l'électricité. Le projet de loi relatif à la transition électrique se donne des objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables, et c'est bien, mais il faut prendre en compte cette réalité. Parallèlement au développement des EnR électriques, il faut donc mettre en place un plan de développement du transfert des usages du pétrole vers l'électricité, sans oublier l'efficacité énergétique. Par ailleurs, il faut développer les EnR non électriques ; or, bien qu'elles représentent un potentiel important en la matière, c'est dans ce domaine que nous sommes le plus en retard.
Je reviens sur mon schéma. En ce qui concerne la commercialisation, nous avons pris pour hypothèse la stabilité à l'horizon 2025. Les chiffres indiqués concernant le transport résultent des travaux que nous avons effectués avec RTE, ERDF, etc. La part transport connaîtra une augmentation à l'horizon 2025 – à mon avis, elle n'est pas trop excessive et elle est tout à fait supportable – parce que plus il y a d'énergies renouvelables électriques, plus on a besoin de réseaux. Chacun a bien pris conscience que l'on ne pourra pas se passer des réseaux avec les énergies renouvelables.