Je me rappelle avoir eu l'occasion de débattre de cette question avec les parties prenantes qui n'étaient pas acquises à cette idée. En la matière, on a bien progressé.
S'agissant de la CSPE, nous nous référons aux travaux de la CRE, qui a modélisé les engagements en matière de développement. La part CSPE passerait de 16,5 euros à 30 euros par mégawattheure en 2025, hors impact de la réduction du parc nucléaire. L'un des objectifs de la loi sur la transition énergétique est de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50 %. Mais tout dépend de l'évolution de la demande d'électricité sur cette période. Certains pensent que l'on pourrait baisser la demande d'électricité à due concurrence de la réduction de la production nucléaire correspondante. Ce n'est pas du tout ce que nous pensons, pour de nombreuses raisons, comme la démographie, le développement des nouveaux usages, notamment les technologies de l'information, et l'activité économique. Pour notre part, nous ne voulons pas nous inscrire dans le scénario de la décroissance, même si les efforts réalisés en matière d'efficacité énergétique permettront de réduire l'impact lié à la croissance économique. Mais l'idée selon laquelle nous ferions des bonds spectaculaires en matière d'efficacité énergétique au point de compenser la hausse naturelle des consommations, voire de les réduire de 20 à 30 % à l'horizon 2025, est complètement illusoire. RTE a retenu comme hypothèse une stabilité de la consommation, hypothèse qui me semble bonne.
Je le répète, le chiffre de 30 euros par mégawattheure annoncé par la CRE ne tient pas compte de la réduction du parc nucléaire existant. Si l'on devait diminuer la production nucléaire de 20 gigawatts à l'horizon 2025 alors que la demande en électricité serait toujours là, il faudrait compenser. Or, compenser avec des énergies renouvelables, c'est-à-dire non émettrices de CO2, entraîne un coût supplémentaire que l'on peut évaluer entre 20 et 25 euros par mégawattheure.
Ce qui manque, dans la loi sur la transition énergétique, c'est l'évolution de ses impacts économiques et industriels. Chacun s'accorde à le dire, elle n'a pas pris la mesure des conséquences des grands objectifs qu'elle fixe et qui vont engendrer d'autres types de problèmes. Il est donc important d'évaluer les conséquences à la fois économiques, industrielles voire sociales de ces orientations.
Enfin, la part des autres taxes et de la TVA devrait augmenter, mais il s'agit d'augmentations mécaniques.
Sur la base des coûts évalués par les grands opérateurs concernant le réseau et par la CRE concernant l'évolution de la CSPE, en 2025, le coût moyen du mégawattheure serait d'un peu moins de 200 euros, contre 158 euros aujourd'hui.
Les électro-intensifs constituent en effet un sujet de préoccupation. Le fait qu'il existe des mesures spécifiques en leur faveur semble de bons sens pour tout le monde. Mais qui doit financer cet effort particulier ? C'est un peu la même logique que pour les clients en situation de précarité. Il est malsain qu'une partie des consommateurs compense les mesures prises pour une autre catégorie de consommateurs. Il faut donc inscrire ces mesures dans une politique publique et trouver les bons mécanismes.
Nos voisins allemands ont massivement soutenu leur industrie électro-intensive avec deux composantes. L'une est l'exonération presque intégrale de l'Erneuerbare-Energien-Gesetz (EEG), l'équivalent de la CSPE. Et l'effort en faveur des énergies renouvelables est supporté par les autres catégories de clients, essentiellement les particuliers, ce qui explique que le prix de l'électricité payé par un particulier en Allemagne soit pratiquement le double de celui payé par un particulier en France. En Allemagne, on utilise beaucoup ce que l'on appelle « la rémunération de la flexibilité ». C'est un principe intelligent qui consiste à rémunérer un consommateur qui se montre flexible ou qui a un appel de puissance très régulier – car soumettre le parc de production et les réseaux à des à-coups importants a des conséquences. Le projet de loi prévoit un dispositif sur cette question. Il est tout à fait normal qu'un consommateur, dont les caractéristiques d'appel de puissance de consommation sont, si je puis dire, plus économes que la moyenne d'un autre client, paye moins cher sa consommation.
La question de la tarification dérogatoire des agents revient assez souvent. Les prix particuliers ont vu le jour lors de la nationalisation, il y a donc quelques années. L'existence de dispositifs spécifiques liés à l'activité, ou « avantages en nature », est tout à fait normale. C'est le cas par exemple à la SNCF ou chez Air France. À l'époque où a été créé ce système, le référentiel était complètement différent d'aujourd'hui. Comme les tarifs particuliers n'évoluent pas au même titre que les autres tarifs, l'avantage s'accroît dans le temps. J'ajoute que la tarification dont bénéficient les salariés d'EDF ne les incite pas à réaliser les mêmes économies que les autres consommateurs, et ils ne payent pas non plus les taxes correspondantes, d'où un certain décrochage. Ce sujet est bien identifié. Les entreprises de la branche des industries électriques et gazières étaient prêtes à ouvrir le dossier ; le contexte politique ne le permet pas pour l'instant…